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264. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Ils réduisent l’état de conscience précédant le mouvement volontaire au souvenir antérieur de ce même mouvement et des sensations qui l’accompagnaient, et ils le conçoivent ainsi comme un état de conscience purement « représentatif ». Les souvenirs n’étant que des sensations affaiblies et renaissantes, la volition ne serait, en définitive, qu’un « complexus de sensations » ayant toutes une origine « périphérique ». […] Nous avons dit qu’un acte volontaire, du côté mental, suppose la représentation d’un mouvement déterminé et un désir de ce mouvement ; or on ne peut se représenter un mouvement déterminé dans tel membre que par le souvenir des sensations musculaires, tactiles, etc., qui se produisent pendant que ce membre est mû : nous accordons donc que toute volition enveloppe des souvenirs de sensations afférentes, qui représentent le point d’arrivée et même le chemin des cordons nerveux à partir du cerveau. […] Tantôt le mouvement se répandra surtout dans le cerveau, d’un centre à l’autre, de manière à réveiller des souvenirs de sensations, des idées composées de ces souvenirs, etc.

265. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Mais le vent passe dans les arbres, les feuilles sèches bruissent ironiquement, le cavalier reprend sa route et se souvient. […] Mais le poète avait traversé dans son enfance l’époque de l’invasion française ; des souvenirs de l’épopée napoléonienne lui restèrent toute sa vie ; les sympathies de sa race et de sa famille durent le porter du côté de la nation qui la première traita les Juifs humainement. […] Il semble que Heine, — et ce trait lui est commun avec d’autres, — ne peut subir qu’une seule affection, dont le mécanisme devenu prédominant et constamment dispos, a atrophié les autres ; tous les ébranlements transmis par ses sens, causés par ses souvenirs, sont réfléchis suivant un angle mystérieux vers le même point vif de son âme, aboutissent à une même et constante tristesse songeuse. […] Des visions l’obsèdent, de faibles rappels sonnent dans son souvenir ; un vague fantôme de femme reparaît ainsi, en quelques phrases obscures, à la fin de plusieurs chapitres des Reisebilder ; cette « Maria la morte », dont il croit entendre la « voix soyeuse » dans un vieux palais de Vérone, dont il retrouve le vague visage dans une galerie de très anciens portraits à Gênes : « Dans mon cœur vibrait le souvenir de Maria la morte. […] Mais peu à peu, devenu homme, le souvenir d’Israël cessa de le hanter.

266. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

(NdE) Souvenirs sur Guillaume Apollinairea André Germainb Qu’ils sont pauvres et modestes, mes souvenirs de Guillaume Apollinaire ! […] L’Atlante m’en voulut inonder, m’amenant d’un coup Careo et Apollinaire, Pour une modeste agape qui a laissé, je le crains, d’insuffisants souvenirs à notre parfait Tyrtéej de Montmartre, j’avais adjoint à tant d’inconnu, doux tempéraments, un poète suissek et un jeune peintre français qui revenait avec élégance du front où il avait reçu une blessure et trouvé envers les Hommes de la bonté fraternelle. […] Il a également écrit des romans et des souvenirs. […] Voir André Salmon, Souvenirs sans fin, op. cit. […] Salmon évoque ce duel dans ses Souvenirs sans fin, op. cit.

267. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Quoique placé depuis plusieurs années dans les rangs, sinon les plus illustres, du moins les plus laborieux, de l’opposition ; quoique dévoué et acquis, depuis qu’il avait âge d’homme, à toutes les idées de progrès, d’amélioration, de liberté ; quoique leur ayant donné peut-être quelques gages, et entre autres, précisément une année auparavant, à propos de cette même Marion de Lorme, il se souvint que, jeté à seize ans dans le monde littéraire par des passions politiques, ses premières opinions, c’est-à-dire ses premières illusions, avaient été royalistes et vendéennes ; il se souvint qu’il avait écrit une Ode du Sacre à une époque, il est vrai, où Charles X, roi populaire, disait aux acclamations de tous : Plus de censure ! […] L’auteur sent le besoin d’expliquer son absence à ceux qui veulent bien se souvenir de lui.

268. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Comme Callot, il a mis dans sa peinture ses souvenirs personnels, et il a raison. […] Les meilleures couleurs de nos palettes ne sont jamais que le sang qui coula de nos cœurs… Seulement, ce que je lui reproche, c’est de n’avoir pas assez de souvenirs. […] ce que je lui reproche, c’est de ne traîner jamais que le boulet, trop lourd et trop rivé, d’un seul souvenir personnel.

269. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

cette chimère du passé, des réalités la plus terriblement réelle, cette inévitable fatalité du souvenir que Manfred maudit, dans Byron, et qu’il appelle l’impossibilité d’oublier, voilà, malgré les tours de force du linguiste et les travaux de joaillier que Gramont exécute sur le rhythme, ce qui distingue ses poésies et communique un charme profond à ce recueil, qui est, on le sent à travers les ciselures passionnées du poète et de l’idolâtre matériel, un fragment rompu de la vie et non un livre de vers écrit seulement pour montrer qu’on sait faire des vers ! […] Gramont est un homme de race militaire, et la virilité de sa pensée donne souvent à l’accent de sa poésie quelque chose de stoïquement inconsolable, d’un effet très pénétrant et très nouveau… Sorti d’un père vendéen, ami de Talmont et de Charette, ce fiancé de l’épée, à qui l’épée a manqué, victime fière et pure de la fidélité du souvenir, nous dit dans ses Chants du Passé tous les veuvages de sa jeunesse : Je comptais retrouver cette épouse de fer  Que de ma destinée une erreur a disjointe. […] Seulement, autant, quand il reste le poète d’une cause et des traditions de son berceau, il est au-dessus de l’imitation et des reflets de la Renaissance et trouve sans la chercher cette forme qui n’est ni un vêtement, ni un ornement, mais la splendeur de la pensée à travers les mots qui la voilent et qui la révèlent, autant, quand le souvenir qu’il évoque tient à ces sentiments plus vulgaires que nous avons tous éprouvés, il retombe dans cette forme d’une époque trop admirée et que le progrès serait d’oublier.

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