Ils ont vécu, ce Raoul qui, se faisant adjuger par le roi Louis l’héritage de Herbert de Vermandois, envahit le pays qu’il veut posséder, saccage et brûle, un vendredi saint, la ville d’Origny, avec son monastère et ses nonnes, qu’il promettait tout à l’heure d’épargner, qui, tout échauffé de cette atroce exécution, tout joyeux et de grand appétit, n’ose manger de la viande, quand son sénéchal en se signant lui remémore qu’« il est carême » ; ce Bernier, écuyer de Raoul, fils d’un des quatre fils de Herbert, qui, fidèle à la loi féodale, suit son maître contre son frère et ses oncles, voit sa mère brûlée sous ses yeux dans le monastère où elle s’est retirée, et renonce seulement son hommage quand Raoul, échauffe par le vin, l’a à demi assommé pour avoir trop haut regretté l’incendie de son pays et la mort de sa mère. […] Toutes ces horreurs sont racontées, dans Garin surtout, d’un style étrangement bref et sec, où pourtant le trait caractéristique est appuyé de façon à prendre une intense énergie d’expression : ainsi le monotone refrain des villes détruites ou incendiées par Bègue dans sa course en Bourgogne, finit par évoquer, avec une netteté singulière, je ne sais quelle image simplifiée et comme le symbole horrible de la guerre, de la guerre abstraite, d’une contrée imprécise où tout est ruine ou flammes. […] Il la vend au jongleur, qui la joint à son répertoire, et la colporte de château en château, plus tard aussi, et de plus en plus, de ville en ville et de village en village : il se fait entendre dans la grande salle féodale, aux barons assemblés, ou sur la place publique, aux bourgeois, aux vilains. […] Il fait tomber les murs des villes, et les passions dans les cœurs : il arrête le soleil dans le ciel, l’épée dans la main du guerrier. […] Un roi qui déguise deux mille de ses soldats en diables noirs et cornus pour donner l’assaut à une ville assiégée38, un baron au contraire qui garnit les murs de son château assiégé de mannequins bien armés pour simuler une forte garnison39, un marmiton gigantesque, sot et colère, qui fait grotesquement d’héroïques exploits, et qui, voulant monter à cheval, se tourne tête en queue, comme nos clowns de cirque40 : voilà ce qui amusait infiniment nos bons aïeux.
Mais un d’eux est triste ; il propose aux autres de supprimer l’enfer, de se sacrifier à l’amour universel, et alors les démons mettent le feu à la ville, et il n’en reste rien ; mais On n’avait pas | agréé le Sacritice. […] Lisez Kaléidoscope : Dans une rue, au cœur d’une ville de rêve, Ce sera comme quand on a déjà vécu ; Un instant à la fois très vague et très aigu… Ô ce soleil parmi la brume qui se lève ! […] Ce sera comme quand on ignore des causes : Un lent réveil après bien des métempsycoses Les choses seront plus les mêmes qu’autrefois Dans cette rue, au cœur de la ville magique Où des orgues moudront des gigues dans les soirs, Où des cafés auront des chats sur les dressoirs, Et que traverseront des bandes de musique. […] quelle ville de la Bible ! […] la nuance seule fiance Le rêve au rêve, et la flûte au cor… D’autre part, il est tout simple : Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m’ont pas trouvé malin.
Il y avait alors plus de contrastes d’une ville à la ville prochaine, qu’il n’y en a maintenant d’une ville de la frontière belge à une ville sise au pied des Alpes ou des Pyrénées.
Lors d’un voyage qu’il fit l’an dernier à Bordeaux, la lecture de ce poëme, au sein de l’Académie de cette ville, lui valut un triomphe qui rappelle de loin ceux de l’antique Provence ou de l’Italie. […] Dans une jolie pièce de vers, adressée à un riche agriculteur de Toulouse qui lui donnait ce conseil, il réfute agréablement les raisons flatteuses par un tableau de ses goûts et de ses simples espérances : « Dans ma ville, où chacun travaille, laissez-moi donc comme je suis ; chaque été, plus content qu’un roi, je glane ma petite provision d’hiver, et après je chante comme un pinson, à l’ombre d’un peuplier ou d’un frêne, trop heureux de devenir cheveux blancs dans le pays qui m’a vu naître. […] Qu’il ne le perde point de vue ; et puisse-t-il arriver à vieillir, suivant ses souhaits, dans sa ville natale, poëte toujours aimable, mais de plus en plus sérieux, touchant et honoré ! […] Nous concevons, en effet, le peu d’estime que des antiquaires, épris de cette belle langue en ce qu’elle a de pur et de classique, expriment pour le patois extrêmement francisé qu’on parle dans une ville du Midi en 1836.
La Grèce, toujours renfermée en elle-même, et uniquement attentive à ses querelles de petites villes, a eu des historiens admirables ; mais avant l’époque romaine, on chercherait vainement chez elle un système général de philosophie de l’histoire, embrassant toute l’humanité. […] Un certain Juda, de la ville de Gamala, sur la rive orientale du lac de Tibériade, et un pharisien nommé Sadok se firent, en niant la légitimité de l’impôt, une école nombreuse, qui aboutit bientôt à une révolte ouverte 184. […] Si l’on excepte Tibériade, bâtie par Antipas en l’honneur de Tibère (vers l’an 15) dans le style romain 192, la Galilée n’avait pas de grandes villes. Le pays était néanmoins fort peuplé, couvert de petites villes et de gros villages, cultivé avec art dans toutes ses parties 193.
Né à Dijon le 7 février 1709, d’une ancienne et noble famille originaire de Savoie, et qui n’avait pris la robe qu’après avoir porté l’épée, le jeune de Brosses fit des études brillantes en sa ville natale, qui avait alors toutes ses ressources au complet, et qui sentait de tout point sa capitale. […] Par exemple, quand il passe en Dauphiné, il dira de l’Isère : « Nous passâmes ensuite à l’embouchure de l’Isère, rivière infâme s’il en fut jamais : c’est une décoction d’ardoise. » Et à Marseille : « On trouve en cette province, à chaque pas, l’agréable et jamais le nécessaire ; aussi, à vous parler net, la Provence n’est qu’une gueuse parfumée . » À propos d’une danseuse qu’il voit à Vérone, et qui surpasse tous les maîtres en entrechats : « De sorte, ajoute-t-il, qu’à l’égard de la légèreté, la Camargo est auprès d’elle une danseuse de pierre de taille. » Parlant du Giorgione à Venise, et le comparant, pour le coloris, à ce qu’est Michel-Ange pour le dessin, il dira : « Ces deux maîtres sont les czars Pierre de la Peinture, qui en ont banni la barbarie ; mais ce n’a pas été sans férocité. » Et en débarquant à Livourne : « Figurez-vous une petite ville de poche, toute neuve, jolie à mettre dans une tabatière, voilà Livourne. » Je cite ces mots au hasard, non comme des mots (car quelques-uns pourraient sembler maniérés, s’ils étaient faits pour être détachés et mis en relief), mais comme faisant partie du mouvement et du pétillement d’esprit ordinaire au président de Brosses. […] Si une ville d’Italie pouvait se plaindre de De Brosses, ce serait Florence, à laquelle il rend d’ailleurs bien des hommages, mais pas autant peut-être qu’il lui en est dû : il était malade et avait légèrement la fièvre dans le séjour qu’il y fit. […] J’ai vécu près d’un an à Rome ; je n’ai pas trouvé de séjour plus doux, plus libre, de gouvernement plus modéré. » Telle était la Rome des Médicis, même celle des Barberini, celle des Corsini et des Lambertini, la bonne ville pontificale d’avant les révolutions.