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307. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Est mental tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, implique une lin sentie et voulue, fût-ce aveuglément ; est mental tout ce qui n’est pas indifférent à son propre état, mais tend à le maintenir ou à le changer, à l’accroître ou à le diminuer ; est mental tout ce qui enveloppe l’avenir pressenti dans le présent senti, avec un effort quelconque pour passer de l’un à l’autre. Un chronomètre a beau être fait pour marquer l’heure future, aucun de ses mouvements, à lui, n’enferme une finalité immanente ni ne tend à marquer l’heure. […] La fin poursuivie reste donc ici la même, alors que le mécanisme des moyens est altéré : le chronomètre vivant continue de tendre à l’heure future alors même qu’on lui a enlevé plusieurs de ses ressorts : il supplée à l’un par l’autre, comme si le bien à venir agissait sur lui par l’intermédiaire du bien ou du mal présent. […] Dans le chronomètre, le grand ressort central qui cause tout le reste est naturellement indépendant de la fin à laquelle on l’a artificiellement subordonné ; dans l’être vivant, la cause et la fin, le ressort et l’heure à indiquer se confondent, comme si une montre tendait toujours à marquer midi par tous les moyens et trouvait dans la position même de l’aiguille à midi le ressort de tous ses mouvements. […] Comme Münsterberg, William James tend à supprimer toute activité mentale, au profit des objets dont nous avons la représentation.

308. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Et avant Alfred de Musset il s’écriait dans la solitude abhorrée : … Qu’on me donne une pierre, Une roche à rouler ; c’est la paix des tombeaux Que je fuis et je tends des bras las du repos3. […] Alphonse, jeune Espagnol, remarquable par sa beauté, ses grâces et surtout « par une profonde et touchante mélancolie », empoisonne à première vue le cœur de la trop tendre Émilie […] On s’empêtre et s’embourbe dans l’amour plaintif, tendre, langoureux et mélancolique. […] Les hommes de ce temps se montaient la tête et tendaient leurs forces afin de sortir de leur situation, afin de s’élancer par-delà le monde tangible pour épuiser l’ardeur et la passion de mouvement qui bouillonnaient dans leurs crânes. […] Le combat entre la religion et l’amour s’engage dans le cœur de la tendre Atala.

309. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

À Milan il visite Beccaria, célèbre par son livre philanthropique Des délits et des peines : mais Duclos ne donne pas à l’aveugle dans ces nouveautés qui, poussées trop loin, tendent à désarmer la société et à énerver la justice. […] Voici quelques-unes des idées et des réserves de Duclos au sujet du livre de Beccaria, et dont il s’ouvre de vive voix à l’auteur même : Après lui avoir fait compliment sur le caractère d’humanité qui l’avait inspiré, je ne lui dissimulai point que je n’étais pas de son sentiment sur la conclusion qui tend à proscrire la peine de mort pour quelque crime que ce puisse être. […] Duclos était resté bon et tendre fils ; le chagrin qu’il éprouva en perdant « la seule personne, dit-il, dont on puisse être sûr d’être aimé », le rendit malade.

310. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Selon lui, en effet, il n’y a plus dans la littérature actuelle que de la forme, la pensée est absente ou sacrifiée : en architecture, en peinture, en sculpture, on ne rencontre, selon lui, que le pastiche, l’imitation du passé, une imitation confuse et entrecroisée des différentes époques, des différentes manières antérieures : « Il en est de même, dit-il, en littérature : on accumule images sur images, hyperboles sur hyperboles, périphrases sur périphrases ; on jongle avec les mots, on saute à travers des cercles de périodes, on danse sur la corde roide des alexandrins, on porte à bras tendu cent kilos d’épithètesa, etc. » Et dans ce style qui n’évite pas les défauts qu’il blâme, l’auteur s’amuse à prouver que tous, plume en main, jouent à la phrase et manquent d’une idée, d’un but, d’une inspiration : « Où sont les écrivains ? […] Jusque dans l’expression de ces sentiments tendres, M. du Camp a parfois une sorte de rudesse, de crudité. […] [1re éd.] on porte à bras tendus cent kilos d'épithètes

311. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Mais M. de Senfft est un de ces hommes qu’on ne peut bien connaître sans connaître aussi sa femme ; car il lui était entièrement attaché, dévoué et même jusqu’à un certain point soumis ; il l’était parce qu’il appréciait en elle les plus hautes vertus, les plus tendres délicatesses ; il avait pour elle un vrai culte comme on en aurait pour une femme qu’on n’aurait adorée qu’à distance, comme pour une Laure ou une Béatrix. […] C’était lui sans doute qui avait le plus fait dans le principe pour l’asservissement de l’Allemagne, et ayant préparé par une politique artificieuse l’immense prépondérance de la France sur le continent, il s’était ôté lui-même les moyens d’arrêter l’ambition insatiable de celui qui gouvernait… Néanmoins, au risque même de déplaire au maître, il s’opposa toujours aux projets qui, au milieu de la paix, tendaient à engager la France dans de nouvelles guerres interminables. […] Mme de Senfft, je l’ai dit, était le côté tendre, délicat, élevé, mais aussi le côté faible de l’homme excellent.

312. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Pour ceux qui, distraits des pures Lettres ou occupés ailleurs (comme il est permis), auraient besoin qu’on les remît sur la voie, je rappellerai qu’Eugénie de Guérin, sœur de Maurice de Guérin, de l’admirable auteur du Centaure, était son égale en dons naturels, en génie, sa supérieure en vertu, en force d’âme, son aînée vigilante et tendre, et qu’elle fut pendant neuf années sa survivante douloureuse, son Antigone ou son Électre, toute consacrée à sa mémoire et comme desservante d’un tombeau. […] Nous avons là une catholique de vieille souche, douce, pieuse, fervente, résignée, tendre, poétique, aimant la nature et adorant Dieu dans la nature, y trouvant à chaque pas les plus charmants emblèmes, moralisant avec grâce et sourire au sein même de la douleur : nous avons, d’autre part, et en regard d’elle, un caractère énergique de calviniste à demi émancipée, poétique aussi, très-croyante toujours, fervente, même prêcheuse, mais ouverte à toutes les impressions, ayant sa palette à elle, près de sa Bible, poussant ardemment ses aspirations vers le monde extérieur et absorbant la création par tous ses pores : — deux types. […] Mlle de Guérin écrit une bonne partie de ses lettres, et des meilleures, des plus agréables, à sa jeune amie Louise de Bayne dont elle avait vu éclore la rieuse enfance, celle même à qui son frère Maurice semble avoir songé dans de premiers vers qui recèlent un sentiment tendre.

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