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432. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

L’Esprit universel, après s’être adoré en Asie dans la nature et dans les formes colossales de la matière inanimée, puis en Égypte, dans le règne animal, eut pour la première fois conscience de son humanité en Grèce ; non encore comme individu, mais comme société politique. […] Qu’on lui donne soixante ans et des cheveux gris, qu’on en fasse un amoureux, un jaloux et une dupe, et ce malheureux, digne pour le moins d’un blâme compatissant, puisqu’il souffre, va soulever un éclat de rire universel de gaieté moqueuse et d’antipathique dédain. […] Au monde, à l’art classique succédèrent le monde et l’art romantiques, le jour où la cité antique disparut, et où l’Esprit universel ayant pris enfin conscience de lui-même, non plus comme société politique seulement, mais comme individu, la personne humaine revêtit pour la première fois une dignité au moins égale à celle que l’État avait jamais revêtue aux yeux d’un Romain ou d’un Grec. […] Le moment où l’Esprit universel, dans son développement qui constitue l’histoire absolue, entre en harmonie avec, lui-même, est marqué par l’apparition de Dieu sur la terre. […] Aristote a dit aussi dans l’endroit le plus profond de sa Poétique : La poésie est quelque chose à la fois de plus philosophique et de plus sérieux que l’histoire, puisque la poésie s’occupe davantage de l’universel, et que l’histoire s’occupe davantage du particulier (ch. 

433. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

L’esprit universel peut tout ; la fortune avare et aveugle ne nous donne qu’un rôle quand la nature nous a façonné souvent pour tous les rôles à la fois ; voilà pourquoi il est si cruel pour les riches natures de mourir sans avoir, comme elles disent, accompli leur destinée. […] À ce drame universel il fallait un écrivain universel. […] XXIII Nous entendons d’ici l’objection : L’homme universel nous le voyons bien, nous dit-on ; mais l’écrivain où est-il ? […] Nous-même nous en avons fait un, de ces coups d’État de salut public, dans une heure d’écroulement universel de toutes les institutions existantes, et nous n’en avons pas le moindre remords devant Dieu ni devant les hommes.

434. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

L’âme est alors en rapport avec les Idées, c’est-à-dire, avec les notions générales et universelles, dont elle ne voit dans le monde des sens que des cas particuliers et des ombres. […] L’universel est le seul objet de la science pour Aristote aussi bien que pour Platon. Mais, selon Aristote, les sens et le corps sont indispensables pour former l’universel, collection de ce qu’il y a de commun dans chacun des phénomènes. Suivant Platon, au contraire, le témoignage des sens n’est pour l’âme qu’une occasion de s’élever à la notion universelle qu’elle porte en elle, et qu’elle y doit retrouver, quand elle sait rentrer en soi sous la conduite de la philosophie. […] On a souvent représenté la dialectique platonicienne comme la méthode qui, des idées particulières, s’élève de degré en degré à des notions de plus en plus générales, pour aboutir par toutes les voies à cette idée suprême et universelle du bien, « qui illumine le monde intelligible, comme le soleil éclaire le monde des sens ».

435. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Le principe de l’analogie se ramène à ceux de la raison suffisante et de l’identité, ou du déterminisme universel. […] Les lois de la chute des corps, à leur tour, se déduisent de la gravitation universelle, et celle-ci se rattache probablement aux lois mécaniques du choc. […] Nous revenons ainsi à concevoir « la mathématique universelle » comme le but poursuivi par le raisonnement et par la science. En même temps cette mathématique universelle serait une mécanique universelle, où conséquemment les lois des idées se confondraient avec les lois des forces, mais elle n’exprimerait que les rapports nécessaires des choses sans en saisir le fond intuitif et vivant.

436. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

À une époque de chancellement et de titubation universelle, Granier de Cassagnac, d’un talent de polémique, il faut bien le dire, sans égal, n’a jamais fait pourtant qu’une chose. […] L’historien fait l’apologie de ce suffrage universel, au fond duquel gisent tous les éléments d’ordre et de stabilité confusément et sans l’organisation définitive qui en assurerait l’harmonie, mais ne devait-il pas essayer de débrouiller ce chaos et d’élever le levier de la France à son summum de puissance et de lumière, dans les intérêts de l’avenir ? […] Établi sur une négation, — la haine des Bourbons de la branche aînée, — ce gouvernement d’antipathie, qui créa pour tout le monde une position fausse, laquelle a duré dix-huit ans, fut l’expression de la plus universelle absence de confiance qui ait jamais existé. […] Cassagnac nous a merveilleusement montré ce fond sans résistance d’un règne que l’absence de foi explique seule, et dont la fin, sans cette absence de foi universelle, paraîtrait incompréhensible. […] Ce sont les savants, les Congrégations, les Écoles, qui, depuis trois siècles environ, au dire de l’auteur des Origines de la langue française, ont lamentablement aberré sur ces origines ; et c’est contre leurs affirmations superficielles et erronées, traditionnelles et universelles, mais doctoralement articulées comme si elles n’étaient ni erronées ni superficielles, que Granier de Cassagnac s’élève.

437. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

En effet, qu’un jeune homme, doué de facultés ardentes, enivré de Shakespeare et ayant entrepris de le traduire, ait la main plus ou moins heureuse dans l’interprétation de chefs-d’œuvre devenus, à force d’être des chefs-d’œuvre, des lieux communs sublimes pour l’universelle intelligence, comme Hamlet, Othello, Macbeth, Richard III, ce n’est pas merveille. […] Mais il n’est pas moins vrai que, dans cette préface du VIIIe volume, il a subi l’influence de ces idées, qui sont, du reste, dans la tendance universelle d’un temps qui se croit très fort d’intelligence et qui trouverait assez commode de n’avoir plus de morale, même à sacrifier. […] pas d’un Shakespeare trouvé plus grand que Dante par l’inintelligible raison que Dante est « le prêtre mélodieux du catholicisme au Moyen Âge, tandis que Shakespeare est le prêtre mélodieux du catholicisme universel, du catholicisme des derniers et de tous les temps ». […] Et c’est tout cela qui fait de Shakespeare un poète familial, comme il est un poète universel ! […] Il y a encore, en effet, un dernier morceau de la draperie des temps antiques dans le Roi Lear, mais dans le Père Goriot, il n’y a que le nu du vrai dans la réalité moderne, et c’est peut-être plus puissant Quoi qu’il en soit, je ne crains pas de le dire, moi qui ne sais pas chicaner sa gloire à un homme, parce que cette gloire est nouvelle, Balzac, ce génie universel d’ailleurs comme Shakespeare, quand on le prend dans toutes ses œuvres, est aussi grand pour le moins que Shakespeare dans le Père Goriot.

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