Les syllabes finales des mots qui se font mieux sentir que les autres à cause du repos dont elles sont ordinairement suivies, sont generalement parlant plus sonores et plus variées en latin qu’en françois. […] l’amitié abandonnée, la fierté opulente, l’ennemi idolâtre. nous sentons si bien que la collision du son de ces voyelles qui s’entrechoquent est desagréable dans la prononciation, que les regles de notre poësie défendent aujourd’hui la combinaison de pareils mots. […] Or si ces suites durent trop long-temps, elles empêchent qu’on ne sente aucun rithme dans la prononciation des vers. […] D’ailleurs on ne le sent presque pas sur le théatre, qui est l’endroit où ils brillent davantage, parce que les acteurs qui enjambent presque toûjours sur le vers suivant avant que de reprendre haleine, ou qui la reprennent avant que d’avoir fini le vers, empêchent qu’on ne sente le vice de la cadence trop uniforme. […] Le lecteur qui se donnera la peine de prononcer tout haut ces vers de l’abbé De Chaulieu, sentira bien que le rithme qui tient l’oreille dans une attention continuelle, et que l’harmonie qui rend cette attention agréable, et qui acheve pour ainsi dire d’asservir l’oreille, font bien un autre effet que la richesse des rimes.
Il n’en raisonne pas subtilement ; il la sent, il en est ému comme les enfants. […] Je ne sache que ce grand écrivain chez qui l’on ne sente jamais, quelque matière qu’il traite, le tâtonnement ni l’effort. […] A peine y eut-il mis la main qu’il sentit le plan s’étendre, et qu’il résolut de faire un ouvrage de ce qui ne devait être qu’une préface. […] On sent combien, malgré leurs différences, les deux doctrines sont près de se toucher. […] On sent, dans sa controverse, ce désir de plaire, même à ses laquais, dont parle Saint-Simon.
L’homme qui se sent étudié se dérobe. […] Aussitôt il se sent pris dans un mouvement rythmique qui l’entraîne. […] On sent qu’il y a quelque chose là. […] C’est alors seulement qu’on en sentira le prix. […] Mais est-il si désagréable de se sentir en pleine convention ?
Ils ont été pensés et sentis par-dedans, comme pensait et sentait Mérimée. […] Il sent la vitalité spirituelle s’anémier en lui. […] On sent tout de même de pareils livres factices par un point. […] Partout il a senti le faux semblant, l’imposture, le vide. […] C’est une vérité vivante, qu’il faut sentir en même temps qu’on la comprend.
Il commença d’une voix émue d’abord, mais surtout d’un accent rouillé, à lire un discours dont chaque phrase sentait la lampe, un discours à effets oratoires, tissu de compliments empesés, de précautions devenues inutiles, d’allusions devenues obscures ; rien ne s’y détachait bien nettement. […] Des morceaux qu’il a publiés sous les auspices de ces maîtres, et qu’ils ont couronnés, je préférerais l’Éloge de La Bruyère, qu’on relit avec plaisir et avec fruit : l’Éloge de Corneille, tant vanté, sent trop le rhétoricien encore ; l’Éloge de Montaigne accuse déjà un esprit fatigué, l’étouffement commence. […] Quant à l’Oraison funèbre du maréchal Bessières, qui fut demandée à l’auteur par Napoléon, et qui ne put être prononcée à cause des événements, l’éditeur nous dit en produisant aujourd’hui jusqu’aux variantes du morceau : « Je laisse aux lecteurs qui ont senti l’élévation de Bossuet et la profondeur de Tacite, le soin d’indiquer le rang où l’on doit placer Victorin Fabre. » Mais les lecteurs ne s’aviseront pas de donner le moins du monde dans ces rapprochements : l’oraison funèbre de Fabre est trop évidemment une copie, presque un pastiche de celles du grand Condé ou de Turenne.
On sent qu’il se hausse, pour ainsi dire, jusqu’à Tacite, et cet effort d’impuissance choque encoiti plus le lecteur que la résignation modeste du bonhomme Dotteville. […] Qu’on essaie pourtant de traduire, et l’on sentira confusément qu’il y a, malgré la difficulté extrême de les saisir, bien des tours français répondant à ceux de l’historien latin, et que la traduction d’une phrase de Cicéron ou de Tite-Live, si elle est plus facile à commencer, est aussi plus difficile à finir. […] En examinant sous le rapport du style ce premier livre des Histoires, traduit par l’illustre auteur, nous l’avons trouvé plus digne qu’on ne croit de Tacite et de lui, par le ton libre et ferme qui y respire, et je ne sais quelle séve de grand écrivain qui y circule ; on sent qu’il y traite son émule d’égal à égal, et que même, au besoin, il s’inquiète assez peu de le brusquer.