La force des choses, cette irresponsabilité du destin, ce joug d’une mathématique inconnue jeté sur le cou de la pauvre créature humaine, a remplacé, dans l’Histoire, l’action réelle et très explicable de l’homme tout-puissant de volonté, de liberté, quand il s’agit des événements qui paraissent le moins à sa charge, et même tout puissant de faiblesse. […] En prouvant, comme il l’a fait pour la Révolution française, qu’elle n’avait aucun des caractères providentiel, fatal, philosophique qu’on lui donne, il ne restait plus pour elle qu’une origine : la volonté et l’intelligence humaines, l’une dépravée et l’autre aveugle. Or, cet aveuglement de l’esprit et ce vice de la volonté n’étant point, quand la Révolution éclata, dans la masse du peuple, mais, comme l’a prouvé Cassagnac, uniquement dans ceux qui la menèrent et l’égarèrent, nous parler à fond de ces meneurs coupables, nous ouvrir leur âme, passer de l’homme public, exagéré par la perspective du théâtre, à l’homme privé, saisi dans la stricte rigueur de ses habitudes et de ses passions, dans ce terrible tous les jours de la vie qui nous en dit tant sur les hommes !
Il faut vouloir, et la volonté amène l’effort.
« Mais il vint un moment, et ce moment fut celui de la fuite du roi, sortant du royaume, protestant contre la volonté nationale, et allant chercher l’appui de l’armée et l’intervention étrangère, où l’Assemblée rentrait dans le droit rigoureux de disposer du pouvoir déserté. […] Son ardeur n’était pas de l’élan, mais de la volonté. […] Les natures se combattaient en dépit des volontés. […] Pour obéir à sa conscience, il avait refusé sa sanction à des lois commandées par la volonté du peuple, et les Girondins unis aux Jacobins avaient fait le 10 août.
L’intensité constante de leur unique passion, le jet rectiligne de leur volonté, leurs sens aigus et surentendus, la subtilité de leurs pensées, leurs actions jamais instinctives, mais déduites et raisonnées dans les plus terrifiantes conjectures, font d’elles de parfaits mécanismes mus en leurs rouages par des courants électriques réglés. […] Il montre la mystérieuse et inexplicable hantise de l’Homme des foules, la volonté succombant sous des impulsions morbides, les dégradants ravages de l’alcool ; puis les demi-affolements, les illusions acoustiques et les envies sanguinaires de l’assassin du Cœur révélateur, enfin te vampirisme forcené de l’amant de Bérénice, dont l’acte dégoûtant lutte d’horreur avec une épouvantable folie. Et au-delà de ces contes où l’angoisse paraît exaltée hors de mesure, de névrose eu névrose, viennent des êtres plus mystérieusement désorganisés, puissants d’intelligence, atteints des maladies profondes de la volonté, monstrueux et fêlés par l’énorme développement de quelque groupe cérébral normalement infime. […] Cette seconde supposition est plus probable ; car tout l’art de Poe porte la marque d’une clarté, d’une volonté, d’une pleine conscience qui en constitue le troisième élément primitif.
Taine, de volonté systématique, n’est plus une personnalité. […] Il a pu, par le fait de sa volonté, éteindre le rayon de son opinion politique et le rayon de son talent littéraire, bien autrement difficile à éteindre quand on a le bonheur et la gloire d’être un écrivain, et M. […] Il l’a étudié et décrit comme il eût étudié et décrit le système organique de quelque monstrueux cétacé, dans une histoire générale des poissons… Il l’a étudié et décrit, sur ses propres témoignages à lui-même, dans un livre construit avec des milliers de citations et où presque chaque phrase en est une, ce qui fait la plus puissante des nomenclatures, et il a montré, dans le principe de sa vie et dans toutes les manifestations de son action, ce genre de monstre qui a constitué le jacobin dans la bête humaine, à un certain moment de l’histoire de France et de l’humanité, Ce livre incompatible, plus haut que les partis, et qui n’a été écrit pour être agréable à personne, mais pour la vérité, est un peu lourd, on doit le reconnaître, et pour le lire il faut quelque chose de la volonté ferme qu’il a fallu pour l’écrire ; mais cette lourdeur tient à sa force même. […] Taine en sa Conspiration jacobine, dans les assemblées qui constituent directement ou indirectement tous les pouvoirs publics, et qui, pour exprimer la volonté générale, auraient dû être pleines, il manquait « SIX MILLIONS trois cent mille électeurs sur SEPT MILLIONS !
Faute de savoir le vrai, les hommes tâchent d’arriver au certain, afin que si l’intelligence ne peut être satisfaite par la science, la volonté du moins se repose sur la conscience. […] La physique des ignorants est une métaphysique vulgaire, dans laquelle ils rapportent les causes des phénomènes qu’ils ignorent à la volonté de Dieu, sans considérer les moyens qu’emploie cette volonté. […] Supposé que toutes les sociétés aient commencé par le culte d’une divinité quelconque, les pères furent sans doute, dans l’état de famille, les sages en fait de divination, les prêtres qui sacrifiaient pour connaître la volonté du ciel par les auspices, et les rois qui transmettaient les lois divines à leur famille.