Le tout est de savoir si sa pensée est d’accord avec les réalités dont il tire sa nourriture et la substance de son être. […] Malgré tout son talent de styliste, il n’a rien pu tirer de sujets factices comme Avatar, Jettatura, Arria Marcella, Mademoiselle de Maupin. […] Si romanesque qu’en fût le récit, comme il serait médiocre en regard des deux grandes œuvres qu’en ont tirées Virgile et Goethe ? […] Selon l’expression de Voltaire, — le plus aristocrate des hommes, — ce sont eux qui des Welches ont tiré des Français. […] Nous avons pris une attitude de bons élèves qui tirent vanité des encouragements de leurs pédagogues.
« Point de demi-aimables ni de demi-savants : on peut tirer plutôt parti de ceux qui ne le sont point du tout ; du naturel, et surtout du naturel ! […] Au duc Albert de Saxe-Teschen, qui venait de perdre la bataille de Jemmapes et d’être gravement malade, et qui lui demandait, en le revoyant à Vienne, comment il le trouvait : « Ma foi, monseigneur, répondit le prince de Ligne, je vous trouve passablement défait. » Il disait encore très joliment du prince royal de Prusse qui s’était trouvé indisposé et pris d’un étourdissement à une séance de l’Académie des sciences à Pétersbourg : « Le prince, au milieu de l’Académie, s’est trouvé sans connaissance. » Tout ceci est du meilleur : mais après une visite qu’il avait faite au cardinal de Luynes, archevêque de Sens, au sujet d’un procès, il outrepassait le mot, il le cherchait et le tirait de bien loin quand il répondait à M. de Maurepas, qui lui demandait comment il avait trouvé le cardinal : « Je l’ai trouvé hors de son diocèse », voulant dire hors de sens. […] En tout ceci, le prince de Ligne fait comme chacun en pareil cas : il tire volontiers toute l’histoire de son côté.
Ces poètes, en essayant de traduire les sentiments de Gabrielle, ne craignent pas d’employer les mots de chasteté et de pudeur, qui, dans leur langage, ne tirent pas à conséquence. […] Un historien du temps a très bien rendu ce caractère conciliant, adroit et facile, qui était une des puissances de Gabrielle, et c’est un correctif nécessaire à l’impression que laisserait, sans cela, le récit un peu aigre de Sully : Le plaisir, dit l’historien Matthieu en parlant de cet amour de Henri IV, n’était pas le principal objet de ses affections, il en tirait du service au démêlement de plusieurs brouilleries dont la Cour n’est que trop féconde. […] Sully survenant lui cita les Psaumes et lui parla du doigt de Dieu, dont la sagesse convertit souvent notre mal en bien ; il parlait en cela comme sentaient tous les bons Français, que la mort de cette pauvre femme tirait d’une inquiétude grave.
Le duc de Chevreuse, honnête, appliqué, laborieux, traitant chaque question avec méthode, s’épuisant à combiner les faits et à en tirer des inductions, des conséquences infinies, avait quelque chose du doctrinaire et du statisticien tout ensemble ; on en connaît encore de ce genre-là : avec beaucoup d’esprit, de mérite, de capacité et de connaissances, il n’arrivait qu’à être un bon esprit faux. […] C’est un approfondissement, un arrangement, une suite d’opérations, soit pour remonter aux principes, soit pour tirer les conséquences », Couper court, en finir, retrancher tout ce qui n’est pas essentiel, éviter un semblant d’exactitude éblouissante qui nuit au nécessaire par le superflu, c’est là le conseil qui revient sans cesse et qui ne s’applique pas moins aux choses de ce monde qu’à celles de Dieu. […] Un jour il apprend que le duc de Bourgogne, parlant moins en prince et en fils de roi qu’en pénitent et en homme qui sort de son oratoire, a dit que ce que la France souffrait alors, en 1710 (et elle souffrait, en effet, d’horribles maux), venait de Dieu qui voulait nous faire expier nos fautes passées : « Si ce prince a parlé ainsi, écrit Fénelon au duc de Chevreuse, il n’a pas assez ménagé la réputation du roi : on est blessé d’une dévotion qui se tourne à critiquer son grand-père. » Dans tout ceci, je n’ai d’autre dessein que de rappeler quelques traits de la piété noble, élevée, généreuse, à la fois sociable et royale de Fénelon, sans prétendre en tirer (ce qui serait cruel et presque impie à son égard) aucune conséquence contre l’avenir de son élève chéri, contre cet avenir qu’il n’a point été donné aux hommes de connaître et de voir se développer.
Ainsi, au samedi 1er juillet 1684, après le détail de la journée de Monseigneur, du dîner, de la promenade : « — Le roi tira ce jour-là dans son parc. — Despréaux prit sa place à l’Académie, et lit une fort belle harangue. » Dans un voyage de la Cour, de Chambord à Fontainebleau (octobre 1684), le roi fait en plus d’une étape le trajet de l’une à l’autre résidence : le 12 il couche à Notre-Dame-de-Cléry, le 13 à Pluviers : « Le samedi 14, il arriva à Fontainebleau à sept heures du soir. — On apprit à Chambord la mort du bonhomme Corneille, fameux par ses comédies ; il laisse une place vacante dans l’Académie. » Le bonhomme Corneille ou le grand Corneille, cela revient au même ; Dangeau avait été du jeune monde, et, comme nous dirions, de la jeune école. […] On commence à employer les troupes pour aider aux conversions : « Samedi, 11 août 1685, à Versailles. — J’appris qu’Asfeld, brigadier des dragons, était allé en Poitou commander les troupes qui y sont, et dont les intendants ont quelquefois tiré des secours pour de bons effets. » Ce qui est immédiatement suivi de la nouvelle du dimanche 12 : « Le roi envoya force faisandeaux à Monseigneur, et Monseigneur lui renvoya force perdreaux, se faisant part l’un à l’autre de leurs chasses. » — Tout cela vient ex aequo. […] Suivent les noms de ceux et celles qui ont tiré.
Santeul, le poète latin si fier de ses vers, si heureux de les réciter en tous lieux ou de les entendre de la bouche des autres, et qui aimait encore mieux qu’on dît du mal de lui que si l’on n’en avait rien dit du tout ; Santeul, qui dans une de ses plus grosses querelles écrivait à l’abbé Faydit, qui l’avait attaqué sur son épitaphe d’Arnauld : Je fais le fâché par politique, mais je vous suis redevable de ma gloire ; vous êtes cause qu’on parle de moi partout, et presque autant que du prince d’Orange ; vous avez rendu mes vers de l’épitaphe de mon ami plus fameux que l’omousion du concile de Nicée ; ceux des autres poètes sur le même sujet sont demeurés ensevelis avec le mort, faute d’avoir eu comme moi un Homère pour les prôner et les faire valoir ; — Santeul, qui était si fort de cette nature de poète et d’enfant qui tire vanité de tout, serait presque satisfait en ce moment. […] Il tutoie ceux même qu’il ne connaît qu’à peine, et les tire à lui familièrement. […] Six forts chevaux tiraient un coche.