Ce mariage, qui ne produisit point d’enfants, n’ayant pas trop réussi, madame de Warens, poussée par quelque chagrin domestique, prit le temps que le roi Victor-Amédée était à Évian, pour passer le lac et venir se jeter aux pieds de ce prince, abandonnant ainsi son mari, sa famille et son pays par une étourderie assez semblable à la mienne, et qu’elle a eu tout le temps de pleurer aussi. […] Il prit le logement et la table dans une pension d’hôtes à bas prix, tenue par une pauvre veuve, dans une de ces ruelles obscures qui entouraient alors le jardin solitaire du Luxembourg ; il y rencontra une jeune ouvrière de province, nièce de l’hôtesse, venue à Paris pour y vivre de son aiguille. […] Comment admettre ce génie inné ou improvisé de la législation dans le premier songeur venu, étranger même au pays pour lequel il écrit, et sorti de l’échoppe de son père artisan, pour dicter des lois à l’univers ?
Caractères généraux des moyens : Nous venons d’analyser avec une minutie qui sera justifiée plus loin, les moyens dont use Flaubert pour susciter en ses lecteurs les émotions qui seront désignées. […] Puis les épreuves viennent, sa chair se durcit en de plus fermes contours et, par le revirement habituel, il lui faut un plus jeune amant, pour lequel elle est en effet la maîtresse, la femme chez qui de despotiques ardeurs précèdent les attitudes maternelles, que coupent encore les coups de folie d’une créature sentant le temps et la joie lui échapper, jusqu’à ce qu’elle consomme virilement un suicide, en femme forte et faite, qui sentit les romances sentimentales des premiers ans se taire sous les rudes atteintes d’une existence sans pitié. […] « Il suivait les laboureurs et chassait à coups de mottes de terre les corbeaux qui s’envolaient. » Et même Homais, l’homme au bonnet grec, dans une colère pédante contre son apprenti, en vient à être désigné par une réflexion ainsi conçue : « Car, il se trouvait dans une de ces crises où l’âme entière montre indistinctement ce qu’elle renferme, comme l’Océan qui dans les tempêtes s’entrouve depuis les fucus de son rivage jusqu’au sable de ses abîmes. » D’autres échappatoires sont plus légitimes et moins caractéristiques.
« Et vous, ne viendrez-vous pas à ce triste monument, vous, dis-je, qu’il a bien voulu mettre au rang de ses amis ? […] « Pour moi, s’il m’est permis après tous les autres de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince ! […] dans un temple plein d’avance de la majesté des pensées qu’on va traiter devant lui ; s’abandonner à l’inspiration, tantôt polémique, tantôt lyrique, souvent même extatique, de ses plus sublimes pensées ; parler sans contrôle et sans contradiction des choses les plus augustes, les plus intellectuelles, les plus saintes, devant des foules recueillies qui ne voient plus l’homme dans l’orateur, mais la parole incarnée ; entraîner à son gré ces auditeurs du ciel à la terre, de la terre au ciel ; être soi-même, dans cette tribune élevée au-dessus de ces milliers de têtes inclinées, l’intermédiaire transfiguré entre le fini et l’infini ; formuler des dogmes, sonder des mystères, promulguer des lois aux consciences, tourner et retourner tout le cœur humain dans ses mains, pour lui imprimer les terreurs, les espérances, les angoisses, les ravissements d’un monde surnaturel ; descendre de là tout rayonnant des foudres ou des miséricordes divines avec lesquelles on vient d’exciter les frissons ou de faire couler les larmes de tout ce peuple : n’y a-t-il pas là de quoi transporter un orateur sacré au-dessus de ses facultés naturelles, et de lui donner ce mens divinior, cette divinité de la poésie et de l’éloquence, dernier échelon du génie humain ?
. — Par exemple, on trouvera à côté de figures qui affectent, heureusement du reste, une allure de grands tableaux, une idée de fenêtre ouverte par où le soleil vient éclairer le parquet de manière à réjouir le Flamand le plus étudieur. — Dans le dessin qui représente l’ébranlement du Temple, dessin composé comme un grand et magnifique tableau, — gestes, attitudes d’histoire — on reconnaît le génie de Decamps tout pur dans cette ombre volante de l’homme qui enjambe plusieurs marches, et qui reste éternellement suspendu en l’air […] Mais d’où vient que nul ne songe à jeter quelques fleurs sincères et à tresser quelques loyaux articles en faveur de M. […] Voilà les dernières ruines de l’ancien romantisme — voilà ce que c’est que de venir dans un temps où il est reçu de croire que l’inspiration suffit et remplace le reste ; — voilà l’abîme où mène la course désordonnée de Mazeppa. — C’est M.
Ces indécisions, ces inquiétudes, ces caprices, cet orgueil, étoient en effet le partage de la raison humaine, avant que le flambeau de la Foi vînt diriger ses lumieres, lui montrer les bornes qu’elle devoit respecter, & lui circonscrire l’espace abandonné à son empire. […] Suivant cet Arrêt, il vient tous les ans à la Maison des Enfans-Trouvés de Paris plus de deux mille Enfans nés dans les Provinces très-éloignées de la Capitale.
Le domaine quiritaire ne signifia plus un domaine dont le plébéien ne pouvait être expulsé sans que le noble dont il le tenait vînt pour le défendre et le maintenir en possession ; il signifia un domaine privé avec faculté de revendication, à la différence du domaine bonitaire, qui se maintient par la seule possession. […] Nous y voyons encore le monstre qui doit dévorer Andromède, et le cheval ailé sur lequel Persée vient la délivrer.