Pourquoi Louis XIV, dans sa campagne de Hollande, en 1672, n’a-t-il pas su que c’était à Muyden, petite ville à sa portée, qu’était la clef de sa conquête, le nœud de toutes les écluses qu’il suffisait de lâcher pour inonder le pays ? […] En ceci pourtant il n’était jamais trop tard ; il suffisait de faire comme le laborieux jésuite et de remonter à la source : on ne le fit pas. […] Ce n’est pas à réussir sur l’heure et pour un jour qu’il vise, comme cela suffit aux charlatans, c’est à s’acquérir l’estime des connaisseurs et de ceux qui en jugeront plus tard à l’usage : « Ce n’est pas ici un jeu d’enfants, écrivait-il à propos de ce même Dunkerque, et j’aimerais mieux perdre la vie que d’entendre dire un jour de moi ce que j’entends des gens qui m’ont devancé. » Plein de bonnes raisons, et de celles qu’il donne, et de celles qu’il garde par devers lui dans un art qui a ses secrets, il s’impatiente et s’irrite même des chicanes et des objections qu’on élève quand il a le dos tourné ; il s’en plaint au ministre et d’un ton parfois un peu brusque.
Dès l’âge de treize ans, il se suffisait à lui-même par son travail, et il avait ses commandes, sa clientèle ; il faisait des dessins à 6 francs et des tableaux à 20. […] Les anciennes écoles, selon lui, ont très-peu cherché cet idéal qu’on adore et qu’on exalte après coup en elles ; le plus souvent, elles n’ont fait que reproduire exactement la nature qu’elles avaient sous les yeux : il suffisait, pour nous donner l’impression élevée qui en sort, que cette nature fût généralement belle, et que les organisations d’élite qui s’y appliquaient sussent y choisir leurs sujets. […] Enfin, l’aimable et brillant Horace saura suffire à tous les âges de la vie comme à toutes les phases de son talent, et fournir jusqu’au terme, sans broncher, toutes les étapes d’une noble carrière.
Au retour du printemps, dès que la terre ne suffisait plus à ceux qui en vivaient, dès que la famille humaine devenait trop nombreuse, un essaim de jeunesse prenait son essor et s’envolait à la découverte, à l’aventure, vers des pays ou le soleil s’annonçait plus beau. […] Il est reconnu qu’un voyage au Soudan suffit à enrichir son homme ; on y gagne cent pour cent. […] Il est vrai qu’il suffit de quelques journées de pluie abondante (le voyageur en fut témoin) pour transformer de vastes espaces, nus la veille, en pacages de la plus belle verdure.
L’Oaristys, qui n’est qu’une imitation directe, une traduction un peu libre, ne suffit pas à M. […] « Une expression d’un goût aussi moderne que celle de l’héréditaire éclat suffit sans doute, ajoute-t-il, pour détruire toute l’harmonie de la couleur antique. » Et il continue de raisonner en ce sens. […] il ne vous suffit pas qu’un poëte ait déjà subi ce premier retard, cette quarantaine obscure de vingt-cinq années de laquelle il est sorti jeune et encore très-contemporain ; vous voulez en plus lui en supposer, lui en imposer une seconde.
Bien mieux, il suffit qu’il exploite lui-même ou par un régisseur, pour que son indépendance originelle se communique à sa terre ; dès qu’il touche le sol, par lui-même ou par son commis, il en abrite quatre charrues, trois cents arpents, qui, dans les mains d’un autre, payeraient deux mille francs d’impôt, et en outre « les bois, les prairies, les vignes, les étangs, les terres encloses qui tiennent au château, de quelque étendue qu’elles soient ». […] Bien mieux, comme il emprunte pour y fournir, et que les décimes qu’il lève sur ses biens ne suffisent pas pour amortir le capital et servir les intérêts de sa dette, il a eu l’adresse de se faire allouer en outre par le roi et sur le trésor du roi, chaque année, 2 500 000 livres, en sorte qu’au lieu de payer il reçoit ; en 1787, il touche ainsi 1 500 000 livres. — Quant aux nobles, ne pouvant se réunir, avoir des représentants, agir par voie publique, ils ont agi par voie privée, auprès des ministres, des intendants, des subdélégués, des fermiers généraux et de toutes les personnes revêtues d’autorité ; on a pour leur qualité des égards, des ménagements, des complaisances. […] Cela ne suffit par pour que cet ordre soit nuisible ou même inutile.
Il arrive que la métaphore, dans cette extension spontanée, teint de sa couleur tout un groupe d’idées : elle devient alors indépendante, elle se suffit à elle-même, et le sens propre des mots qui sont assemblés dans la phrase et dérivent tous de la même image, contente l’esprit, en dehors de toute réflexion sur le sens figuré. […] Tout tient à tout ; tout peut se comparer à tout, il suffit d’un moment pour qu’un rapport inaperçu soit perçu et qu’il existe au moins dans l’esprit qui le perçoit. […] Mais cela ne suffit pas : si elle ne contenait rien de plus, elle serait inutile, et dans tous les arts, ce qui ne sert pas nuit ; ce qui n’est pas bon est mauvais.