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14. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Dans l’éclat si pur de cette première campagne d’Italie, quel sentiment vif, léger, allègre, de liberté et de victoire ! […] L’historien rompu aux habitudes et aux discussions parlementaires a beau faire, son goût vif pour cette nature de conquérant organisateur et civilisateur a pu souffrir, mais n’a pas faibli ; et lorsqu’aux dernières heures de la lutte, il le retrouve tout d’un coup rajeuni, éblouissant de génie et d’ardeur, il retrouve à son tour sa note jeune, émue, sa note claire et première, le chant du départ, trop tôt éteint et reperdu dans les deuils, dans les tristesses suprêmes de Fontainebleau. […] Il y a dans ses écrits une grande diffusion de talent, si je puis dire ; le talent, comme un air vif et subtil, y est disséminé partout, et ne s’y réfléchit guère avec splendeur et couleur à aucun endroit en particulier ; il craint de paraître viser à l’effet, il se méfie de l’emphase ; c’est tout au plus si par places il se permet des portraits proprement dits, tels que ceux du roi de Prusse Frédéric-Guillaume et de l’empereur Alexandre (pages 424-457), et encore il les fait alors, beaucoup plus fins et-spirituels que saillants et colorés. […] Il suffit chez une nation vive qu’un goût l’ait longtemps dominée pour qu’elle soit prête à en éprouver un autre. […] Quelle page vive et neuve !

15. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Que ce jeune prince se tienne tranquille et vive avec dignité dans un coin : son rôle est tout tracé. […] C'est un homme instruit sans un grain de pédantisme, un esprit vif et un écrivain de la meilleure littérature. […] De très-bonne heure il s’est posé comme un conseiller railleur, familier, de sang froid, vif et même hardi d’expression et de franc parler, et frondant les goûts et les ferveurs alors en vogue dans les jeunes générations. […] Sa plume est aussi des plus vives : on ne lui reprochera pas la lenteur ni le traînant des phrases.

16. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

« Pour moi, dans les plus vives souffrances et dans les plus vives joies, je retrouve les mêmes pensées. […] Son séjour à Metz fut marqué, d’ailleurs, par la participation très vive qu’il prit au mouvement des arts. […] Il ne s’agit plus de venir faire une simple lecture d’un auteur en l’accompagnant de remarques vives, de commentaires rapides et justes, de rapprochements heureux, et en y apportant un vif sentiment des beautés et aussi des défauts, comme ce serait le compte d’un disciple de Voltaire, de Pope et d’Horace. […] je l’ai pourtant remplie à moitié ; car l’émotion paraissait très vive de part et d’autre. […] Son rôle politique en ce moment s’est borné à ce simple discours. » Ce qui n’empêche pas que son discours, même avec ses conclusions modérées, ne renfermât des choses fort vives.

17. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Ce Dandolo, homme d’esprit, assez bon chimiste, occupé de sciences, d’améliorations et d’industrie, était une tête très vive, et parlait avec facilité, abondance et feu. […] Il essaya de s’y cacher, mais il fut découvert, amené sur le pont, et il essuya là une bourrasque des plus vives de la part de Bonaparte, qui le traita de déserteur, de lâche, disant que s’il revenait, lui, c’était pour le bien public. […] qu’ils aillent dans la Terre sainte, s’écrie-t-il encore, qu’ils entrent à Jérusalem, même avec une foi douteuse, ceux-là qui sont avides de nouvelles émotions ; pour peu que leur imagination soit vive, et leur cœur droit et sincère, elles arriveront en foule à leur âme. […] Les premiers étaient l’objet de mes soins les plus assidus et de ma sollicitude la plus vive ; Les derniers, tant que je vivrai, auront mes plus ardentes sympathies. […] Par un sentiment précurseur, et comme il arrive à ceux qui, loin du ciel natal, se sentent décliner et approcher du terme, il nourrissait depuis quelque temps un vif et secret désir de revoir la France.

18. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

C’est Montaigne, je crois, qui a dit : « Les hommes se font pires qu’ils ne peuvent. » Beyle, ce sceptique, ce frondeur redouté, était sensible : « Ma sensibilité est devenue trop vive, écrivait-il deux ans avant sa mort ; ce qui ne fait qu’effleurer les autres me blesse jusqu’au sang. […] Sa plus vive campagne est celle qu’il mena en deux brochures ayant pour titre : Racine et Shakespeare (1823-1825). […] Il en voulait particulièrement au vers alexandrin, qu’il prétendait n’être souvent qu’un « cache-sottise » ; il voulait « un genre clair, vif, simple, allant droit au but ». […] Il eût craint, en combattant les La Harpe, de leur ressembler, et il se faisait léger, vif, persifleur, un pur amateur au passage, un gentilhomme incognito qui écrit et noircit du papier pour son plaisir. […] Longtemps je n’ai dû qu’à lui (et quand je dis je, c’est par modestie, je parle au nom de bien du monde) le sentiment italien vif et non solennel, sans sortir de ma chambre.

19. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Les poètes orageux et hardis comme Byron, les natures mondaines et vives comme Thomas Moore ou Hazlitt devaient assez peu l’aimer. […]  » Revenons à Cowper, sans nous dissimuler toutefois qu’il n’eût point peut-être réussi à exprimer si au vif la poésie des situations tranquilles que l’habitude rend insensibles à la plupart, s’il n’avait eu, lui aussi, ses orages intérieurs étranges et ses bouleversements profonds.  Le livre sixième de La Tâche débute par un morceau célèbre, et en effet délicieux : Il y a dans les âmes une sympathie avec les sons, et, selon que l’esprit est monté à un certain ton, l’oreille est flattée par des airs tendres ou guerriers, vifs ou graves. […] Il répondait, quand on regrettait qu’il n’entreprit plus rien de son propre fonds : « L’esprit de l’homme n’est pas une fontaine, mais une citerne ; et le mien, Dieu le sait, est une citerne brisée. » Mais il trouvait encore des inspirations courtes et vives, et des jaillissements du cœur. […] C’est du sein de cette habitude intérieure désolée qu’il se portait si vivement, pour se fuir lui-même, à ces occupations littéraires et poétiques où il a trouvé le charme et où il nous a rendu de si vives images du bonheur. […] » Bernardin de Saint-Pierre, chez nous, a fréquemment mêlé aux peintures naturelles de vives images de la vie et de la félicité domestique : mais la poésie en vers était restée en arrière, on ne sait pourquoi.

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