. — Pourquoi ce titre de Barbares ? […] Il est vrai que celle-ci n’y est qu’à peine touchée ; et c’est sans doute la raison pour laquelle le poëte a cru pouvoir ainsi clouer en tête de son recueil ce titre voyant de Poésies Barbares, qui devient un attrait. […] On me dira que je fais la guerre aux titres, mais je n’aime pas ce titre d’Épaves qui affiche le naufrage, Poëte, lors même que vous livrez au public votre cœur, vous ne le donnez qu’avec votre talent ; l’un ne peut se séparer de l’autre ; votre cœur peut être en lambeaux, votre talent (grâce à Dieu !) […] Pourquoi donc confondre tout cela ensemble sous ce titre et cet aspect désagréable d’Épaves ? […] Que je serais heureux si mon panier avait gardé un peu de la saveur primitive, si mes vers vous rappelaient Wordsworth autrement que par le titre !
Comme les libraires veulent avant tout aujourd’hui de bons titres aux livres qu’ils achètent, des titres sonores, énigmatiques et alléchants ; comme en notre république des lettres un livre bien titré fait son chemin aussi sûrement que le faisait jadis à l’armée un gentilhomme de bonne maison, M. Loève-Veimars n’a pas cru devoir résister au vœu de son éditeur ; il lui a donc trouvé pour cette publication, qui certes pouvait autant qu’aucune autre s’en passer, un titre à la fois inconnu, érudit, piquant, et de plus très juste pour peu qu’on y songe. Le soin qu’il prend en sa préface de vouloir identifier le népenthès avec l’opium est peine perdue ; je m’en tiens, en le lisant, au népenthès d’Homère ; et ce titre, assez dans le goût allemand, et qui fait appel à l’érudition grecque, résume à merveille pour moi la variété multiple, curieuse, amusante, l’instruction étendue, agréablement bigarrée, légèrement moqueuse, le bon sens raffiné et salutaire, la saveur en un mot d’un livre écrit par l’un des plus distingués littérateurs en une époque comme celle de Lucien, où l’on se rappelle encore de bien loin son Homère, et où l’on extrait avec recherche le suc de toutes choses. […] Chasles qui, dans une publication récente, sous le titre de Caractères et Paysages, vient de recueillir des morceaux de critique, d’érudition, et quelques souvenirs animés et touchants ; nous reviendrons plus particulièrement à lui un autre jour.
Mais je n’en aime pas mieux pour cela le titre qu’on lui a donné. C’est un titre d’opéra comique, cette belle pièce de littérature ! […] ce titre est de mon libraire ; Il est le parrain de l’affaire. […] Cependant le mien a du goût… Je ne dis pas non, mais le titre est mauvais ! […] Du reste, c’est peut-être vrai comme : Et la collation avecque la musique, de cet autre poète, que Corneille, qui n’y faisait pas tant de façons, appelle le Menteur, dans un titre brutal.
Victor de Laprade vient de publier un dernier volume de poésies sous ce titre d’Idylles héroïques, un beau titre, n’est-il pas vrai ? […] Mais, comme vous le voyez, ce n’est pas du tout par la tournure de sa pensée le génie mi-parti de pasteur et de guerrier qu’il faudrait ici, avec un pareil titre, l’espèce de Guillaume Tell poétique dont le vers serait la flèche, vibrante de rapidité, de fierté et d’indépendance ! […] Déjà la Critique bienveillante, qui s’enferre quelquefois elle-même sur sa propre bienveillance, a appelé M. de Laprade « le poète des sommets », et en effet, si ce n’est pas encore le titre officiel, c’est le titre mérité de l’auteur des Idylles héroïques, qui devraient bien plutôt s’appeler les Idylles grimpantes : mais peut-être y a-t-il ici héroïsme à grimper.
C’est le piège des titres qui promettent et ne tiennent pas ce qu’ils promettent. C’est le traquenard des titres intéressants, — mis effrontément ou cauteleusement à la tête des ouvrages les plus profondément dénués d’intérêt et de talent. […] il n’y a pas moyen, sans injustice, de reprocher à un sot d’avoir la main heureuse et de la mettre quelquefois sur un titre qui sera, tout à l’heure, la plus cruelle ou la plus plaisante ironie quand il l’aura placé sur son livre. […] S’il y a des titres, en effet, qui peuvent pousser comme des fleurs d’esprit dans les plus pauvres cervelles, il y en a d’autres qui ne sont que les fausses fleurs de la Spéculation ou de la Vanité… Je puis très bien pardonner à l’auteur d’un mauvais livre, quel qu’il soit, de m’avoir pipé avec le sien et de m’avoir fait avaler un méchant ouvrage caché sous un titre alliciant et qui s’adressait à ma friandise intellectuelle, mais il m’est impossible de pardonner à un éditeur — et par là je n’entends point le libraire — qui publie des Correspondances inédites et trompeuses sous des noms qu’on aime et auxquels la plus sympathique curiosité s’attache, et cela uniquement pour l’égoïste plaisir de camper son nom sous ces noms célèbres et d’avoir tripoté un livre de plus !
Chapitre II : Termes abstraits I « Quelques noms qui ont besoin d’une explication particulière », est le titre d’un long chapitre de l’Analyste consacré aux notions obscures et discutées, de temps, espace, mouvement, etc. […] « Sous ce titre modeste, dit M. John Stuart Mill, ce chapitre nous présente une série de discussions sur quelques-unes des questions les plus profondes et les plus embrouillées de toute métaphysique… Le titre donnerait une notion très incomplète de la difficulté et de l’importance des spéculations qu’il contient… C’est presque comme si un traité de chimie était donné pour une explication des mots air, eau, potasse, acide sulfurique, etc. » C’est donc une recherche sur l’origine et le mode de formation des idées les plus générales qu’il faut attendre sous ce titre, dont on doit remarquer aussi le caractère très nominaliste.