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505. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

S’il n’y avait pas la vie qui fait l’école, à sa manière, et qui détruit souvent la leçon du romancier ; s’il n’y avait pas un peu de catéchisme, dont on se rappelle encore les questions quand les réponses sont oubliées ; s’il ne restait pas, dans l’air et la lumière de ce pays, un peu de sens commun qu’on respire malgré soi, que deviendrait un peuple enseigné de la sorte ? […] Tandis que nous écrivons, par une sorte d’instinct théâtral et de tradition, des chapitres qui gravitent tous autour d’une scène principale, un peu comme les actes d’une pièce dramatique ; tandis que nous faisons un livre très un et très serré, destiné à être lu sans arrêt, eux, ils écrivent une sorte de journal intime ; ils superposent les détails, sagement, posément, avec l’amour de l’heure présente qui ne connaît pas l’avenir, sans la même hâte vers le but, et ils songent aux misses qui parcourront vingt pages avant une course à cheval, au chasseur de renard qui revient au logis et qui a besoin d’une petite dose de lecture pour calmer la fièvre de ses veines, au commerçant de la Cité, à l’ouvrier anglais, libres avant le coucher du soleil, et qui prendront le livre et le poseront bientôt sur le coin du dressoir, heureux d’avoir trouvé l’occasion d’une larme ou d’un sourire qui n’étaient pas permis dans le travail du jour. […] disant : « L’art est un moyen d’union parmi les hommes, … une activité qui a pour but de transmettre d’homme à homme les sentiments les plus hauts de l’âme humaine. » De tout temps, de très grands artistes ont considéré de la sorte leur mission dans le monde. […] Quelques romans récents, comme le Désastre, ont élargi les cadres ordinaires et indiquent une sorte d’aspiration vers le drame national et l’épopée.

506. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Un pareil poëme ne pouvait être qu’une sorte de dithyrambe en action, où des pompes, des sacrifices, des tumultes entremêlés de chants et de discours, remplissaient le théâtre et ravissaient le peuple. […] Ce jeune Shelley, mélancolique ennemi d’une société où il était né heureux et riche, et où il vivait libre, ce poëte sceptique qui, sur le registre des moines hospitaliers du mont Saint-Bernard inscrivait ironiquement son nom de visiteur, en y ajoutant l’épithète Ἄθεος, dans son rêve du passé et sa folle anticipation de l’avenir, faisait, sous le titre antique de Promet fiée délivré, une sorte de dithyrambe pour l’âge de raison de Thomas Payne, vaine tentative méditée par des esprits faux, dès l’abord noyée dans le sang par des furieux, stérilement reprise par des plagiaires insensés, et dont l’apparente menace ne sert qu’au pouvoir absolu, qu’elle arme d’un prétexte étayé sur la peur publique ! […] Et c’était le Chœur des Bacchantes d’Euripide qui, dans le palais de Sapor, devait un jour mêler une sorte de délire poétique à la joie des barbares vainqueurs d’une armée romaine. […] Aussi les vignes, les jeunes figuiers et nos plantes de toutes sortes sont heureuses et riante tes du bonheur de te revoir. » Mais la plus libre, la plus singulière de ces effusions lyriques, est sans doute celle qui se mêle aux scènes fabuleuses de la comédie des Oiseaux. […] Mais toi qui fais si bien résonner sur la lyre les doux sons du printemps, commence pour nous des anapestes : « Ô vous, hommes, plongés dans les ténèbres de la vie, semblables à une génération de feuilles, êtres imbéciles, fange animée, foule insaisissable et pareille à une ombre, êtres éphémères sans plumes, misérables mortels, hommes qui ressemblez à des rêves, songez à nous, race immortelle, à nous, vivant toujours dans notre vie aérienne, exempte de vieillesse, contemplateurs des choses éternelles : et, de la sorte, ayant une fois appris de nous la vérité sur le monde céleste, connaissant à fond par moi l’essence des oiseaux, la filiation des dieux et des fleuves, de l’Érèbe et du Chaos, vous direz de ma part à Prodicus de désespérer du reste.

507. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Il semblera peut-être que ce soit venir bien tard aujourd’hui, et qu’il y ait peu de chose à ajouter aux hommages de plus d’une sorte qui lui ont été publiquement rendus. […] Ces mêmes années de Montmorency, qui lui semblaient peut-être un peu gênées lorsqu’il en prolongeait le cours, lui offrirent en s’éloignant, et lorsqu’il les revoyait du sein des orages, une sorte de perspective idéale de la paix abritée et du bonheur. […] Si on se demande pourquoi cet hommage si particulier à Fléchier, on y peut voir plusieurs sortes d’à-propos et de convenances, soit relativement à l’Académie de Nîmes qui avait couronné M. […] Avec toutes sortes de conditions et de réserves, il capitula. […] Pages vi et vii : il ne fait qu’énoncer en cet endroit et développer avec une sorte de complaisance l’opinion de Rulhière.

508. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Le xviie  siècle est dissous, une sorte de xvie  siècle recommence. […] Xavier de Maistre, qui aime et pratique lui-même la peinture, qui en poursuit jusqu’aux procédés et à la chimie, lut, à Naples où il était alors, les premiers livres de ce traité, et il envoya en présent à l’auteur une belle plaque d’encre de Chine avec toutes sortes de précieux témoignages. […] J’y vois une sorte de protestation modeste et de reprise en action contre les trop spirituelles impressions de voyage et les enjambées de nos grands auteurs, par quelqu’un du terroir, et qui, ayant beaucoup laissé dire, se décide à son tour à raconter. […] Ce jeune homme, même guéri de ses regrets, même heureux, ne devrait jamais, ce me semble, plaisanter de la sorte. […] Cela, me disais-je, ne peut se passer se maintenir de la sorte que dans un ordre de société où cette rapidité dévorante ou futile, cette banalité qu’on appelle la mode ou la gloire, n’a pas flétri et usé les vertus.

509. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Si vous regardez les paysans, vous ne trouvez pas non plus de vrais paysans ; rien de semblable à nos campagnards, sortes de fellahs, parents de la terre, défiants et incultes, séparés des citadins par un abîme. […] En effet, c’est ainsi que les choses se passent ; tous les jours des centaines de gens riches quittent Londres pour passer un jour à la campagne ; c’est qu’ils ont convocation pour les affaires de leur commune ou de leur Église ; il sont justices, overseers, présidents de toutes sortes de Sociétés, et gratuitement. […] C’est de cela qu’on lui parle dans les églises, en style grave et froid, avec une suite de raisonnements sensés et solides : comment un homme doit réfléchir sur ses devoirs, les noter un à un dans son esprit, se faire des principes, avoir une sorte de code intérieur librement consenti et fermement arrêté, auquel il rapporte toutes ses actions sans biaiser ni balancer ; comment ces principes peuvent s’enraciner par la pratique ; comment l’examen incessant, l’effort personnel, le redressement continu de soi-même par soi-même doivent asseoir lentement notre volonté dans la droiture : ce sont là les questions qui, avec une multitude d’exemples, de preuves, d’appels à l’expérience journalière1331, reviennent dans toutes les chaires, pour développer dans l’homme la réforme volontaire, la surveillance et l’empire de soi-même, l’habitude de se contraindre, et une sorte de stoïcisme moderne presque aussi noble que l’ancien. […] Ce n’est plus un ami de cœur à qui l’on confie ses menus désirs, ses petites peines, une sorte de directeur affectueux et tout humain ; ce n’est plus un roi dont on essaye de gagner les parents ou les courtisans, et de qui on espère des grâces ou des places : on ne voit en lui que le gardien du devoir, et on ne lui parle pas d’autre chose. […] Aujourd’hui que les grandes violences historiques, j’entends les destructions et les asservissements de peuples, sont devenus presque impraticables, chaque nation peut développer sa vie suivant sa conception de la vie ; les hasards d’une guerre ou d’une invention n’ont de prise que sur les détails ; seules, maintenant, les inclinations et les aptitudes nationales dessinent les grands traits de l’histoire nationale ; lorsque vingt-cinq millions d’hommes conçoivent d’une certaine façon le bien et l’utile, c’est cette sorte de bien et d’utile qu’ils recherchent et finissent par atteindre.

510. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Wundt ne s’est pas demandé si, au lieu de ramener l’effroi à une sorte de surprise, on ne pourrait pas ramener la surprise à une sorte d’effroi. […] Chez les animaux supérieurs, sortes d’états très centralisés, la concentration de la conscience dans la tête ne fait qu’obscurcir le rudiment de sensibilité qui doit subsister encore dans les autres parties. […] Le chat, moins expansif, se contente de manifester son affection par un besoin de frottement et de contact, accompagné d’une sorte de tension électrique des muscles. […] Les mouvements expressifs, associés entre eux selon les lois que nous avons passées en revue, finissent par se fixer et par laisser des traces non seulement dans les attitudes passagères, mais dans cette sorte d’attitude permanente qui est la forme des traits. […] Par une sorte de réponse ou de choc en retour l’émotion de notre voisin nous est revenue.

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