que faut-il faire pour mériter le nom de poète : Chasser tout souvenir et fixer la pensée. […] Le présent est pour lui un moment de raison et, s’il prenait une réelle consistance, je crois que nous le partagerions entre le souvenir des jours révolus et l’attente de ceux qui ne sont pas encore, entre la crainte ou l’espérance et le regret en pleurs ou souriant. […] Cette beauté sévère, à peine plastique, mais qui se souvient et s’inspire de la nature, reste isolée dans notre littérature non pas précisément comme un but, mais comme une précieuse indication directrice. […] Je ne sais rien de plus beau que ce court poème de remords et de terreur où le souvenir, plongeant dans le passé et tremblant de se reconnaître dans l’avenir, éclate en prière. […] Ces souvenirs, va-t-il falloir les retuer ?
En vain les curieux impertinents sont là pour vous dire : « Mais prenez garde, il est peu probable que tous ces portraits soient ressemblants ; prenez garde, cette galerie est incomplète », ou encore : « À quoi bon vous amuser à étudier ces visages dont le nom même est effacé et qu’entoure, à peine, un lointain souvenir ? […] C’en était fait des plus vifs plaisirs du théâtre pour les hommes qui aimaient, d’une foi sincère, le beau langage, les nobles traditions, les vivants souvenirs. […] La critique se souvient par reconnaissance et par devoir, et quand une fois l’artiste est à l’abri de ses sévérités, elle ne se croit pas dispensée de le louer pour ses triomphes passés. […] Je donne ici, cette douce élégie, en souvenir de la patrie absente, et des coteaux dorés de Condrieux ! […] Afin que leur joie eût un long souvenir dans l’âme des pauvres gens, le roi et la reine avaient constitué une pension de douze cents livres sur la tête de chaque enfant, venu au monde le même jour que la princesse royale, et cette pension de douze cents livres, qui avait été la fortune de son enfance et de sa jeunesse, mademoiselle Mars l’a touchée jusqu’à la fin de ses jours.
Je me souviens, pour l’avoir vu faire sous mes yeux, du premier de ces bulletins et des moindres circonstances qui l’accompagnèrent. […] On avait, si l’on s’en souvient, un peu isolé le château et ménagé tout le long un petit jardin, une plate-forme fermée des grilles et de fossés. […] Qui de nous ne se souvient de ce dernier auquel l’oubli final peut-être vaudrait mieux ? […] J’y reviens avec plaisir, et j’insiste désormais sur cet ordre de services par lesquels il survivra aux souvenirs de sa génération et laissera un nom dans la science. […] Mais je veux résumer encore une fois, au moment de finir, mes souvenirs essentiels sur M.
Ce diplomate, dont on a les Mémoires, a consacré tout un intéressant chapitre à ses relations avec Talleyrand47 ; il y a inséré les réponses qu’il reçut de lui dans les dernières années, lorsque de temps en temps il jugeait à propos de se rappeler à son souvenir. […] L’âge où je suis arrivé est celui où l’on vit principalement dans ses souvenirs. […] « Mme de Dino, qui, pendant les quatre ans qu’elle a passés en Angleterre, a complété la croissance dont son esprit supérieur était susceptible, et qui la place au premier rang des personnes les plus distinguées, n’oublie que ce qui ne vaut pas la peine qu’on s’en souvienne : elle est flattée que son souvenir corresponde à celui qu’elle a toujours gardé de vous, et elle me charge de vous le dire. […] Veuillez en effet vous souvenir, récapitulez en idée la vie passée de Talleyrand, depuis son début sous Calonne, ou, si vous aimez mieux, depuis sa messe à la Fédération, ou encore depuis certain traité fructueux entamé avec le Portugal sous le Directoire, premier point de départ de sa nouvelle et soudaine opulence, et voyez où tout cela aboutit, à quels honneurs, à quels profonds témoignages de respect, et de la part des hommes les plus purs et les plus autorisés, les maîtres jurés en matière de moralité sociale. […] Il lui échappa de dire en plus d’une occasion : « Je sens que je devrais me mettre mieux avec l’Église. » On remarquait encore qu’il revenait plus volontiers sur ses souvenirs de première jeunesse et sur ses années de séminaire ; il ne craignait pas de les rappeler.
Penrose, s’il m’en souvient, s’est plaint de cette vie si pauvre, si condamnée à une fatigue que la dime toujours ne nourrissait pas. […] Si Lamartine se souvient d’une scène, d’un paysage qu’il ne peut revoir, il le reproduit, il le décrit avec abondance et limpidité, avec tendresse : ainsi Milly, ainsi son Lac, ainsi les souvenirs de Jocelyn. […] C’est un souvenir qu’a le poëte d’un site de la Clyde, qu’il a visité autrefois, et que quelque circonstance, dans son second voyage, l’empêche de revoir. […] Jocelyn n’est bien souvent que Lamartine à peine dépaysé, ayant légèrement romancé et poétisé ses souvenirs, ayant reporté de quelques années en arrière son berceau, comme cela plaît tant à l’imagination et au cœur ; car l’enfance d’ordinaire est si belle, si fraîche en nous de souvenirs, qu’on s’arrangerait volontiers pour avoir vécu homme durant ce temps.
Nous n’en ferons pas tout à fait une Jeanne d’Arc ni une Clorinde, non plus que nous n’écouterons Calvin, qui abuse du souvenir de cette aventure pour supposer qu’elle s’habillait continuellement en homme, et qu’elle était reçue dans ce costume chez Saconay, l’un des dignitaires de l’église de Lyon. […] Il eut beau faire, lui et ceux qui le copièrent : malgré l’injure des doctes qui voulurent transformer sa vie en une sorte de fabliau grivois, la belle Cordière resta populaire dans le public lyonnais ; la bonne tradition triompha, et quelque chose d’un intérêt vague et touchant continua de s’attacher à son souvenir, à sa rue, à sa maison, comme à Paris on l’a vu pour Héloïse. […] Après tant de vicissitudes contraires et tous ces excès apaisés, il survit de Louise Labé un fonds de souvenir plus vrai, plus doux. […] En prenant aujourd’hui parti, à la suite de plusieurs bons juges, pour sa vertu, ou du moins pour son élévation et sa générosité de cœur, nous ne craignons pas le sourire ; nous nous souvenons que des débats assez semblables se raniment encore après des siècles autour des noms d’Éléonore d’Este et de Marguerite de Navarre, et, pourvu que le pédantisme ne s’en mêle pas (comme cela s’est vu), de telles contestations agréables, qui font revivre dans le passé et qui se traitent en jouant, en valent bien d’autres plus pressantes. […] Ainsi, à la fin de son élégie première, elle se souvient de Tibulle qui dit (liv.