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697. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Silence et bruit lointain, gloire en plein régnante et perspective d’un mausolée, confins du siècle orageux et d’une retraite ensevelie, le lieu de la scène était bien trouvé. […] Celui qui fut tour à tour René, Chactas, Aben-Hamet, Eudore, l’Homère du jeune siècle, il était là, écoutant les erreurs de son Odyssée. […] Mais quoique la destinée de M. de Chateaubriand, depuis l’année où elle apparaît avec le siècle sur l’horizon, se manifeste, s’explique et resplendisse d’elle-même suffisamment, il y a bien des endroits inégaux, des transitions qui manquent, des effets dont les causes se doivent rechercher. […] Béranger se vante d’être du peuple, M. de Chateaubriand revendique les anciens comtes de Bretagne ; mais tous les deux se rencontrent dans l’idée du siècle, dans la république future, et ils se tendent la main.  […] Le mal du solitaire René, en retranchant même ce qui a été de contagion et d’imitation, est assez endémique en ce siècle ; la famille est nombreuse, je le crois, qui l’invoque tout bas comme l’aîné des siens.

698. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Un peu d’argent qui lui arrive de sa famille, des travaux de librairie, des traductions le sauvent, le font vivoter, pendant qu’il compose et fait imprimer son confus et indigeste Essai sur les Révolutions : c’est alors, et pour cet ouvrage qu’il complète son instruction ; il lit les historiens de l’antiquité ; surtout il se nourrit de Rousseau, de Montesquieu, de Voltaire : il a encore l’esprit du siècle qui finit. […] Car le premier, avec éclat, il a signalé l’orientation nouvelle du siècle qui commençait. […] Le christianisme était associé depuis un siècle à des idées ridicules, grossières, odieuses : le nouveau livre l’associait à des idées touchantes, grandioses, vénérables. […] Un siècle a passé, et même dans le christianisme, surtout dans le christianisme, le chef-d’œuvre de Chateaubriand ne compte plus. […] Il y a dans la conception même des Martyrs et des Natchez l’idée d’une Légende des siècles, et V.

699. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Il parle quelque part des gens qui, de son temps, notaient des offenses à Dieu et au roi dans ses follastries joyeuses, et qui « interprètent, dit-il, ce que, à poine (sous peine) de mille foys mourir, si autant possible estoyt ne vouldroys avoir pensé comme qui · pain interprète pierre ; poisson, serpent ; oeuf, scorpion. » Nul doute que Rabelais n’ait eu en vue les hommes et les abus de son temps, et que, s’il a songé à son amusement, ses contemporains n’en aient fait les frais mais qu’il y a loin de là à faire la guerre à outrance à son siècle, comme l’a dit je ne sais lequel de ses Œdipe ! […] Or, c’est proprement la part de la Renaissance dans l’ouvrage de Rabelais ; ce sont toutes ces vérités générales sur l’homme, sur la société, et, comme dit Rabelais, sur l’état politique et sur la vie économique ; ce sont mille traits de lumière sur notre nature, qui jaillissent du milieu de cette ivresse, comme ce bon sens de hasard qui échappe aux gens pris de vin ; ce sont mille perles semées dans ce fumier, et dont trois siècles n’ont pas encore terni l’éclat. […] Voilà trois siècles que nous voyons au milieu de nous bon nombre des personnages qu’il a créés, et que nous nous reconnaissons dans les deux principaux, Pantagruel et Panurge : l’un le type du bon relatif, plutôt que de la perfection romanesque ; l’autre le type du médiocre plutôt que du mal, et à cause de cela pas plus haïssable que l’autre n’est admirable. […] Qu’est-ce autre chose que cet esprit français déjà antique, dont nous avons vu les traits dans Jean de Meung, dans les Fabliaux, dans Villon, et, au commencement de ce siècle, dans Marot ; esprit vivace comme le sol, qui recevra la forte éducation de l’antiquité sans perdre de son naturel et de son air gaulois, et qui se perfectionnera avec les mœurs, son objet et sa matière ? […] Quoi qu’il en soit, l’influence d’un tel esprit dut être grande sur les contemporains et sur les deux siècles qui ont suivi.

700. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Il est hors de doute qu’en ce point, comme en beaucoup d’autres, mes principes cléricaux, conservés dans le siècle, m’ont nui aux yeux du monde. […] Ayant ainsi préféré par instinct tous à quelques-uns, j’ai eu la sympathie de mon, siècle, même de mes adversaires, et cependant peu d’amis. […] Si les gens de goût me reprochent de m’être montré fils de mon siècle en prétendant ne pas l’être, je les prie d’être bien persuadés au moins que cela ne m’arrivera plus. […] Mon siècle et mon pays ont eu pour moi bien plus d’indulgence. […] Le siècle où j’ai vécu n’aura probablement pas été le plus grand, mais il sera tenu sans doute pour le plus amusant des siècles.

701. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Un fait dominant a frappé son esprit, dans l’histoire des diverses nations depuis plusieurs siècles. […] Lui a-t-elle semblé devoir engendrer avec les siècles un ordre de choses devant lequel pâliraient les puissances et les gloires du passé, et qui serait un âge d’or incomparable pour le genre humain ? […] s’écrie-t-il… Tous les siècles ont-ils ressemblé au nôtre ? 

702. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

L’objet, le don, le goût de l’observation psychologique s’évanouissent également ; et cette connaissance de l’homme qui avait fait l’intérêt de la tragédie au siècle précédent disparaît sans laisser de traces. […] Le grand mérite de Voltaire, d’où découle son incomparable supériorité sur tout son siècle, c’est d’avoir compris la tragédie. […] Toutes les races et tous les siècles sont représentés dans son théâtre.

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