Il y eut de cela mais il y eut surtout ceci : avec la tradition toujours vivante de l’idéal des Cours d’Amour, la volonté chez une société restreinte, aristocratique, brutale et vigoureuse, mais vivant largement, noblement, d’atteindre à la délicatesse, et de se séparer par ses façons de vivre, de parler, d’aimer, du commun des mortels. […] Si Stendhal n’eût pas créé Julien Sorel, Robert Greslou, parti de rien, boursier d’université comme Sorel avait été séminariste, entrant comme lui, précepteur, dans une famille aristocratique, en séduisant la fille, par un effort de volonté, de domination, comme Sorel avait séduit Mme de Rênal, fut-il jamais né ? […] Voici que Rolland nous montrait un Allemand, sinon insoucieux de sa patrie, du moins de l’idéal politique, matérialiste, de la « volonté de puissance » chez cette patrie, parce que, musicien, il était internationaliste et tenait que tout pays où il y a de la musique est le sien ! […] Lisez surtout un beau roman sur les juifs de l’Est européen, À l’ombre de la croix, mosaïque encore peut-être — les Dreamers of the Ghetto, de Zangwill, avaient déjà révélé la singulière activité, la volonté de puissance qui se cache, larvée, dans la misère de ces juifs de Pologne, de Galicie, de Hongrie. […] Ce n’est pas qu’il n’aime pas cela, c’est pour bien dire qu’on ne peut pas lui changer sa volonté.
Dans un sermon de Bossuet, Racine assurément, ne retrouvait rien moins que ses fines préoccupations psychologiques, — mais soyez sûrs qu’il y admirait en tout cas la même volonté de nombre, d’équilibre et d’harmonie ! […] Que son chant élève les âmes ou émeuve les cœurs, contribue à la paix ou gagne des batailles, c’est par-delà sa volonté. […] L’estampe japonaise est fresque orientale ici (de très loin, fine miniature persane) : mais j’y salue une même volonté d’art. […] Nous assistons à un bien plus extraordinaire miracle, bien plus fécond et bien plus exemplaire : le miracle de la culture et surtout de la volonté. […] Lui imposant une ferme volonté d’art, réclamons pour le romancier, sinon pour le dramaturge, dans le plus libre des genres, la plus large liberté.
En 1886, Laforgue avait à peu près achevé ses Fleurs de Bonne Volonté ; il s’était même assuré d’un éditeur pour la publication de ce recueil. […] Voici, par exemple, quelques vers des Fleurs de Bonne Volonté. […] Schopenhauer définissait la musique « l’objectivation immédiate de la volonté ». […] Ses lumières extravagantes et ses fumées sont un prestige auquel cèdent irrésistiblement les volontés, et son appel retentit au fond des horizons. […] Mais il se dompte, et le tragique conflit de sa volonté consciente avec sa sensibilité pantelante sanctifie son intime douleur.
Avec le même charme de douceur qu’Iphigénie et Junie, elles ont plus de volonté et de force ; elles se sentent reines, et elles semblent tirer de cette situation la force, Monime de résister à Mithridate, Bérénice de s’immoler à la gloire de Titus. […] Junie cache son amour sous les sentiments qui peuvent le moins effaroucher Néron : elle aime par respect pour la volonté du père de Britannicus et par référence pour Agrippine ; elle aime par pitié pour Britannicus : Il ne voit dans son sort que moi qui s’intéresse, Et n’a pour tout plaisir, seigneur, que quelques pleurs, Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs29. […] Cela est si bien la vie, que, lorsque nous parlons de quelque aventure tragique, nous appelons fatalité cet enchaînement invincible des causes et des effets, des caractères et des situations, par lequel chaque personnage court au-devant de celui qu’il aurait le plus d’intérêt à éviter, et se précipite vers sa destinée, qui n’est que le châtiment de sa volonté aveuglée par sa passion. […] Il vit tout ce qu’il y avait de pressant, d’irrésistible dans ce contact de l’usurpation et du droit, de la religion et de l’idolâtrie, outre la volonté du Dieu des vengeances, qui joue le même rôle dans Athalie que le dieu Destin dans le théâtre grec.
Tant qu’il reste dans la science pure, ses principes sont solides, mais il a voulu aborder la psychologie et aussitôt le philosophe a déraillé, s’engageant dans une dissertation qui tend à prouver que « la thèse de la liberté de notre volonté ne contredit pas le déterminisme. Voilà encore un savant qui a été ébloui par la morale et qui s’est demandé avec anxiété ce qu’elle deviendrait si on soumettait la volonté au déterminisme des motifs. […] La preuve de la non-liberté de la volonté est dans l’existence même des personnalités, des caractères. […] Et cela suffit pour nous donner l’illusion de la volonté libre.
Si votre volonté, si celle des destins me réservent Pallas, si je dois le revoir et l’embrasser encore, je vous demande de vivre.