Cependant, au milieu de ses succès, et tout en travaillant à ses tragédies, à son poème épique, Voltaire songe à ses affaires de fortune. […] Rien ne m’a paru si gai que mon épître dédicatoire (celle de la tragédie des Scythes). […] Le théâtre, la tragédie, qu’adorait Voltaire et où il excellait selon le goût de son temps, le livrait au public par un plus noble côté. […] Votre lettre m’a presque fait imaginer un plan de tragédie ; une seconde lettre m’en ferait faire les vers. […] … Il céda, il fit encore une et deux tragédies, et bien d’autres.
Qu’y a-t-il de plus « naturel » que la comédie de Molière, si ce n’est la tragédie de Racine ; et qu’y a-t-il de plus humain ? […] Ainsi la tragédie de Racine, ou la comédie de Molière ; et s’il est difficile d’éclaircir le mystère, ce n’est pas toutefois une raison de le nier. […] VII, p. 140, 141] ; — et qu’il fausse l’emploi de l’histoire de la tragédie. […] Nous avons dit que La Calprenède avait aussi laissé des tragédies. […] Marty-Laveaux, V, 147] : « Je ne craindrai pas d’avancer que le sujet d’une belle tragédie doit n’être pas vraisemblable » ; — et Racine lui répond : « Il n’y a que le vraisemblable qui touche dans la tragédie » [édit.
« Allons, disais-je l’autre jour à mon cher et spirituel confrère Viennet, qu’il y a toujours plaisir à lutiner, parce qu’il est en fonds de riposte et qu’il a plus d’une corde à son arc ; allons, il en faut prendre-son parti : la tragédie se meurt, la tragédie est morte. […] » Peut-être un jour reviendrai-je sur la tragédie considérée dans son : ensemble, dans sa vie complète et sa carrière tant de fois recommencé et signalée par tant d’exploits, de grandes journées et de monuments. […] Mais aujourd’hui nous n’en sommes qu’aux Mystères, à ce qui tient lieu, jusqu’à un certain point, de la tragédie au moyen âge. […] On revit là ce qui s’était déjà produit dans l’Antiquité aux origines de la tragédie : on le sait, la tragédie antique ne fut dans les premiers temps qu’une ode sacrée, toute simple, puis chantée par un double chœur qui tournait et retournait autour de l’autel ; le dialogue s’y introduisit subsidiairement et n’y fut d’abord que secondaire. […] Ce chapitre sur la tragédie commence par le résumé le plus exact et le plus instructif de ce qu’a été le genre antérieur à la renaissance de la tragédie en France, c’est-à-dire par un résumé de ce qu’ont été les Mystères mêmes, depuis leur origine au Moyen-Age jusqu’au xvie siècle.
Mais la Tragédie ne ressuscita que sous Henri II. La premiere de toutes les Tragédies françoises fut la Cleopatre de Jodelle. […] Toutes les tragédies de M. […] On faisoit autrefois, dit l’Abbé Trublet, les vers pour les tragédies ; il semble qu’à présent on fasse les tragédies pour les vers. […] Il est tems que des passions plus nobles donnent le mouvement à nos tragédies lyriques.
Il développa, dans l’art de la Tragédie, des ressorts que Jodelle, son Prédécesseur, n’avoit fait qu’entrevoir ; c’est-à-dire, que ses Tragédies eurent une forme plus ajustée aux regles qu’on observe aujourd’hui. […] Ses Tragédies, au nombre de neuf, offrent des morceaux qu’on peut encore lire.
Les anciens ont toujours respecté les limites qui séparent la Comédie de la Tragédie. […] « L’Académicien de la Rochelle condamne avec raison, dit-il, tout ce qui auroit l’air d’une Tragédie Bourgeoise. […] Ce seroit avilir le Cothurne, ce seroit manquer à la fois l’objet de la Tragédie & de la Comédie ; ce seroit une espece bâtarde, un monstre né de l’impuissance de faire une Comédie & une Tragédie véritable. » Quoique M. de Voltaire ne fasse pas loi dans le genre comique, par le peu de succès de toutes ses Comédies, il grossit donc la foule de tous nos bons Littérateurs qui se sont élevés contre ces esprits médiocres, qui s’efforcent de rembrunir la Scène, ne pouvant l’égayer.