/ 2961
790. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Cassagnac n’a pas cherché une seule fois, à la mode de tous les sophistes, à souder ce qui lui paraissait hier une vérité à ce qu’il croit la vérité aujourd’hui. […] Étincelant de vérités acquises, ce livre est assurément une œuvre considérable et haute, avec laquelle les partis et les idées vont être obligés de compter. […] On y rencontrait, par exemple, un Louis XVI qui n’était peut-être pas exactement le Louis XVI de la réalité ; mais, d’un autre côté, il y débordait un si grand nombre de vérités qu’elles y faisaient fleuve et emportaient tout ce qui n’était pas rigoureusement la vérité même, et qu’on resta frappé, presque à l’égal de ces vérités qui révélaient une réelle histoire, du double talent de moraliste et de peintre qui révélait un véritable historien. […] La solidarité des hommes et des idées, Granier de Cassagnac en avait mesuré la force ; car la Vérité seule ne meurt pas de l’indignité de ses prêtres. […] Vérité, sévérité juste, raillerie grave, fierté, mélancolie, tout y est !

791. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Il y a sept ou huit Italies, voilà la vérité historique. Or, mentir à la vérité historique, est-ce faire de la politique italienne ? […] S’il en était autrement, il y aurait donc deux droits publics ou deux vérités contradictoires en Europe : un droit public du monde entier, qui est le droit des peuples de modifier leur gouvernement ; un droit public des États romains, qui serait la pétrification de la souveraineté civile dans Rome : c’est absurde ! […] Secondement, le but de ces diètes européennes fut toujours d’assurer l’équilibre approximatif de l’Europe, car ce mot d’équilibre, dont les hommes à courte vue se sont tant joué, est une vérité politique des plus incontestables. […] Le premier hommage qu’on doit à un grand peuple, c’est la vérité.

792. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Cette doctrine, qui ne contredit aucune de ses doctrines chrétiennes, et qui agrandit le Créateur en agrandissant son œuvre, est une vérité vieille comme le monde, et qui ressemble à une audace, tant le monde moderne semble l’avoir oubliée. […] La morale a tout à y recueillir, l’imagination n’a rien à y colorier ; les passions humaines, cette âme de l’épopée, en sont exclues ; les prédications d’un homme né dans la cabane d’un artisan et suivi de village en village par douze pauvres pêcheurs de Galilée ne sont un poème que pour les philosophes qui étudient à loisir la semence et la germination des vérités divines. Les paraboles mêmes, ces apologues évangéliques qui ne font rejaillir la vérité que sous la forme ingénieuse de l’allusion, sont froides comme les images répercutées dans le miroir lumineux mais impassible de la pure intelligence. […] L’individualité seule produit l’intérêt dans un poème : une doctrine ne personnifie qu’une vérité. […] Mais, malgré cela, nous n’aimons pas la poésie politique : c’est aux grands philosophes et aux grands orateurs d’exprimer ces vérités dans leurs livres ou dans leurs harangues ; la poésie n’y doit pas toucher, ou elle ne doit y toucher que bien rarement.

793. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

La vraisemblance est la vérité du pamphlet. […] Tout le monde pensait de même à cette époque ; mais ce fut précisément cette double espérance qui fut pour lui une double illusion et qui lui enleva le seul mérite de ces sortes de Mémoires, la naïveté et la vérité. […] Raphaël était mieux écrit, mais il tomba faute de naïveté et de vérité complète. […] J’ai rêvé et j’ai cru, pouvait-il dire ensuite dans toutes les phases de sa vie ; conduite commode pour un homme d’imagination et de passion qui, ne cherchant que le succès dans les lettres et le repos d’esprit dans les agitations du doute, se fait une couche complaisante dans ses habitudes, et se dit : Peu m’importe que j’aie vécu avec la vérité, pourvu que je sois mort avec l’unité, cette bienséance de la vie. […] La vraie grandeur, celle de la vérité, manque à ce philosophe.

794. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Dramatiquement, c’est le triomphe de la vérité humaine sur les artifices convenus. […] Pour un-fragment de scène virilement conduit, on rencontre dix scènes sans cohésion, sans vérité. […] Encore un coup, le wagnérisme, tel que nous le concevons, c’est le retour à la logique et à l’humaine vérité. […] La fin de ses études sur la Nouvelle Allemagne musicale (Ménestrel) est belle pourtant : « Un mot rayonne au frontispice de tous les ouvrages de Richard Wagner ; ce mot est le verbe indéfectible, celui qui ramène les égarés, retrempe les faibles, recrée les sociétés, refait les civilisations, révolutionne l’art de fond en comble ; ce mot est : vérité. » Où fut l’admiration sans réserves, spontanée, enthousiaste ? […] C’est lui qui donne dans la revue une première définition du wagnérisme : la recherche d’une vérité dramatique au-delà des artifices habituels de la scène, et l’union de la musique, du texte et de l’action scénique.

795. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Quel sermon, quel discours à la tribune vaudra cette protestation patoisée qui nous dit la vérité sur les Petits-manteaux-bleus de la politique ! […] L’auteur, esclave de la vérité, ne l’a pas jugé bon ; qu’il soit fait selon sa volonté ! […] Pour dire ce qu’il croyait la vérité, le duc de Persigny allait au-devant d’une disgrâce bien facile à prévoir et qui, d’ailleurs, l’attendait. […] et ce qu’il dit dut singulièrement impressionner l’assistance, car c’était la vérité qu’il disait, l’avenir qu’il dévoilait. […] On y verra aussi se développer un véritable roman d’amour qui n’est qu’un récit fait de stricte vérité.

/ 2961