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587. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Car, que pouvons-nous rêver de supérieur à la beauté de l’homme et de la femme, à celle de la nature ou à l’éclat du soleil  ? […] Ici le grand Apelle, heureux dès avant nous, De sa vision même est devenu l’époux ; L’Aube est d’Angelico la sœur chaste et divine ; Raphaël est baisé par la Grâce à genoux, Léonard la contemple et, pensif, la devine ; Le Corrège ici nage en un matin nacré, Rubens en un midi qui flamboie à son gré ; Ravi, le Titien parle au soleil qui sombre Dans un lit somptueux d’or brûlant et pourpré Que Rembrandt ébloui voit lutter avec l’ombre ; Le Poussin et Ruysdaël se repaissent les yeux De nobles frondaisons, de ciels délicieux, De cascades d’eau vive aux diamants pareilles ; Et tous goûtent le Beau, seulement soucieux, Le possédant fixé, d’en sentir les merveilles. […] Soleil !

588. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Nous ne voyons pas les rayons du soleil se jouer sur les feuilles dans un jour nébuleux, et cependant ce sont ces rayons qui rendent les feuilles et les autres objets visibles. Il y a une illumination générale venant du soleil et des étoiles ; mais nous y prenons rarement garde, parce que notre attention s’attache aux objets illuminés, plus brillants ou moins brillants que ce jour général. […] L’éclat plus grand du soleil peut rendre inappréciable la lumière stellaire, mais elle n’empêche pas son action.

589. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

dans une de ces chambres de domestiques, où le soleil, donnant sur une tabatière, fait l’air brûlant comme en une serre chaude, et où il y a si peu de place, que le médecin est obligé de poser son chapeau sur le lit… Nous avons lutté jusqu’au bout pour la garder, à la fin il a fallu se décider à la laisser partir. […] Par une porte ouverte derrière moi, d’une petite pièce où le soleil donne en plein, il m’arrive des caquetages de sœurs et d’enfants, de jeunes joies, de bons petits éclats de rire, toutes sortes de notes et de vocalisations fraîches : un bruit de volière ensoleillée… Des sœurs en blanc, à coiffe noire, passent et repassent ; une s’arrête devant ma chaise. […] Deux ou trois mois avant la mort de mon frère, à la sortie de l’établissement hydrothérapique de Beni-Barde, tous deux nous faisions notre promenade de tous les matins, au soleil, dans une certaine allée du bois de Boulogne, où je ne repasse plus, — une promenade silencieuse, comme il s’en fait, en ces moments de la vie, entre gens qui s’aiment et se cachent l’un à l’autre leur triste pensée fixe.

590. (1886) Le naturalisme

Les romantiques qui venaient ouvrir de nouvelles voies, mettre en culture des terrains vierges, arrivaient aussi à propos qu’une pluie longtemps désirée sur la terre desséchée par les ardeurs du soleil. […] Aux érudits d’en décider : ce qui est certain, c’est que le soleil de l’Ibérie échauffa sa cervelle, le soleil qui brûlait la tête d’Alonzo Quijano errant dans les plaines brûlantes de la Manche ; c’est que son interminable postérité, nombreuse comme les rejetons de l’olivier, poussa dans le champ des lettres espagnoles. […] Ils ne se sont point envolés comme de resplendissants papillons, caressés par le soleil de l’imagination de l’auteur. […] Parfois, dans ses bosquets andalous, brillent ces soleils du Midi, que Fortuny mit dans ses tableaux. […] Plutôt qu’un romancier, ce fut un humoriste caustique, spirituel et riant comme le sont toujours les humoristes dans les pays chauffés par le soleil.

591. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Voilà un homme qui, en naissant, a respiré du soleil, de la gaieté, de la bonne humeur. […] Leur brillant génie ne jette qu’un éclat froid et mort, comme une neige illuminée par un soleil d’hiver. […] Un après-midi de soleil, accordé par miracle à notre oisiveté par la tristesse d’un automne morose, nous permit de nous asseoir en un petit bois, près d’un étang. […] Ce jour-là, un soleil de fête rayonnait au ciel et répandait sur la ville une tiédeur par qui les âmes étaient adoucies et amollies. […] Il fait bon, dans cette ombre fraîche et ces parfums, sous le tiède soleil qui fait pleuvoir, à travers les branches, des flèches d’or.

592. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il est dur de naître en cette contrée ; le ciel est si froid qu’au mois de juillet, à Glasgow, par un beau soleil, je n’avais pas trop de mon manteau. […] Sans doute il ne se vantait pas de ces débordements, il s’en repentait plutôt ; mais pour l’essor et l’épanouissement de la libre vie poétique au grand soleil, il n’y voyait rien à redire. […] Voilà le monde tout moderne et réel, illuminé par le lointain soleil couchant de la chevalerie, que Walter Scott a découvert, comme un peintre qui, au sortir des grands tableaux d’apparat, aperçoit un intérêt et une beauté dans les maisons bourgeoises de quelque bicoque provinciale, ou dans une ferme encadrée par ses carrés de betteraves et de navets. […] Un nuage, une plante, un lever de soleil, ce sont là ses personnages ; c’étaient ceux des poëtes primitifs, lorsqu’ils prenaient l’éclair pour un oiseau de flamme et les nuages pour les troupeaux du ciel. […] Et les sentiers sinueux de gazon et de mousse — qui menaient dans le jardin en long et en travers, —  quelques-uns ouverts à la fois au soleil et à la brise, —  d’autres perdus parmi des berceaux d’arbres en fleur.

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