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648. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Il lui arriva alors comme aux hommes d’imagination qui embrassent d’autant plus qu’on leur refuse davantage ; ne pouvant obtenir aussi vite qu’il le voulait sa réintégration et de l’emploi au service de France, il revint à l’idée d’être législateur en grand, et résolut d’aller proposer ses services en Russie, où Catherine venait de saisir l’empire. […] Je conjecture que ce moment de crise bizarre n’est pas éloigné de celui où il écrivait cette jolie lettre, qu’on vient de lire, à M.  […] Il est très vrai, monsieur et très cher ami, que vous soutîntes un jour chez moi les principes qui viennent de vous faire commettre une grande imprudence.

649. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Parlant des auteurs de mémoires personnels, il a un morceau très vif contre Jean-Jacques Rousseau et Les Confessions, qu’il estime un livre dangereux et funeste : S’il existait, s’écrie-t-il, un livre où un homme regardé comme vertueux, et presque érigé en patron de secte, se fût peint comme très malheureux ; si cet homme, confessant sa vie, citait de lui un grand nombre de traits d’avilissement, d’infidélité, d’ingratitude ; s’il nous donnait de lui l’idée d’un caractère chagrin, orgueilleux, jaloux ; si, non content de révéler ses fautes qui lui appartiennent, il révélait celles d’autrui qui ne lui appartiennent pas ; si cet homme, doué d’ailleurs de talent comme orateur et comme écrivain, avait acquis une autorité comme philosophe ; s’il n’avait usé de l’un et de l’autre que pour prêcher l’ignorance et ramener l’homme à l’état de brute, et si une secte renouvelée d’Omar ou du Vieux de la Montagne se fût saisie de son nom pour appuyer son nouveau Coran et jeter un manteau de vertu sur la personne du crime, peut-être serait-il difficile, dans cette trop véridique histoire, de trouver un coin d’utilité… Volney, en parlant de la sorte, obéissait à ses premières impressions contre Rousseau, prises dans le monde de d’Holbach ; il parlait aussi avec la conviction d’un homme qui venait de voir l’abus que des fanatiques avaient fait du nom et des doctrines de Rousseau pendant la Révolution, et tout récemment pendant la Terreur. […] I, p. 302) une de ces impressions de lecture comme je les aime et qui ont pour moi du prix : Je viens de lire le nouvel ouvrage de Volney (Tableau du climat et du sol des États-Unis d’Amérique). […] Ce que je viens de dire doit faire supposer que l’impression de ses œuvres est soignée, que le choix du papier et des caractères n’a point été l’affaire d’un instant.

650. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

On revient dîner et la conversation va au livre du Bachelier, de Vallès, sur lequel Zola vient de faire un article dans Le Figaro. […] Et ma pensée de ce jour va à notre passé, et aussi à sa fille, que je revois, au moment où elle venait de naître, en sa nudité embryonnaire, devant le feu de cheminée de sa mère. […] Contre l’un de ces orangers, un oranger qui vient de la cour du château du roi Stanislas, montées sur une échelle, deux fillettes de la campagne, dont on sent le corps libre et nu, sous une jupe et une camisole blanche, font la cueillette de la fleur d’oranger, dans de petits paniers, un drap étendu au-dessous d’elles.

651. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Les types vont et viennent de plain-pied dans l’art et dans la nature. […] III Deux Adams prodigieux, nous venons de le dire, c’est l’homme d’Eschyle, Prométhée, et l’homme de Shakespeare, Hamlet. […] Hésiode vient de mourir, Homère, s’il vit encore, a cent ans, Lycurgue, voyageur pensif, rentre à Sparte, et l’on aperçoit au fond de la sombre nuée de l’Orient le char de feu qui emporte Élie ; c’est dans ce moment-là que Léir — Lear — vit et règne sur les îles ténébreuses.

652. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Desmazis cadet, qui accompagnait Bonaparte, étant son camarade de chambrée et devant occuper un des deux lits, le vit prendre un crayon, c’est Desmazis qui a raconté le fait, et dessiner au-dessous des inscriptions qu’il venait de lire une vague ébauche figurant sa maison d’Ajaccio, puis, à côté de cette maison, sans se douter qu’il rapprochait de l’île de Corse une autre île mystérieuse alors cachée dans le profond avenir, il écrivit la dernière des quatre sentences : Tout finit sous six pieds de terre. […] Il y a deux ou trois ans, les journaux annoncèrent qu’un écrivain français venait de vendre un roman quatre cent mille francs. […] Au moment où nous achevions d’écrire les pages qu’on vient de lire, on a annoncé à Londres la formation d’un comité pour la célébration solennelle du trois centième anniversaire de la naissance de Shakespeare.

653. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Cela vient de ce que les plis que les organes qui servent à la prononciation sont obligez de prendre pour articuler certaines syllabes, ne permettent pas à ces organes de se replier aisement ainsi qu’il faudroit qu’ils se pliassent pour articuler sans peine les syllabes suivantes. […] Cette phrase françoise le pere aime son fils, ne sçauroit être écrite que dans l’ordre où je viens de l’écrire : il faut y suivre cet arrangement de mots. […] Quant à la difference qui est entre la cadence des vers élégiaques de ces auteurs ; elle vient de l’affectation de Properce, à imiter la cadence des vers pentametres grecs, et il ne faut pas la confondre avec la difference qui est entre l’harmonie de ces deux poëtes.

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