/ 3932
1044. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

 » Il n’est point propre d’ailleurs à être lu de suite, étant trop plein et trop dense de matière, c’est-à-dire d’esprit, pour cela ; mais, à quelque page qu’on l’ouvre, on est sûr d’y trouver le fond et la forme, la réflexion et l’agrément, quelque remarque juste relevée d’imprévu, de ce que Bussy-Rabutin appelait le tour et que nous appelons l’art. […] Son mérite y trouvait encore cet avantage d’avoir tout près de soi, et dans son cadre même, des connaisseurs délicats et des appréciateurs. […] Peu à la fois et souvent : suivez la prescription, et vous vous en trouverez bien pour le régime de l’esprit. […] Je ne sais si vous y trouverez votre compte ; mais, en cas de succès, le produit sera pour ma petite amie. » Le libraire accepta. […] Dacier, à qui même je préférerais madame sa femme, si vous admettiez parmi vous des personnes de son sexe. »Ce nouvel avis, quoique inespéré, fut trouvé sage tant pour le fond qu’à cause de la conjoncture présente.

1045. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Colbert, qui jugeait si mal Homère et Pindare, entendait le moderne à merveille ; il avait le sentiment de son temps et de ce qui pouvait l’intéresser ; il trouva là une veine bien française, qui n’est pas épuisée après deux siècles ; on lui dut un genre de spectacle de plus, un des mieux faits pour une nation comme la nôtre, et l’on a pu dire sans raillerie que, si les Grecs avaient les Jeux olympiques et si les Espagnols ont les combats de taureaux, la société française a les réceptions académiques. […] s’écriait celui-ci dans un apologue assez plaisant, vous ne me devez qu’un projet de canevas (le mot est bien trouvé), c’est-à-dire un échantillon d’échantillon, tandis que c’est trois aunes de bon drap d’Elbeuf que je vous ai données !  […] Je sais tout ce que permet ou ce qu’exige le genre du discours académique, même avec la sorte de liberté honnête qu’il comporte aujourd’hui : aussi n’est-ce point d’avoir trop loué son prédécesseur que je ferai ici un reproche à l’orateur-poëte ; mais je trouve qu’il l’a par endroits loué autrement que de raison, qu’il l’a loué à côté et au-dessus, pour ainsi dire, et qu’il l’a, en un mot, transfiguré. […] Sur ce sujet qui nous semble de notre ressort et de notre métier, et sur lequel, à force d’y avoir repassé, il nous est impossible désormais de retrouver notre première impression, soyez sûr que cet esprit bien fait, nourri dans d’autres habitudes, longtemps exercé dans d’autres matières, trouvera du premier coup d’œil quelque chose de neuf et d’imprévu qu’il sera utile d’entendre, surtout quand ce bon esprit, comme dans le cas présent, est à la fois un esprit très-délicat et très-fin. […] Trop souvent, je le sais, la poésie dans sa forme directe, et à l’état de vers, trouve peu d’accès et a peu de chances favorables auprès d’hommes mûrs, occupés d’affaires et partis de points de vue différents.

1046. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Vous n’y trouverez ni drames singuliers ou puissants, ni subtiles analyses de caractères, puisque tout s’y réduit à des amours suivies de séparations et que les personnages y ont des âmes fort simples. […] Ce corps, il le pare richement et le déguise en cent façons : il trouve à cela un plaisir d’enfant ou de sauvage. […] Pierre Loti s’est trouvé posséder ce don suprême de l’expression. […] Nous ne pouvons point contrôler ces peintures ; cette abondance de détails ne se rapporte à rien de ce que nous connaissons… » Dirai-je que j’ai cet enfantillage, de trouver des charmes au mystère de ces mots ? […] J’en trouve tout autant qu’il m’en faut, et j’y trouve celle qui y devait être  « Mais que ne dites-vous, par exemple, que Pierre Loti procède de Musset et de Flaubert ?

1047. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

La tendance primitive y fut fort bien enrayée et remplacée par une autre qui s’y trouve, sur certains points, directement opposée. […] Les circonstances qui l’ont amené à s’engager dans celle-ci ne l’ont pas tellement transformé qu’il ait pu, d’emblée, s’y trouver à l’aise. […] L’acte altruiste et désintéressé trouve alors en lui-même sa récompense. […] Ainsi Joseph de Maistre trouvait dans le bourreau le fondement de l’ordre social que d’autres croient reconnaître dans la justice, dans l’amour ou dans la concurrence. […] Il les entraîne à l’opposé du but où il pourrait trouver sa justification.

1048. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Pline ne perdait pas un instant : levé avant le jour, il trouvait du temps la nuit pour ses travaux de prédilection ; c’est là ce qu’il appelait ses moments de loisir. […] Comme érudit, il suit ses auteurs, et tout ce qu’il y trouve à son gré, il l’enregistre sous leur garantie ; c’est à faire à eux d’en répondre. […] Les explications que Pline n’avait pas, on les lui donnerait, et on ne trouverait en lui aucun obstacle d’un autre ordre, aucune résistance mystique ou théologique ; il admettrait sur preuve la rondeur de la terre, les antipodes, et le reste. […] Cette manière de penser en grand leur a échappé, et Buffon seul l’a reconnue ; il a eu, en jugeant Pline, de ces mots qu’aucun autre que lui n’aurait trouvés. […] À chaque pas, et même à ne voir les choses qu’en profane, on rencontrerait des portraits pleins de vie et de talent (celui du Coq, du Rossignol, par exemple, au livre des Oiseaux) ; à chaque pas on trouve aussi des anecdotes plus ou moins authentiques, mais piquantes, et qui toutes, même dans leurs erreurs, jettent un grand jour sur les habitudes, les manières de voir et les superstitions de l’Antiquité.

1049. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Pour moi, dans ces deux volumes que je viens de lire avec plaisir et entraînement, je sais bien que je n’ai jamais trouvé une seule date ni en marge ni dans le texte. […] M. de Lamartine est un grand poète, Fontanes n’était qu’un poète distingué ; c’est le mot que M. de Lamartine aurait dû trouver s’il cherchait tant soit peu ses mots, et si sa plume n’était pas à la merci du premier qu’elle rencontre. […] En lisant avec soin les premiers volumes de M. de Vaulabelle, on trouverait également l’usage qu’en a fait M. de Lamartine : et, par exemple, en peignant le départ de Louis XVIII de Hartwell pour la France et son entrée solennelle à Londres (t.  […] Si j’avais affaire à un peintre hollandais en M. de Lamartine, je trouverais qu’il va trop loin, mais du moins j’aurais confiance. […] Depuis que j’ai vu M. de Lamartine trouver de la beauté à toutes les femmes et du talent à tous les hommes de sa connaissance et en comparer quelques-uns à Horace ou à Phédon, j’ai besoin avec lui de garanties.

/ 3932