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658. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

La nature a fait un partage inégal de ses biens entre ses enfans, mais elle n’a voulu deshériter personne, et l’homme entierement dépourvû de toute espece de talent, est aussi rare qu’un génie universel.

659. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

En attendant les miracles de son tombeau, nécessaires à la canonisation dont Rome, dit-on, s’occupe en ce moment, Wallon a posé le miracle, visible et tangible, des apparitions de l’héroïque Mystique qui a sauvé la France, et c’est ainsi qu’il aidera pour sa part à cette canonisation désirée… C’est, je crois, la première fois qu’un membre de l’Académie des Inscriptions ose, sur le sujet le plus contesté et le plus en proie aux fascinantes explications des imaginations hostiles, confirmer nettement la réalité du surnaturalisme dans l’Histoire, quand la tendance générale et presque universelle est de l’en chasser.

660. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

… Seulement, s’ils en commencent la lecture et qu’ils se retournent de cette lecture vers les livres de cette époque de puéril et sot bibelotage, auront-ils la sensation de l’amincissement universel qui veut nous faire disparaître dans le néant, ce paradis des imbécilles… Et c’est toujours au moins cela pour le compte et la gloire de la vérité.

661. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

VI Ce fut la tentation de beaucoup de grands esprits, depuis qu’il y a des penseurs dans le monde, de se révolter, au moins en imagination, contre la nature des choses ; de s’imaginer qu’ils étaient dieux, de critiquer avec mépris l’œuvre du Créateur ; de reprendre l’univers moral en sous-œuvre, de renverser toutes les institutions plus ou moins parfaites de l’humanité, et de reconstruire idéalement une société sur le plan radical de leur imagination, en faisant abstraction des instincts, des traditions, des habitudes, cette seconde nature, des nécessités, des expériences, des nationalités et des faits historiques, qui ont produit, fait par fait et siècle par siècle, les institutions fondamentales et universelles sur lesquelles repose l’espèce humaine. […] Rousseau, dans son Contrat social et dans ses Plans de constitution pour la Pologne ; L’abbé de Saint-Pierre, dans sa Paix universelle ; Robespierre et Saint-Just, dans leur système d’égalité et de nivellement démocratique à tout prix, qui auraient décapité la société jusqu’à la dernière unité vivante, pour que l’un ne dépassât pas l’autre d’une faculté, d’une obole ou d’un cheveu ; Babeuf, dans sa communauté des biens ; Saint-Simon, de nos jours, dans sa proportion algébrique entre les aptitudes et les fonctions ; Fourrier, dans son cauchemar d’industrie, réduisant toute la société physique et morale à une association en commandite dont Dieu est le commanditaire, et promettant à l’homme jusqu’à des organes naturels de plus, pour jouir de félicites plus matérielles ; Cabet, dans son Icarie indéfinissable, chaos d’une tête vague, qui ne savait pas même rêver beau ; Tel autre, dans son égalité des salaires, charité idéale inspirée de l’Évangile sans doute, mais qui deviendrait la souveraine injustice envers le travail et le talent, et la prime réservée à l’oisiveté et aux vices, système des frelons qui pillent la ruche ; Tel autre, enfin, dans ses sentences de philosophie suicide, expropriant la famille, cette unité triple, qui enfante, nourrit, moralise et perpétue seule l’humanité, pour assouvir l’individu qui la tue : maximes folles, mais comminatoires, qui firent écrouler d’effroi toute démocratie progressive devant la démagogie des idées ; sophiste néfaste, mille fois plus funeste à la République que tous les poètes chassés de la République par Platon : Voilà ce qu’on entend par utopiste : ce sont les sophistes de la politique. […] Cette loi d’appropriation universelle a été la loi primitive de toute propriété.

662. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Ou tout est hasard, ou il n’y en a pas un seul dans ce monde, et s’il n’y en a pas, le sentiment religieux consiste à se mettre en harmonie avec l’ordre universel (qu’il soit pour nous ou contre nous), parce qu’il est la volonté divine. […] On avait devant les yeux non pas l’historien, mais la victime de dix années d’exil, la personne qui avait soutenu au prix de tant de douleurs, un long défi contre le pouvoir absolu, avait compté en désespérant chacun de ses victorieux progrès, avait souffert ses rigueurs croissantes, les avait pressenties plus dures encore, et s’était enfin délivrée du mal par une fuite hardie, semant sur sa route de Genève à Londres, en passant par la Russie et la Suisse, la protestation contre la conquête universelle et le serment d’une résistance à vie. […] « Madame de Staël fit encore quelques adieux plus marqués ou plus intimes que les autres à madame de Rumfort, qui, malgré son calme ordinaire et sa philosophie de personne riche et invulnérable, commençait à s’agiter un peu de l’inquiétude universelle ; elle dit : « Restez tranquille ici, vous, chère madame, vos noms vous protégent, votre maison sera parfois comme a été la mienne, l’hospice des blessés politiques de tous les partis.

663. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

… Substance universelle ou Raison souveraine, Vaste inconnue où tient mon sort, qui que tu sois, Force qui m’auras fait naître et mourir, — reçois Dans l’humble vérité de cette heure sereine, Reçois en mon esprit, silencieux autel Où tremble ta lueur auguste qui dévie, Au mystère où bientôt aboutira ma vie Le consentement grave et tendre d’un mortel… … Rien ne pourra remplir cette âme aride et triste ! […] “Il doit tout savoir, et plus encore, s’écrie le bon Banville, car sans une science profonde, solide et universelle, c’est en vain qu’il chercherait le mot propre et la justesse de l’expression !”  […] C’est : « … Carmen blême de tragédie « Intime, les deux yeux dévorés d’incendie, « Tout le sanglot, tout le sursaut, tous les frissons, « Et le vent furieux rebroussant les moissons… ou plutôt, s’il est vrai que ce cœur tout entier batte entre les pages blanches de cet unique livre, écoutez-en jaillir Comme un rythme incessant la vie universelle.

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