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1084. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Le caractère normal d’une chose et les sentiments d’éloignement qu’elle inspire peuvent même être solidaires. […] Seulement, comme c’est malgré lui, pour ainsi dire, qu’il est rendu inoffensif, les sentiments d’aversion dont il est l’objet ne laissent pas d’être fondés.

1085. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Hasard heureux quand ces formes sont reproduites avec le double sentiment de l’exactitude et de la vie, et quand ces ouvrages qu’on réimprime sont choisis avec discernement ! […] Il ne l’a pas, il ne la crée jamais, même quand il se plaint, quand il blâme ou s’indigne, quand ses sentiments sont le plus remués par ce qu’il voit.

1086. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Baudelaire est moins l’épanchement d’un sentiment individuel qu’une ferme conception de son esprit. […] Tout le monde écrit bien parce que tout le monde sait lire, et que, depuis trois cents ans que l’on imprime, bon nombre de sentiments et de nuances de sentiments ont été exprimés par de grands écrivains. […] De sorte qu’à force d’exprimer ses propres sentiments avec le langage des maîtres, on arrive à penser à leurs frais et finalement à ne plus penser du tout. […] Depuis que les mamans ont inventé qu’on ne pouvait plus conduire sa fille à l’Exposition, le commun des peintres a abandonné l’étude du nu pour s’adonner à des tricheries de costume, à des hypocrisies de sentiment bien autrement corruptrices que l’aspect de la nature vraie. […] N’avons-nous pas vu récemment un écrivain religieux d’un grand zèle tenter « s’il ne serait pas possible de composer un roman avec des personnages, des sentiments et un langage chrétiens3 » ?

1087. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Mais je n’en dirai pas davantage là-dessus, et, en définitive, je ne sais pas sûrement les sentiments de La Fontaine à l’égard de son éducation à lui-même. […] Et, d’autre part, l’homme qui, avec Molière, a eu le moins le sentiment religieux à travers tout le dix-septième siècle, cet homme a songé, à un moment donné, à la prêtrise et est entré à l’Oratoire. […] Comme nous nous sommes demandé ce que La Fontaine a gardé de souvenirs relativement à sa vie de collège, nous pouvons nous demander quels sentiments ou quels ressentiments il a gardés de sa femme. […] Je me suis souvent dit que les hommes qui ont inauguré cette méthode de critique, qui consiste à tout connaître et à tout faire connaître de la biographie des hommes illustres, obéissent peut-être à un autre sentiment, qui serait celui de la malignité humaine. Ils se seraient dit : « Quelque grand que soit cet homme, si nous étudions sa vie, nous le ferons petit. » Il y a eu probablement ce sentiment chez ceux qui ont inauguré cette méthode.

1088. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Ils éteignirent en eux le sentiment humain. […] Il a voulu replacer sous les yeux du public un livre dont le public indifférent s’était détourné quand il parut, et tenter de nouveau, en faveur d’un chef-d’œuvre de sentiment et de langage, cette fortune des livres, incompréhensible comme toutes les fortunes. […] Dans ces Contes, Balzac est donc supérieur, par la continuité du sentiment et le naturel de l’expression, à ce qu’il est dans La Comédie humaine. […] de bien interpréter son texte et d’ajouter à la pensée de Balzac un sentiment très individuel. […] Le sentiment chrétien pénètre cette généreuse nature, apte à recevoir dans son giron tout ce qui est noble, chaste et grand, ce bon génie aussi chaud et aussi délicat qu’un bon cœur !

1089. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Car, par-delà cette sympathie universelle qui range tout homme du côté des opprimés, il y a le sentiment religieux qui fermente. […] Comment le vrai sentiment religieux a-t-il pu s’accommoder d’allures si mondaines et si franches ? […] Nulle culture ici, nulle philosophie, nul sentiment de la beauté harmonieuse et païenne. […] Comment les sentiments ordinaires, les jugements journaliers et naturels sur le bonheur et le plaisir subsisteraient-ils devant une conception pareille ? […] Devant le sentiment du sublime, les inégalités se nivellent.

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