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931. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Ces ondes, ce flux et ce reflux, ce va-et-vient terrible, ce bruit de tous les souffles, ces noirceurs et ces transparences, ces végétations propres au gouffre, cette démagogie des nuées en plein ouragan, ces aigles dans l’écume, ces merveilleux levers, d’astres répercutés dans on ne sait quel mystérieux tumulte par des millions de cimes lumineuses, têtes confuses de l’innombrable, ces grandes foudres errantes qui semblent guetter, ces sanglots énormes, ces monstres entrevus, ces nuits de ténèbres coupées de rugissements, ces furies, ces frénésies, ces tourmentes, ces roches, ces naufrages, ces flottes qui se heurtent, ces tonnerres humains mêlés aux tonnerres divins, ce sang dans l’abîme ; puis ces grâces, ces douceurs, ces fêtes, ces gaies voiles blanches, ces bateaux de pêche, ces chants dans le fracas, ces ports splendides, ces fumées de la terre, ces villes à l’horizon, ce bleu profond de l’eau et du ciel, cette âcreté utile, cette amertume qui fait l’assainissement de l’univers, cet âpre sel sans lequel tout pourrirait ; ces colères et ces apaisements, ce tout dans un, cet inattendu dans l’immuable, ce vaste prodige de la monotonie inépuisablement variée, ce niveau après ce bouleversement, ces enfers et ces paradis de l’immensité éternellement émue, cet infini, cet insondable, tout cela peut être dans un esprit, et alors cet esprit s’appelle génie, et vous avez Eschyle, vous avez Isaïe, vous avez Juvénal, vous avez Dante, vous avez Michel-Ange, vous avez Shakespeare, et c’est la même chose de regarder ces âmes ou de regarder l’Océan. […] On trouve sur le registre de Lagrange, au mois d’avril 1663, cette mention : « vers le même temps, M. de Molière reçut une pension du roi en qualité de bel esprit, et a été couché sur l’état pour la somme de mille livres. » Plus tard, quand Molière fut mort, et enterré à Saint-Joseph, « aide de la paroisse Saint-Eustache », le roi poussa la protection jusqu’à permettre que sa tombe fût « élevée d’un pied hors de terre. » § VI Shakespeare, on vient de le voir, resta longtemps sur le seuil du théâtre, dehors, dans la rue. […] § IX En 1597, Shakespeare avait perdu son fils qui a laissé pour trace unique sur la terre une ligne du registre mortuaire de la paroisse de Stratford-sur-Avon : 1597.

932. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Le génie sur la terre, c’est Dieu qui se donne. […] Qu’il ait des ailes pour l’infini, mais qu’il ait des pieds pour la terre, et qu’après l’avoir vu voler, on le voie marcher. […] En ne maniant point les choses de la terre, il croit s’épurer, il s’annule.

933. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Dans le tableau de Doyen, tout au haut de la toile à gauche, on voit la sainte à genoux, portée sur des nuages ; elle a les regards tournés vers un endroit du ciel éclairé au-dessus de sa tête, le geste des bras dirigé vers la terre, elle prie, elle intercède… je vous dirais bien le discours qu’elle tient à Dieu, mais cela est inutile ici. […] Tout à fait à la gauche du tableau, sur la terrasse, au pied de l’escalier et du massif, un homme vigoureux qui soutient par dessous les bras un malade nu, un genou en terre, l’autre jambe étendue, le corps renversé en arrière, la tête souffrante, la face tournée vers le ciel, la bouche pleine de cris, se déchirant le flanc de sa main droite. […] Sur la terrasse encore, au pied du même massif, un peu plus sur le fond que le groupe précédent, une femme morte, les pieds étendus du côté de l’homme convulsé, la face tournée vers le ciel, toute la partie supérieure de son corps nue, son bras gauche étendu à terre et entouré d’un gros chapelet, ses cheveux épars, sa tête touchant au massif.

934. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Il avait, peut-être à un plus haut degré, les mêmes études de langue latine, de poésie provençale et de philosophie ; il composait une thèse sur la terre et l’eau considérées comme premiers éléments ; il était venu écouter dans Paris, rue du Fouarre, un grand maître de scolastique, et il avait lui-même discuté contre tout venant. […] que Notre-Seigneur soit loué par la terre notre mère, qui nous porte et qui nous entretient d’une si féconde variété de fleurs et de fruits ! […] Le poëte nous ramène à la terre par ses douleurs, comme il nous élève à Dieu par son génie ; mais il est théologien, il argumente, il déclame, il accuse, il est implacable dans le ciel.

935. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

La terre entière devrait être trop cultivée, devrait être aménagée comme la maison de l’homme. […] L’humanité est comme un homme qui cultiverait la terre avec des enfants sur les épaules. […] Il y a des fragments d’humanité répandus sur la terre. […] La raison lui suffit dans la vie pratique, le trompe et surtout le désenchante et le décourage dès qu’il veut s’élever au-dessus de la terre ; et s’élever au-dessus de la terre lui est un besoin. […] Tel Olympe, telle terre, tel Dieu, tels hommes.

936. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Le temps était devenu affreux ; la pluie tombait à torrents ; les chemins étaient inondés, les terres défoncées. […] De Grouchy il n’était pas plus question que s’il avait disparu dans un tremblement de terre ; et cependant depuis midi la canonnade qu’il entendait, quand il n’aurait pas reçu d’ordre, l’appelait assez haut.

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