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353. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

C’est après que Michelet, George Sand et d’autres ont écrit, qu’il lui vient une si grande pillé pour les misérables et les opprimés, et le culte de la Révolution, et la haine des rois, et l’humanitairerie mystique, et la charité à bras ouverts, et quelquefois à bras tendus et à poings fermés… Ce serait être dupe que de tenter l’histoire des idées de Victor Hugo, car, comme il n’est qu’un écho, elles se succèdent en lui, mais ne s’engendrent point l’une l’autre. […] ou même m’incite à me réfugier dans la pensée délicate ou dans le tendre cœur des poètes qui me sont chers : mais son Verbe m’écrase. « Une âme violente et grossière », comme l’a appelée Louis Veuillot, soit ; mais une bouche divine… Et, ici, ce m’est un grand bonheur que d’autres, plus habiles que moi, M.  […] A cause de cela, ce songeur si peu philosophe a quelquefois des vers profonds ; et ce poète, de beaucoup plus d’imagination que de tendresse, a des vers délicats et tendres. […] Et, s’il me fallait avouer, à mon corps défendant, que Musset n’a peut-être pas la puissance des deux autres, du moins je ne pourrais me prononcer entre ces deux-là, et je me redirais les vers du poète Charles de Pomairols, parlant de Lamartine : (…) Et son génie aisé, que la grâce accompagne, N’a pas le rude élan de la haute montagne Assise pesamment sur ses lourds contreforts, Miracle de matière, orgueilleuse géante, Qui redresse les flancs de sa paroi béante, Et tend au ciel lointain sa masse avec efforts.

354. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Quoique Boileau respecte profondément Aristote, qu’il n’ait jamais été accusé d’être galant à l’excès, qu’il ait même fait une lourde satire contre les femmes, il écrit : Bientôt l’amour, fertile en tendres sentiments, S’empara du théâtre ainsi que des romans. […] Mais il est bon de se rappeler que dans ce long effort, qui tend à établir une équivalence parfaite, c’est-à-dire une égalité de droits n’excluant pas une diversité de fonctions entre les deux moitiés de l’humanité, il y a eu des moments d’arrêt, de progrès rapide et aussi d’effervescence désordonnée. […] Les tendres bergers du Lignon, comme les galants héros des pastorales et des tragédies précieuses, font profession de ne vivre que pour l’amour. […] En un mot, les serviteurs tendent à sortir de la famille, à n’y être que des auxiliaires passagers.

355. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Madame de Thommeray adresse à Jean de tendres et sérieux reproches ; elle lui montre le château paternel assombri par le départ de l’enfant prodigue, son vieux père en deuil de sa vertu morte ; elle lui rappelle sa fiancée blessée au cœur par son abandon. […] Cette famille, qui n’en est pas une, vit dans l’union la plus tendre. […] Au second acte, la situation semble se nouer et se tendre. […] Alors Bernard, les bras ouverts, tend à Léopold la joue qu’il vient de frapper : « Efface ! 

356. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Sehopenhauër, avec le symbolisme de son Génie de l’Espècea mis en scène d’une façon éclatante un de ces pièges tendus par la finalité au désir humain. […] Or durant le règne de cet instinct, la vie intense, inconnue et réelle, qui se donne cours, au regard de la conscience individuelle, sous le nom de l’amour, tend à sortir des limites et de l’habitat qui lui furent, jusqu’alors fixés. […] Tel est le vœu auquel il attache son bonheur et dont toute l’ingéniosité de son esprit tend à lui procurer la réalisation. […] L’homme se conçoit doué du pouvoir de modifier l’Univers à son profit, c’est ici comme ailleurs se concevoir autre qu’il n’est et tandis qu’il tend vers cette fin égoïste toute son énergie, il développe une force qui est utilisée pour une fin étrangère.

357. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

C’est une mythologie à peu près inévitable qui se mêle à tous les paysages de ce temps-là, et qui tend à les gâter par le convenu. […] Tout en reconnaissant les heureux traits épars dans cette Solitude de Saint-Amant et en m’expliquant très bien le succès qu’elle eut à sa date, je me dis qu’à la relire aujourd’hui, je n’y trouve ni la solitude du chrétien et du saint, celle dont il est écrit « qu’elle bondira dans l’allégresse et qu’elle fleurira comme le lis » ; ni la solitude du poète et du sage ; ni celle de l’amant mélancolique et tendre ; ni celle du peintre exact et rigoureux. […] Il y a cependant des détails assez agréables, et je n’en veux pour preuve que cette comparaison qui termine le premier chant, et qui nous montre la mère ayant déposé à contre-cœur le berceau flottant, et ne s’en éloignant qu’avec anxiété et avec lenteur : Telle que, dans l’horreur d’une forêt épaisse, Une biche craintive, et que la soif oppresse, Quitte à regret son faon depuis peu mis au jour, Quand pour chercher à boire aux fosses d’alentour, Ayant au moindre bruit les oreilles tendues, On la voit s’avancer à jambes suspendues, Faire un pas, et puis deux, et soudain revenir, Et de l’objet aimé montrant le souvenir, Montrer en même temps, par ses timides gestes, Le soupçon et l’effroi des images funestes Qui semblent l’agiter pour autrui seulement ; — Telle fut Jocabel en son éloignement.

358. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Parmi les lettres qui se distinguent par une intention d’agrément comme par une affection véritable et des plus tendres, il y a celles qui sont adressées à Mme Daubenton, la nièce par alliance du grand anatomiste ; c’est à elle que Buffon écrit, parlant de l’oncle et peut-être du mari : « Il paraît que MM.  […] Mais une partie du recueil, qui n’est pas moins neuve et qui est toute à l’honneur de Buffon, ce sont ses lettres à son fils : il s’y montre père, et le plus tendre père, le plus cordialement attentif, le plus rempli de sollicitude. […] Ce sont là, mon très cher fils, les volontés absolues de votre bon et tendre père.

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