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438. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Ses calculs sont faits ; il va acheter des terres ; dans un an, il sera député, et pair de France l’année suivante… en février ou en mars 1848, au plus tard… Ainsi finit, par un excellent trait, cette ingénieuse et piquante comédie, à laquelle je ne saurais reprocher qu’une impartialité si régulière et si symétrique que son mouvement de scène ressemble parfois à un jeu de bascule comique et morale. […] Il est vif, léger, rapide ; il mange en herbe l’esprit et la gaieté de la pièce ; et les deux actes suivants vont jeûner pour lui. A l’acte suivant, nous sommes en soirée chez madame de Larsy, une des bonnes amies de Caliste. […] Il est charmant, ce premier acte, habilement fait, largement posé, plein d’engagements et de promesses ; il n’a qu’un tort, celui de promettre ce que les actes suivants ne tiendront pas.

439. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Nous n’avons pas même la ressource de les diviser suivant qu’ils pratiquent le vers libre ou la prosodie traditionnelle, en effet beaucoup de poètes ont usé alternativement de ces deux métriques. […] Et à juste titre il s’est peu servi de la rime, qui depuis les excès des Parnassiens, est devenue à nos oreilles tellement insupportable, qu’une rime riche maintenant nous paraît plutôt une faute de goût et un manque de beauté qu’une preuve d’art ou de sentiment. » Son âme, qui s’apparente parfois à celle des poétesses ultra-romantiques, se complaît dans des décors de nature idéalisée suivant le cœur de Mme de Staël. […] Suivant le rite voulu par « sa Terre et ses Morts », il exalte les voluptés ensoleillées de la Judée sanglante des Rois et des Prophètes. […] Mais s’il est une particularité à laquelle il se doive pourtant reconnaître, c’est à sa bonté, qui n’est autre que son amour de la vérité, c’est-à-dire de la sagesse, suivant l’acception antique : Σοφία.

440. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

À ce point de vue, les espèces originales devraient avoir produit tout d’abord des hybrides parfaitement féconds, ou tout au moins ils devraient l’être devenus par suite de la domestication pendant les générations suivantes. […] Le fait suivant est encore beaucoup plus extraordinaire ; mais il ne saurait être douteux, car il est le résultat d’un nombre considérable d’expériences continuées pendant de longues années sur neuf espèces de Molènes (Verbascum), par Gærtner. […] La faible variabilité des hybrides nés d’un premier croisement, ou à la première génération, en opposition avec leur extrême variabilité pendant les générations suivantes, est un fait extrêmement curieux qui mérite d’arrêter notre attention. […] Bien que Gærtner ait établi que la faculté de croisement n’est pas en rapport constant avec celle de greffement, c’est-à-dire que les espèces capables d’être greffées les unes sur les autres ne sont pas toujours celles qui croisent le plus aisément et qui se montrent les plus fécondes, il reste néanmoins très probable que la faculté générale, mais inégalement constatée chez les diverses espèces, de pouvoir être greffées les unes sur les autres, est une conséquence générale de leur faculté de croisement, c’est-à-dire que les deux ordres de phénomènes ont quelque chose de commun et dérivent des mêmes causes, tout en suivant jusqu’à un certain point d’autres lois.

441. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

La plume de Roederer fut des plus employées dans les actes officiels de cette journée du 18 et des jours suivants. […] Pendant les jours suivants, Roederer continua d’être un intermédiaire entre Bonaparte et Sieyès, un interprète habile et entendu de ce fameux plan de Constitution que ce dernier avait en portefeuille, et qui ne put être appliqué qu’avec des modifications qui le transformèrent profondément. […] Je répondis par les mots suivants que je me suis souvent dits à moi-même : « Je le loue publiquement de ce qu’il a fait de bien, d’abord afin qu’on l’aime et qu’on le connaisse ; ensuite pour qu’il sache quels sont les motifs de l’attachement qu’on a pour lui ; en troisième lieu pour avoir le droit de lui parler franchement et avec fermeté dans son Conseil ou en particulier. » — Il arriva sous son gouvernement une chose assez extraordinaire entre les hommes qui travaillaient avec lui : la médiocrité se sentit du talent, le talent se crut tombé dans la médiocrité ; tant il éclairait l’une, tant il étonnait l’autre !

442. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

La répétition, la reprise de domus alta à la fin d’un vers et au commencement du vers suivant a paru avec raison un de ces accents particuliers au génie du poète, et que même l’œil ne retrouverait pas dans Racine. […] S’il en mène Pune abonne fin, il laissera l’autre à moitié boiteuse ; pour moi, je vais à sa rencontre, dussent ses mains cire comme la flamme, — oui, dussent ses mains cire comme la flamme, et dût sa force égaler l’acier. »52 isolez ici la répétition et la reprise : dussent ses mains être comme la flamme, qui est à la fin d’un vers et au commencement du vers suivant. — Et c’est alors qu’Apollon s’approchant d’Hector et lui conseillant au contraire d’éviter Achille, Hector se replonge au milieu des guerriers, un peu effrayé de l’avis mystérieux qui a résonné à son oreille. […] En suivant le texte traditionnel, je crois obéir au sens le plus naturel et au courant le plus virgilien.

443. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il termina ses études à l’université de Caen, puis au collège d’Harcourt, tout en suivant ce qu’on appelait l’Académie, c’est-à-dire l’école des jeunes gentilshommes. […] Il avait communiqué à Mme de Sablé sa maxime sur l’amitié : « L’amitié157 la plus désintéressée n’est qu’un trafic où notre amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » Loin d’effacer cette triste maxime, deux ans avant sa mort, il l’étendit de la façon suivante : « Ce que les hommes ont nommé amitié158 n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices ; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. » Le cœur de Mme de Sablé lui fournit des pensées d’un ordre bien différent. […] On a trouvé, en effet, dans les papiers du président Bouhier, très-curieux, comme on sait, d’anecdotes de tout genre, le récit suivant, qui est peu connu : « La mort de la duchesse Mazarin est si singulière, qu’elle mérite bien qu’on en conserve la mémoire.

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