Les modernes, et surtout Shakespeare, trouvent de plus profondes sources d’émotions dans la nécessité philosophique. […] Lorsque Othello proteste devant le sénat de Venise, que le seul art qu’il ait employé pour séduire Desdemona, c’est le récit des périls auxquels il avait été exposé46, comme ce qu’il dit est trouvé vrai par toutes les femmes ! […] Il faut, pour qu’un poète dramatique se perfectionne autant que son talent peut le permettre, qu’il ne s’attende à être jugé, ni par des vieillards blasés, ni par des jeunes gens qui trouvent leur émotion en eux-mêmes. […] Otway, Rowe, et quelques autres poètes anglais, Addison excepté, ont fait des tragédies toutes dans le genre de Shakespeare ; et son génie a presque trouvé son égal dans Venise sauvée. […] Quoique parmi les belles tragédies de Shakespeare, Hamlet soit celle où il y ait les fautes de goût les plus révoltantes, c’est une des plus belles situations qu’on puisse trouver au théâtre.
Cependant, sans parler de quelques critiques de style et de versification, qu’on trouve surtout chez Desmarets, et dont notre poète fit son profit, il y a parmi ces calomnies et ces injures quelques points bien touchés, encore que l’expression soit haineuse ou brutale. […] Il se moque de Pelletier ou de Perrin : très bien ; mais qu’y trouve-t-il à reprendre ? […] Toujours ce qu’il a loué, quoi que ce fût, était meilleur que ce qu’il censurait, ce qu’il rêvait que ce qu’il rejetait ; et le plus chaleureux avocat de ses victimes, après tout, n’a pu trouver pour désigner leur groupe que ce nom, plus sanglant que toutes les railleries du satirique : les Grotesques. […] Du jour où Boileau marqua le but, ils furent coupables de tâtonner et de dévier ; comme il avait trouvé, ils étaient ridicules de chercher encore. […] Il se dit revenu des Espagnols dès 1625, et les ampoulés disciples de l’Espagne le trouvent toujours prêt à se récrier sur leurs extravagances.
La Chambre entière écoutait, avec une surprise qui n’était pas sans agrément, les audaces du jeune homme, et, ne regardant qu’au talent et à la façon, elle y trouvait avant tout des gages et de futures promesses pour elle-même. […] Ce n’est qu’à titre de reconnaissance qu’il a lieu maintenant de regretter la Chambre des pairs ; mais ces assemblées nouvelles, si diversement composées et si orageuses, lui vont à merveille ; il ne craint pas les interruptions, il les aime ; il y trouve grand honneur, dit-il, et grand plaisir. Sa faculté ironique et poliment hautaine qui, à certains jours pourtant, excédait un peu le ton de la noble Chambre et pouvait sembler disproportionnée, trouve ici des objets très convenables, et il n’en laisse, à la rencontre, échapper aucun ; il joint aux autres qualités de l’orateur celle de la riposte et de l’à-propos. […] Dans son discours sur l’inamovibilité de la magistrature (10 avril 1849), nous trouvons M. de Montalembert sur le terrain de M. […] Thiers lui-même a grandi et a su ajouter à ses qualités habituelles je ne sais quoi de contenu et le ressort de l’émotion, — dans cette discussion pénible, M. de Montalembert a trouvé à proférer hautement des vérités qui avaient bien du poids et de l’accent sur ses lèvres.
Le sentiment se souleve contre celui qui voudroit nous faire croire qu’un poëme que nous avons trouvé insipide nous auroit interessé, mais le sentiment ne dit mot, pour user de cette expression, contre celui qui nous donne un mauvais raisonnement de métaphisique pour bon. […] Par exemple, quand nous voïons ceux qui nous élevent, ceux qui nous instruisent durant l’enfance, admirer l’éneïde, leur admiration laisse en nous un préjugé qui nous la fait trouver encore meilleure qu’elle ne l’est réellement. […] Ils n’ont pas trouvé l’éneïde un poëme excellent, parce qu’on leur eut dit au college qu’il le falloit admirer. Ils n’en avoient pas encore : mais parce qu’ils ont trouvé ce poëme excellent dans la lecture, ils ont tous été d’avis de faire de son étude une partie de l’éducation sçavante de leurs enfans. […] Les poëmes de nos auteurs ne leur paroîtront des ouvrages d’un mérite médiocre, que lorsque les organes de cette machine seront assez altérez pour faire trouver le sucre amer, et le jus d’absinte doux.
Je ne souhaite pas que les auteurs abondent en contradictions ; mais je souhaite que les lecteurs sachent en trouver. […] En fait de contradiction, le premier plaisir du lecteur est d’en trouver, et le second plaisir du lecteur est de les résoudre. Il aiguise son esprit à les trouver et il l’affine plus encore à les faire disparaître ; il s’exerce à les faire lever ; il s’exerce plus encore à se démontrer à lui-même qu’elles n’existent pas et n’ont jamais existé. […] Il ne faut point nous obstiner dans notre sentiment, parce qu’il est notre sentiment ; et, parce que nous avons trouvé contre un raisonnement un peu faible de l’auteur un raisonnement assez fort, croire toujours avoir raison contre lui. […] Tel auteur est préféré par un lecteur, non pas parce que ce lecteur lui trouve l’esprit juste, mais parce qu’il lui trouve l’esprit faux, ce qui donne à ce lecteur le plaisir d’avoir toujours raison ou de croire toujours avoir raison contre lui, par suite de quoi c’est à cet auteur que ce lecteur revient constamment.
Ceux qui attribuent à l’homme le pouvoir de se faire sa langue ne disent autre chose sinon que la pensée naît d’abord en lui, et qu’ensuite il choisit, pour l’exprimer, un signe qu’il adopte ou qu’il trouve déjà convenu. […] Voici ce que l’on trouve dans un chœur de Sophocle (Œdipe, act. […] De là vient qu’il a été dit que les idées nouvelles trouvent toujours un représentant. […] Ici nous nous trouverions de nouveau sur la route du développement d’une doctrine que nous avons déjà regardée comme au-dessus de nos forces, celle de la solidarité. […] Au reste, qu’il me soit permis de dire d’avance que si la mission de la parole est finie dans le monde intellectuel, elle n’est pas finie dans le monde moral, et qu’elle doit toujours trouver un asile dans les sentiments religieux.