Ce qui les fait poëtes, c’est l’afflux violent des sensations ; ils ont une machine nerveuse plus sensible que la nôtre ; les objets qui nous laissent froids les secouent subitement hors d’eux-mêmes. […] Il regarde et rêve : une fraîche paysanne avec son panier au bras, une charrue lointaine qui avance lentement derrière l’attelage en sueur, une source luisante qui polit les cailloux bleuâtres, en voilà assez pour le remplir de sensations et de pensées. […] C’est ma sensation qui est poétique, c’est elle que je dois respecter, comme la fleur la plus précieuse de la beauté. […] Il n’insiste pas sur ses idées, comme les classiques, pour les mettre en relief et en saillie par des répétitions et des antithèses ; il note sa sensation, et puis c’est tout. […] Il n’y a que trois ou quatre événements en chacun de nous qui vaillent la peine d’être contés ; nos puissantes sensations méritent d’être montrées, parce qu’elles résument tout notre être, mais non les petits effets des petits ébranlements qui nous traversent et les oscillations imperceptibles de notre état quotidien.
Tout en se livrant à son travail, ils’attend, dit-il, à de nouvelles calomnies, à de nouvelles persécutions ; il en a besoin ; il a, si je puis dire, la sensation intellectuelle ardente. […] « C’est à peu près, dit-il, la seule consolation de ce monde : quand les hommes vous maudissent, c’est alors que Dieu vous bénit. » Il a besoin, je l’ai dit, de sensations intellectuelles aiguës ; cette ardeur effrénée et cette surexcitation que d’autres, poètes surtout et artistes, ont portée dans les jouissances sensuelles, il la porte, lui, dans les systèmes philosophiques et politiques.
. — Et tout d’abord je voudrais être peintre et paysagiste comme lui pour savoir décrire les Ardennes et ce qu’il a pu devoir de sensations d’enfance, continues et profondes, à ce grand paysage des forêts. […] La science, la campagne et la nature solitaire ont, en revanche, agi puissamment sur lui, et il leur a dû ses sensations les plus contrastées, les plus vives.
Les jeunes ouvrières qui lisent les romans à très bon marché ne sont capables que de l’enthousiasme du premier moment, que de ce que j’ai appelé l’abandonnement ; le second moment n’existe que pour ceux qui sont plus âgés et qui sont doués d’une certaine faculté d’observation et de mémoire ; mais ceux-ci goûtent des plaisirs beaucoup plus vifs, étant encore capables de s’abandonner, l’étant surtout de comparer le roman à la vie et d’éprouver des sensations d’admiration très vive quand ils estiment que le roman a copié la vie avec sûreté ou plutôt l’a déformée de manière à accuser plus vigoureusement ses traits caractéristiques. Une des plus fortes parmi ces sensations est celle-ci : voir dans le roman ce qu’on avait vu dans la vie, mais le voir d’une façon plus nette et plus accusée.
Comparez l’impression qui jaillit pour vous de cette chaude et directe notation, avec celle que vous ressentez devant telle œuvre fameuse du préraphaélisme, la Beata Beatrix de Rossetti, ou l’Amour dans les ruines de Burne-Jones, et vous éprouverez la sensation de passer brusquement du plein jour et du plein air aux ténèbres et à l’oppression d’un rêve, je dirais presque d’un cauchemar. […] Je n’y trouve ni la robustesse, ni la rudesse ni l’incomparable énergie dont la photographie me donne la sensation.
L’Institut venait de couronner sur la tête de La Harpe la critique régulière et plate, et les esprits les plus fins ne faisaient que retourner ou expliquer le Traité des sensations et la Langue des calculs. […] Non, la statue de la liberté n’a point l’intérêt pour base, et ce n’est pas à la philosophie de la sensation et à ses petites maximes qu’il appartient de faire les grands peuples.