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21. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Elle crut, elle, avoir expliqué le sien, et elle se trompa, preuve qu’elle n’était pas Dieu. […] Dans ce volume, il y a en cause, à une seule exception près, si je ne me trompe, un nombre égal d’artistes et de littérateurs. […] Encore un coup d’aile dans cette voie, encore un bout d’ascension dans cette profondeur de ciel, et la critique était arrivée, je ne dis pas à sa vérité de fait et de découverte, — car Aubryet peut se tromper et même il se trompe quelquefois dans l’idée générale qu’il dégage d’un homme ou d’une œuvre pour le faire mieux ressortir sur ce fond de lumière, — mais elle était arrivée à sa vérité d’essence et de direction. […] Cet esprit profond et tragique qui a écrit le morceau d’Hamlet ou le mal de l’analyse, cet esprit comique et profond qui a écrit le chapitre de Prudhomme ou la synthèse de la sottise, se trompe presque à chaque fois sur les hommes et sur la quantité de forces intellectuelles qu’ils ont en eux ou qu’ils ont versées dans leurs œuvres. […] Ses Patriciennes de l’Amour sont des nouvelles, et des nouvelles, ne vous y trompez pas !

22. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 73-74

Tels sont ceux, entre autres, qui reglent la conduite d’un honnête homme, trompé par une Maîtresse perfide : Le bruit est pour le fat, la plainte pour le sot ; L’honnête homme trompé s’éloigne, & ne dit mot.

23. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Il ne faut jamais tromper l’imagination, car elle s’en venge toujours d’une manière cruelle. […] elle y a attrapé son génie et sa gloire, et l’imagination qu’elle a trompée ne lui a jamais pardonné ! […] Mais, il faut bien le dire, il n’y a pas encore, en ce moment, de pareille œuvre dans la littérature du dix-neuvième siècle, et, quand la Critique se pose cette question-là, elle se fait l’effet de se pencher sur le bord d’un gouffre… Seulement, disons que, quoi qu’il en puisse être et quoi qu’on puisse penser du génie, qui n’a pourtant jamais dit, et qui ne dira jamais le mot de ce fat de Calonne à une femme, et qu’il trompait encore ! […] Or, si Balzac a pu se tromper un jour dans la mesure qu’il faut faire à la physiologie dans le roman, dans la discrétion d’artiste consommé qu’il faut avoir quand on touche à des phénomènes qui peuvent emporter ou défigurer votre œuvre, comme ces poisons et ces phosphores contre lesquels les chimistes mettent des masques de verre et qui pourraient, en s’éclatant, leur emporter le cerveau !

24. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Et puis la Fortune souriait encore, et réparait tout : personne n’arrivait tard, personne ne se trompait ! Ou bien, si l’un se trompait, l’autre corrigeait sa faute. […] On commençait à n’être plus heureux, et, si l’un se trompait, l’autre aggravait sa faute. […] Les princes, les peuples se trompent, a dit un ancien, et des milliers de victimes succombent innocemment pour leur erreur. […] Pourtant, à Saragosse, ce ne fut pas le peuple qui se trompa.

25. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Si l’amour est souvent tragique, le mariage est grotesque ou terrible : tromper ses parents, voilà l’affaire de la fille ; tromper son mari, voilà l’affaire de la femme ; tromper son amant, tromper sa maîtresse, voilà l’affaire des amantes et des amants.

26. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Il se trompe avec une force !… » Remarquez-le bien, ce qui l’irrite, ce platonicien d’ordinaire si doux, ce n’est pas qu’on se trompe, mais c’est qu’on se trompe avec une force ! […] C’est ce génie trompé d’abord, puis rassasié, qui lui fit écrire, à lui, la miette de Platon, qu’il était plus Platon que tout Platon, le Platon intégral : Platone platonior , dit-il pudiquement en latin.

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