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455. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

Comme cet Ouvrage, qui suppose autant de connoissances que d'application, peut être infiniment utile à la jeune Noblesse & à tous les Militaires curieux d'avoir une juste idée du Corps Germanique, nous saisissons cette occasion de le faire connoître ; & nous ne pouvons mieux y réussir, qu'en rapportant la Lettre d'un Ambassadeur de l'Empire d'Allemagne, adressée à l'Auteur même qui lui en avoit envoyé un exemplaire.

456. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

« — Supposons-le. […] XI « Nous venons de voir que les hommes justes sont meilleurs, plus habiles et plus forts que les hommes injustes ; que ceux-ci ne peuvent rien faire de concert ; et c’était une supposition gratuite que de supposer que des gens injustes aient jamais rien fait de considérable de concert et en commun, car, s’ils eussent été tout à fait injustes, ils ne se seraient pas épargnés les uns les autres. […] » On voit que tout repose, dans cette philosophie, sur les doctrines du Phédon, qui supposent l’âme créée par Dieu, avec des idées innées et fatales qui forment sa conscience, sa nature comme sa morale, doctrines que nous croyons aussi vraies que celles qui attribuent à la matière ou au corps des instincts ou des lois absolues qui font sa nature, et au-dessus de toute discussion. […] XXVII Enfin, à supposer qu’une société pût subsister de ce renversement de toutes les lois naturelles, de ce retournement de tous les instincts sociaux, vous le voyez encore : Une première loi établissant un minimum de population au-dessous duquel il serait permis aux sexes de s’unir sous le choix et sous l’inspection des magistrats !

457. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Cette loi suppose la liberté de l’agent : il n’y a ni droit ni devoir, à proprement parler, pour un être qui n’agirait pas librement ; en un mot, il faut que l’homme soit une véritable personne pour exécuter la loi conçue par sa raison pratique. […] Si la loi du devoir suppose la liberté, la loi du mérite et du démérite qui en est la conséquence, implique la nécessité d’une sanction. […] Nous en sommes encore à comprendre comment Kant n’a pas vu que la conception d’une loi morale, toute nécessaire qu’elle soit, suppose deux faits de conscience parfaitement indépendants l’un de l’autre, une raison qui ne comprend pas seulement l’utile et comprend aussi le bien, une volonté libre pour le réaliser. […] Supposez que ce sentiment puisse être une illusion, voici la loi morale ruinée dans sa base.

458. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Cousin s’est donc levé, disions-nous, et il a exprimé quelque chose d’approchant et en des termes bien meilleurs, bien plus persuasifs, on le supposera sans peine ; mais nous ne croyons pas trahir sa pensée en la produisant sous cette forme ; et voilà la période philologique qui commence. […] Ce qui reste de la pensée et de la vie intérieure des hommes, par rapport au courant continuel de leur esprit, n’est jamais que le fragment des fragments ; il nous manque les intermédiaires, ce qu’en ses ébauches surtout supprimait pour soi cette pensée rapide, parce qu’elle le supposait connu, ce que les amis habituels avaient chance de savoir tout simplement mieux que nous ne le devinons. […] Se prévaloir contre la foi de Pascal de certain mode d’argumentation qu’il emploie hardiment et qui impliquerait le scepticisme absolu au défaut de la foi, c’est supposer ce qu’il s’agit précisément de démontrer, c’est oublier combien cette foi faisait peu défaut en lui, combien elle était pour lui chose réelle, pratique, sensible et vivante.

459. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Son propre cœur lui expliquait celui de Phèdre ; et si l’on suppose, comme il est assez vraisemblable, que ce qui le retenait malgré lui au théâtre était quelque attache amoureuse dont il avait peine à se dépouiller, la ressemblance devient plus intime et peut aider à faire comprendre tout ce qu’il a mis en cette circonstance de déchirant, de réellement senti et de plus particulier qu’à l’ordinaire dans les combats de cette passion. […] Hippolyte amoureux ressemble encore moins à l’Hippolyte chasseur, favori de Diane, que Néron amoureux au Néron de Tacite ; Phèdre reine mère et régente pour son fils, à la mort supposée de son époux, compense amplement Junie protégée par le peuple et mise aux Vestales. […] A y regarder de près, ce sont, entre les traditions contradictoires, des efforts de conciliation ingénieux, mais peu faits pour éclairer : Racine admet d’une part la version de Plutarque, qui suppose que Thésée, au lieu de descendre aux enfers, avait été simplement retenu prisonnier par un roi d’Épire dont il avait voulu ravir la femme pour son ami Pirithoüs, et d’autre part il fait dire à Phèdre, sur la foi de la rumeur fabuleuse : Je l’aime, non point tel que l’ont vu les Enfers… Dans Euripide, Vénus apparaît en personne et se venge ; dans Racine, Vénus tout entière à sa proie attachée n’est qu’une admirable métaphore.

460. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Or Boileau est éminemment artiste, il faut sans cesse le redire : pour lui, l’art, sans lequel il n’y a pas de chefs-d’œuvre effectifs et complets, l’art implique et suppose tous les dons naturels qu’il met en œuvre. […] Et d’abord, sans y songer, sans en faire une règle expresse, moins par une disposition particulière de son goût que par l’impossibilité de penser autrement en son temps, il ne semble pas supposer que le modèle imité par le poète puisse être autre chose que l’homme ; je veux dire l’homme intérieur et moral. […] Voilà les principes qui constituent le naturalisme de Boileau : théorie simple et large, et bien éloignée d’être cette réglementation tyrannique que supposaient les romantiques.

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