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580. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Quant à moi, si j’avais un article à écrire à propos d’une séance pareille, il me semble que les lois les plus simples et les plus naturelles de la rhétorique me diraient de commencer par mettre le lecteur au fait, de lui expliquer brièvement l’état de la question et le rôle des orateurs, de le faire par ordre et avec suite pour en venir après à discuter à fond l’objet du débat et à apprécier, à juger les différentes opinions en présence. […] Car tous ces considérants subtils qui ont partagé et mis à la torture l’esprit des juges eux-mêmes pourraient se résumer dans cet avis bien simple : « Messieurs les écrivains, vous ne ferez pas trop bien votre premier Paris, de peur qu’on ne lise que cela. » Je le dis comme je le sens, messieurs, c’est petit, c’est mesquin, et j’ajouterai : c’est inutile. […] On sait les craintes, les obstacles qu’on s’exagérait peut-être, les péripéties du débat, l’éclat de l’éloquence qui y fut déployée, la joie qui suivit le succès : il y eut un moment où l’on crut réellement (et dans cette supposition je me place en dehors du Sénat, et je me tiens avec le simple public), — où l’on crut tout de bon qu’on entrait à pleines voiles dans un second bassin politique, dans la seconde période toute libérale de l’Empire. […] Aujourd’hui, vous voulez plus encore, vous prétendez interdire et supprimer les simples bruits qui vous importunent. […] On a tout dit sur la presse en bien ou en mal ; on peut, dans un sens ou dans un autre, s’étendre là-dessus à l’infini : je ne ferai qu’une simple observation qui a son à propos.

581. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Il a lu Voltaire, Diderot, Rousseau, l’Encyclopédie : voilà d’où il tire toutes ses idées, par un très simple procédé de conversion : il tourne leurs affirmations en négations, et inversement. […] Il est curieux de les comparer aux parties de l’Itinéraire qu’ils emploient ; on préférera souvent le style simple des impressions de voyage aux beautés écrites du roman. […] Chateaubriand s’y donne le plaisir de noircir dramatiquement les émotions de sa jeunesse : d’une amitié fraternelle, toute simple, innocente et commune, encore qu’ardente et nerveuse, il fait un gros amour incestueux ; il donne à René, masque transparent de lui-même, le fastueux et malsain prestige de la passion coupable, contre nature, et il invente la sublimité poétique des monstruosités morales658. […] Ouvrons cet admirable sixième livre : « Plusieurs fois, pendant les longues nuits de l’automne, je me suis trouvé seul, placé en sentinelle, comme un simple soldat, aux avant-postes de l’armée. […] Il a offert sa phrase artiste, harmonieuse, expressive, simple, tantôt nerveuse, tantôt onduleuse, tantôt large et calme ; et sa prose a fait entendre ce que pouvaient être des vers.

582. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Il s’honore lui-même d’être le simple lieutenant des poètes ses aînés ; il s’incline en disciple fervent devant MM.  […] Catulle Mendès est un poète toujours ; il n’est jamais plus poète que si, dans l’expression d’une délicate pensée ou d’un sentiment héroïque, il consent à être simple. […] Mais quelque lassitude se mêle à cette ivresse quasi physique ; et après toute cette débauche de gentillesses fondantes, de strophes musquées, d’odelettes glacées à la framboise, on aspire violemment après le verre d’eau pure d’une simple émotion. […] Je me l’imaginais claustré, ainsi qu’un simple Fils du Ciel, au fond d’un farouche lyrisme, où il vivait, muet solitaire, refusé aux regards des profanes ; — car je ne doutais pas qu’il se tînt à l’écart de la conversation des hommes, faite, selon moi, pour écœurer de nausées son absolutisme hautain de chantre éternellement visité par la Muse. […] ce n’est rien, c’est très simple, mais il fallait s’en aviser.

583. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Parmi les auteurs de Mémoires, il faut noter les deux frères Du Bellay, famille d’excellents esprits, vivant dans les grandes affaires de la première moitié du siècle et, qui les racontent, l’un dans de simples Mémoires, à la façon des chroniqueurs ses devanciers155, l’autre dans des histoires un peu fastueusement taillées sur le patron de Tite-Live, avec une certaine ambition pédantesque qui dans ce temps-là n’était pas d’un mauvais exemple156 : le Loyal serviteur, un inconnu, peut-être un des secrétaires de Bayard dont il a raconté la vie dans une chronique pleine de grâce, de facilité et de naturel, où l’admiration, au lieu d’être banale, comme dans Froissart, est toujours sentie et justifiée ; petit ouvrage charmant, du même caractère que les écrits de Marguerite de Valois, un fruit de l’esprit français touché par le premier souffle de la Renaissance157. Viennent ensuite la nièce même de cette princesse, la seconde Marguerite de Valois fille de Henri II et femme de Henri IV, auteur de quelques pages de Mémoires que l’Académie française, par un jugement où il entrait peut-être de la galanterie, regardait comme le modèle de la prose au xvie  siècle158 ; le cardinal d’Ossat, ambassadeur de Henri IV près la cour de Rome, esprit pénétrant, simple et droit, qui expose au roi son maître, d’un style abondant et ferme, toute sa négociation relative à certains projets politiques de Henri IV, et notamment à l’affaire de l’abjuration 159 ; Brantôme, dont la curiosité ne se renferme pas dans les choses de son temps et de son pays ; qui recueille çà et là dans les livres et dans les ouï-dire les matériaux de sa chronique scandaleuse ; du reste, dans ce goût peu honorable pour les immondices de l’histoire, plein de sens, de finesse et d’excellent style, et plus à blâmer peut-être pour avoir eu la plus malhonnête curiosité dans un siècle si curieux, celle des musées secrets, que pour avoir exploité de propos délibéré la corruption de son temps160 ; le maréchal de Montluc, dont Henri IV appelait les Mémoires la Bible des soldats, jugement qui peint le livre161. […] Beaucoup d’âmes simples le croyaient. […] Cet homme, si profondément chrétien, qui était chanoine et voulait être chartreux, ayant, pour ainsi dire sous la main une doctrine qui règle toutes choses d’une manière si simple, qui ne laisse aucune objection sans réponse, aucune contradiction sans l’expliquer, demandait à cette sagesse, dont Montaigne venait de lui faire voir si clairement les obscurités et les misères, une règle dont l’imperfection avait été la thèse même du livre des Essais. […] Ce furent d’abord de simples lettres de direction écrites par le saint évêque à une dame de ses parentes.

584. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Cette littérature, fondamentalement Wagnérienne, est née, où réellement vit une pleine sensation de l’être, — où, dans les mots, des visions tout plastiques éclatent, ces musiques sonnent, — où, obsédé d’images, obsédé de sonorités, et décrivant littérairement, le poète a senti son idée vue, et en a oui les harmoniques accordances, — où flottent, étrangement, à travers les rayonnements et les enchantements des phrases, les paysages et les mélodies que le Wagner de l’avenir aurait dites en dessins et en orchestrations : une littérature Wagnérienne, cette littérature, absolument suggestive, — moins simple, moins précise, moins large, moins grandiose que l’art de Wagner, — plus hermétique ! Telles, les pensées qui me revinrent, lorsque j’eus lu l’effarant poème en prose d’Akedysseril, — une histoire simple, très humaine et philosophique, une œuvre de Réel Rêve comme Tristan, — et qu’il faut, ici, saluer, œuvre Wagnérienne, — non que l’auteur ait songé, l’écrivant, un rapport aux poèmes de Wagner, — mais parce que, suivant, consciemment ou inconsciemment, la voie ouverte par notre Maître, — le comte de Villiers de l’Isle-Adam, en cette éblouissante merveille, nous a donné les émotions d’apparitions et de musiques mystiquement idéales, et vraies, par lui vécues. […] Une simple adjonction orchestrale change du tout au tout, annulant son principe même, l’ancien théâtre ; et c’est comme strictement allégorique, que l’acte scénique maintenant, vide et abstrait en soi, impersonnel, a besoin, pour s’ébranler avec vraisemblance, de l’emploi du vivifiant effluve qu’épand la Musique. […] Or, il avait créé le Drame, complet et vrai : complet, par la cohésion des trois dernières et essentielles formes expressives, littéraire, plastique et musicale ; vrai, par la réaliste description d’une action idéale, par la description naturelle et exacte d’une humaine action, abstraite en un mythe ; aux Œuvres il avait donné un Théâtre de représentation ; ce Théâtre était lieu de création artistique, non d’amusement : le Théâtre est éloigné et isolé ; la salle est annulée ; la représentation scénique, seule, est considérable ; les Œuvres étaient des Révélations, et le Théâtre était un Temple : les Œuvres, —Tristan, la Tétralogie, et Parsifal, — tout réalistes en leur forme, — ont un sens idéal, une signifiance profonde, et, en leurs peintures simples, tenacement conformes, et crûment vraies, elles sont, aussi, des symboles de cette Religion de la Compassion, le Mittleîd de ce Néo-Christianisme ; — et le Théâtre est pour cette révélation : à de rares époques fériées, solennellement, le Théâtre est ouvert, et, dans un ordonnement implicite et absolu de piété, se dévoile la splendeur du rite. Ainsi naissait pour cette Œuvre et ce Théâtre, un Public, le Public du Pur et Simple, du Parsifal qui, seul, peut, lorsque les autres la méconnaissent, connaître la Cène ; et, aujourd’hui, après le Maître, l’Association Wagnérienne, par ses propagandes, ses enseignements, son assistance à Bayreuth, s’efforce vers ce même but, la formation du Public Wagnérien.

585. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Manzoni pouvait craindre pour cette science de son cher historien du stoïcisme qu’elle ne fût un obstacle à ce qui est surtout révélé aux petits et aux simples. […] Dans la tragédie en particulier, quel art insensible pour concilier le simple et le noble, l’expression libre, naturelle, par moments familière, et l’expression idéale ! […] L’homme de goût, l’homme délicat et sensible se retrouvait jusque dans l’érudit en quête du fond et dans l’investigateur des mœurs simples. […] Il se méfiait un peu du goût de Beyle ; il eut regret, à la réflexion, de songer que sa chère et simple histoire, à laquelle il tenait plus qu’il n’osait dire, allait être employée dans un but étranger et probablement travestie. […] Scène touchante, dont l’idée seule fait sourire, et qui était digne de ces esprits, de ces cœurs vraiment antiques et simples !

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