Au premier vers d’une tragédie : Vous souvient-il, ma sœur, du feu roi notre père ? […] » dit Vendôme dans la tragédie de Voltaire. — Couci couça », répond un plaisant du parterre, et ce mot, que l’oreille seule suggère, se trouve être un jugement sur la pièce, et la tue.
Lui-même et son école remettent en usage les formes littéraires des anciens, les genres, ode, épopée, satire, élégie, tragédie. […] Vers le même temps Hardy, si peu artiste, organisait la plus haute forme d’art qu’ait possédée notre littérature classique : il adaptait la tragédie au public, et la transportait de la rhétorique lyrique à la psychologie dramatique.
Depuis que le marquis de Luzan a mis en castillan l’Art poétique de Boileau et le Préjugé à la mode de La Chaussée, la plupart des écrivains sont afrancesados : à la comedia nationale succèdent le drame larmoyant, la tragédie pompeuse, la comédie à la façon de Molière, ou plutôt de Destouches ou de Picard580. […] Il tire notre vide et froide tragédie vers l’action animée, pittoresque, violente.
* * * — « Les tragédies… oh ! que c’est embêtant ces vieilles tragédies !
Enfin nous croyons la rime aussi indispensable à nos vers que la versification à nos tragédies : que ce soit raison ou préjugé, il n’y a qu’un moyen d’affranchir nos poètes de cet esclavage, si s’en est un ; c’est de faire des tragédies en prose, et des vers sans rimes, qui aient d’ailleurs assez de mérite pour autoriser cette licence.
Il fallait cependant un aliment à l’inquiète activité de son esprit ; sa tragédie de Moustapha et Zéangir, commencée depuis longtemps, abandonnée et reprise vingt fois dans les alternatives de langueur et de force qu’éprouvait sa santé, fut achevée dans cette retraite : plusieurs scènes de cette pièce prouvent avec quelle attention Chamfort avait étudié la manière de Racine, et jusqu’où il en aurait peut-être porté l’imitation, s’il n’eût été sans cesse distrait par ses maux et par des travaux étrangers à ses goûts. Représentée en 1776, à Fontainebleau, la tragédie de Moustapha obtint un succès que le public confirma, et qui valut à l’auteur une pension sur les menus et la place de secrétaire des commandements du prince de Condé.