Une inintelligence spéciale, quasi huguenote, brille dans son livre de l’Intelligence, où cette faculté, aérée et libératrice entre toutes, prend l’aspect d’un triste sanatorium suisse, avec des cellules numérotées. […] Je mets dans le même sac (au point de vue littéraire) la bibliothèque rose pour adultes et la bibliothèque verte, en un mot, les bibliothèques sans sincérité, que cette absence de sincérité soit située en deçà ou au-delà de la bienséance : Tartuffe, avec sa haine et sa discipline, m’écœure et m’irrite autant que Job, avec son fumier et son tesson ; et l’écueil de la pruderie littéraire est précisément de susciter, par réaction, l’excès inverse, l’insurrection des satyres tristes. […] Puis, au bout d’une dizaine de vers, le sentiment de sa triste condition le ressaisit, retombe, semble-t-il, sur le cœur, dénudé en effet, de Baudelaire, comme une goutte de fiel brûlant, et dissout le bref enthousiasme. […] Le XIXe siècle est antifamilial en France : grande et triste nouveauté qui devait aboutir, en fin de compte, à une effroyable et progressive diminution de la natalité française. […] Ou alors, c’était, comme le bergsonisme, une lumière artificielle, plus triste que ce bas crépuscule.
« Que, semblable à cet orgueilleux stoïcien qui, tourmenté par une goutte violente, même en jetant des cris épouvantables, ne voulait pas avouer que la goutte fût un mal, Sénèque assure que l’exil n’a rien de triste pour lui. » Racontons le fait tel que l’histoire nous l’a transmis. […] On se défera fréquemment de la vie partout où l’abus des jouissances conduit à l’ennui, partout où le luxe et les mauvaises mœurs nationales rendent le travail plus effrayant que la mort, partout où des superstitions lugubres et un climat triste concourront à produire et à entretenir la mélancolie ; partout où des opinions moitié philosophiques, moitié théologiques, inspireront un égal mépris de la vie et de la mort. […] Je suis économe, simple dans mon vêtement, frugal : cependant le spectacle du faste et de l’opulence m’en impose ; je m’en sépare, sinon corrompu, du moins triste ; je doute si le palais d’où je sors n’est pas le domicile du bonheur. […] Je mépriserai la richesse absente comme présente ; ni plus triste pour la savoir ailleurs, ni plus vain pour l’avoir chez moi. […] Quelle occasion plus simple et plus naturelle, ce nous semble, lorsque l’objet principal d’un auteur est d’enregistrer ses réflexions, que de s’arrêter un moment sur un des phénomènes les plus extraordinaires que l’histoire du monde nous ait présentés, un peuple esclave d’un peuple, une nation qui secoue tout à coup le joug de la servitude, qui s’affranchit du despotisme à l’aide des despotes, et qui, méditant sur les moyens d’assurer à jamais son bonheur avec sa liberté, prépare un asile à tous les enfants des hommes qui gémissent ou qui gémiront sous la verge de la tyrannie civile et religieuse ; que d’adresser des vœux au ciel pour le succès d’une si digne entreprise ; que de se mêler aux délibérations de son congrès, et que d’oser prévenir une confédération naissante sur la triste et presque nécessaire influence du temps, qui amène plus ou moins rapidement la ruine des choses les plus sagement ordonnées !
Et le héros dormait aussi, couché sur la peau d’un bœuf sauvage, un tapis splendide sous la tête… Les chefs ne dormaient point et veillaient en armes avec Vigilance ; et le doux sommeil n’abaissait point leurs paupières pendant cette triste nuit ; mais ils étaient tournés du côté de la plaine, écoutant si les Troyens s’avançaient. » Mais, de leur côté, les Troyens envoient un des leurs, Dolôn, pour surveiller à son tour le camp des Grecs. […] Les troupeaux, abattus sur les flancs des collines, le cou tendu vers le ciel, aspirant l’air, faisaient retentir les vallons de tristes gémissements. […] Raynal renchérit : Tout à coup, au jour vif et brillant de la zone torride succède une nuit universelle et profonde ; à la parure d’un printemps éternel, la nudité des plus tristes hivers.
Dans La Petite Paroisse, la maison au volet jaune, Quiberon, les rayons du phare, le milieu où Lydie tente de se suicider furent écrits au cours d’un voyage solitaire et triste. […] Il raillait seulement avec un sourire un peu plus triste le régime auquel il était soumis, la tasse de lait chaud qu’on lui apportait régulièrement vers cinq heures. […] Il raillait seulement avec un sourire un peu plus triste le régime auquel il était soumis, la tasse de lait chaud qu’on lui apportait régulièrement vers cinq heures. […] La vrai Provence, c’est Brignoles, où le Parlement et les grandes familles se transportaient en temps de peste ; c’est Marseille, Toulon, le littoral, Forcalquier, patrie et résidence de Raymond Béranger, la montagne, Barjols, Cotignac, Draguignan, l’Esterel, les Maures, La Garde-Freinet, St-Tropez… Or, cette Provence-là, on l’ignore, et on l’ignore parce qu’on l’a supprimée, parce qu’elle a été remplacée par le pays de Mireille, le Comtat, les tristes plaines d’alluvions qui entourent la ville des papes de la région d’Arles. […] Je dis sérieusement des choses gaies et gaiement des choses tristes ».
Dans le monde, il avait la triste réputation d’insensible et d’insouciant, et, dans la solitude, son imagination inquiète lui créait des tourments d’autant plus affreux qu’il n’aurait voulu en confier le secret à personne. » Étant donné que Mérimée affecte dans son style la nuance et la demi-teinte, quelle valeur de confession douloureuse prend l’intensité des mots que j’ai soulignés : cruelles, inquiète, tourments, affreux ! […] La pâle figure aux grands yeux tristes lui apparaît, derrière les meurtrières des remparts. […] « Qu’importe que Maxence soit triste ou mauvais ? […] Son pas si leste se faisait plus rapide pour gagner la porte du quai des Orfèvres et traverser la triste cour, où stationne sans cesse quelque voiture cellulaire, prête à emporter vers Saint-Lazare les filles qui passent la visite dans le bâtiment à gauche de cette entrée. […] Dans un projet de dédicace à ses généraux, Raymond Jubert définissait lui-même son livre une œuvre de résignation virile et de franchise triste.
Tout ce qu’il lui est possible de faire, c’est d’évoquer une image plus ou moins analogue, au moyen de rythmes et d’harmonies qui traduisent l’impression ressentie par nous à la vue de ces choses ; elle exprimera le calme, la douceur, la tournure triste ou gaie, passionnée ou froide de l’individu, en d’autres termes, des qualités morales, mais non son image même ; pour l’arbre ou la forêt, elle devra se borner, par des rythmes ou des harmonies, à donner la sensation d’un grand calme, d’une fraîcheur, du vague murmure des feuilles agitées par la brise, etc. […] L’exemple le plus frappant à cet égard, et le plus triste aussi, nous est offert par Nietzsche lui-même. […] Cependant, Wagner s’est fait largement pardonner ce péché dans ses vieux jours tristes, lorsque anticipant sur la tendance qui depuis lors a passé dans la politique, il commença sinon à suivre, du moins à prêcher le chemin qui conduit à Rome. » Au même ordre d’idées se rattache une vue qu’il développe largement dans Choses humaines : à savoir que la musique est un produit tardif de toute civilisation. […] Les œuvres que le génie a marquées de sa griffe peuvent bien subir des éclipses momentanées ; il y a dans l’histoire de l’esprit humain des périodes tristes de dépression intellectuelle, où le mauvais goût domine, où la décadence se signale particulièrement par la désaffection à l’égard des œuvres supérieures, où le médiocre, l’ampoulé, le boursouflé, le contourné passent pour le « fin du fin » !