Un siècle sédentaire comme le dix-huitième siècle, qui vivait dans des salons ou dans des cafés, dut naturellement raffoler de Gil Blas, de ce gentilhomme de grande route, l’idéal impossible d’un bonhomme, parfaitement cul-de-jatte en fait d’aventures, qui passa sa vie en habit gorge de pigeon à jouer au domino au café Procope, entre sa tabatière et sa bavaroise, dans la plus grasse et la plus bourgeoise des tranquillités ! […] Walter Scott avait la bonhomie et Balzac l’amour passionné de tout ce qui était et vivait et pouvait être saisi par la pensée. […] En soi, cette production ne sauve rien de ce qui doit périr, et elle perd souvent ce qui, sans son enragement, aurait pu vivre.
Mais pour la majorité des esprits qui pensent, avant tout, à être littéraires quand ils écrivent, on peut dire qu’on est revenu de toute part maintenant au roman de moyenne proportion, qui n’a pas la prétention napoléonienne de brasser tout un monde de caractères et de passion comme Napoléon brassait les masses dans ses carrés de bataille ; à ce genre de roman, enfin, qui n’est que l’étude de l’individualité humaine et qui, sans avoir pour cela besoin d’être modeste, se contente d’une passion (tout un infini) à creuser, d’une situation à frapper de lumière et d’un caractère à faire vivre. […] Quoique la description et le sentiment y tiennent leur place, ils n’y débordent pas, comme dans la plupart des romans actuels, et l’auteur, qui a vécu, car il faut avoir vécu pour faire des romans, a mis tout au fond une pensée.
Mais pourquoi cette volonté de vivre ? […] il leur faut vivre en une étrange ménagerie ! […] Qu’il fait bon vivre, ami ! […] Vivre dans l’illusoire ? […] Tu vivras pauvre et sans gloire… Renonces-tu ?
Et ce pendant vous commandons vivre amiablement ensemble, sans vous outrager l’un l’autre. […] Le cardinal du Bellay vivait à Rome avec magnificence. […] Ne vivait-il point entouré d’ennemis, n’osant prendre un peu de repos que la tête appuyée sur ses pistolets ? […] Cependant, Théophile de Viau vivait en un temps où les plus abandonnés gardaient encore comme un arrière-goût de style. […] Chateaubriand assure que Lebrun vivait dans un pareil galetas par avarice.
Chacun des regrets qu’il exprime est empreint d’une telle sincérité qu’il a l’air d’avoir vécu longtemps dans la société de ces mines et qu’il nous impose toutes ses sympathies. […] Convaincus de cette vérité, le poète et le critique vivent ensemble dans une heureuse harmonie. […] Alors il n’est pas rare de voir le critique s’interposer entre le poète et la foule, et, profitant de l’intimité dans laquelle il a vécu et continue de vivre avec lui, expliquer aux esprits indifférents ou blasés, hostiles ou ironiques, la pensée qui a présidé à la conception et à l’exécution d’une œuvre poétique. […] Il ne consent pas à reconnaître l’égalité fraternelle dans laquelle il vivait avec son interprète. […] Oui, le poète et le critique, lorsqu’ils fondent chacun leur puissance, vivent dans une égalité fraternelle ; et cette égalité fait leur force.
Quoi que fît le faune, la fleur de la foi vivait en lui. […] combien de fois déjà vécue et revécue ! […] Ils étaient devenus deux, qui vivaient à part, — la société et le faune. […] Jusque-là il avait vécu à l’aventure. […] Il n’y a pas une page de ce livre qui n’ait été vécue.