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317. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Dans un temps de turgescence universelle, où toutes les grenouilles s’enflent comme des bœufs et crèvent si ridiculement à la peine, c’est être heureusement exceptionnel que de garder les proportions de sa pensée et de n’avoir pas peur d’un cadre étroit. […] Ainsi, quand Bossuet nous fait, à coups si rapides, son Discours sur l’histoire universelle, c’est sa marque surtout à lui, c’est le trou de boulet fait par sa puissante tête qu’il laisse dans l’histoire, beaucoup plus qu’une histoire dans la rigueur et les responsabilités du mot qu’il écrit.

318. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Et quand nous disons européen, nous voulons dire universel. […] voilà certainement ce qu’en se détournant de ses Pyrénées Cénac-Moncaut aurait compris, et alors, au lieu de se parquer dans des histoires locales et d’y abîmer son regard, il ne les aurait envisagées que comme les rayons du centre auquel tout se rapporte, et vers lequel tout historien doit remonter comme vers le plexus solaire de l’Histoire, Il n’aurait été ni du pays de Comminges, ni du pays de Foix, ni du Bigorre, ni du Roussillon, ni de la Cerdagne : il aurait été européen, universel, latin, en un mot.

319. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Encore une fois, il faut citer, pour qu’on nous croie : « La première femme, — dit dogmatiquement Bellegarrigue, page 88 de son volume, — la première femme qui échangea son célibat contre espèces a bien mérité de l’humanité ; car elle a proclamé le grand principe de la paix publique et de la prospérité universelle. » Certes ! […] Moins scrupuleuses, les Américaines ont accepté le type à titre universel, et c’est pour cela que j’en fais ici une propriété nationale de cet excentrique pays… » Et il ajoute, pour l’apaisement d’un scrupule : « Je ne veux pas dire que les Américaines répugnent au mariage et, occupant le côté officieux de la vie civile, se livrent par profession à l’exploitation de l’homme et changent en rapports de contrebande les relations légitimes des sexes… mais j’avoue que le divorce, sous le régime duquel elles vivent, peut, aux yeux de bien des gens, ressembler aux inconstances des Américaines de Paris… » Et, de fait, il a raison ; elles ont le divorce, les Américaines d’Amérique !

320. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

de la putréfaction universelle de ce temps, qui n’était pas uniquement la putréfaction des hautes classes, comme l’a tant dit la basse classe des écrivains, si insolemment et si faussement moralisateurs. […] Il n’est que le produit du temps ; il est sorti de son fumier… Il est vrai que quand Louis XV, sous la pression universelle, fut allé du premier bond à l’inceste et passa successivement par les bras prostitués des quatre sœurs, cette France, livrée de toute éternité à ce que nous appelons à présent en politique : le centre gauche, c’est-à-dire à la modération bourgeoise dans le mal, trouva trop de Gabrielles comme cela à la clef et se prit à crier contre un sardanapalisme si effroyablement exaspéré, non par vertu, mais par inconséquence de tête changeante et frivole, et pour que l’Histoire eût deux fois à la mépriser.

321. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

I Lorsque le flageolet de la réclame annonça que Μ. de Girardin, le trop célèbre rédacteur de La Presse et l’auteur de La Politique universelle, venait de terminer une comédie, on put se demander si le journalisme, exercé pendant longtemps, avait l’heureuse propriété de donner à un homme, sur le tard de sa vie, des facultés que personne ni lui-même n’avaient jusque-là soupçonnées. […] Lui qui, dans sa Politique universelle demande l’abolition légale de la paternité, et, dans ce qui fut son journal, l’abolition de l’orthographe, — c’est-à-dire, du même coup, la suppression de la famille dans la société et dans le langage, — Μ. de Girardin se pique trop de logique pour réclamer contre nous.

322. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

l’histoire d’un seul Pape, dans l’histoire de l’Église, a de tels rayonnements en avant et en arrière que ce n’est plus l’histoire d’un siècle ni d’un Pape, mais l’histoire de l’Église universelle et éternelle, concentrée dans la minute d’un siècle ou d’une vie d’homme, comme tout un horizon répercuté et concentré dans une facette de diamant… En intérêt, l’Histoire de la Papauté pendant le xve  siècle, par l’abbé Christophe, vaut, avec d’autres événements et des personnalités différentes, son Histoire de la Papauté pendant le xive  siècle, et elle a le même mérite d’unité dans la variété qui est le caractère particulier de toutes les histoires détachées de l’histoire générale de l’Église, qui a bien raison de s’appeler catholique, c’est-à-dire universelle ; car si Dieu l’ôtait de ce monde, il s’y ferait un de ces trous, comme dit Shakespeare en parlant des monarchies qui croulent, que rien — quoi qu’on y jette — ne peut plus combler !

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