Il semble ainsi qu’au Moyen Âge une façon de penser et de sentir commune, imposée à l’Europe entière par la triple autorité de la religion, du système féodal, et de la scolastique, ait opprimé en littérature, pendant plus de quatre ou cinq cents ans, et comme anéanti toutes les distinctions d’origine, de race et de personne. […] Qui veut se distinguer n’y saurait réussir qu’en s’isolant d’abord ; et l’homme du Moyen Âge ne semble avoir pensé, ou même senti qu’en corps, pour ainsi dire, et en groupe, ou en troupe. […] Une différenciation des classes, dont l’origine lointaine se retrouverait dans le progrès de la civilisation générale, semble à peu près contemporaine de la dernière phase de la différenciation des genres. Richeut, le plus ancien des fabliaux qui nous soient parvenus, est de 1159, mais Richeut n’est qu’à peine un fabliau, et « la plupart des autres semblent être de la fin du xiie et du commencement du xiiie siècle ». […] Ainsi, de quelque côté que nous tournions les yeux, et en négligeant deux ou trois autres exceptions, puisqu’il faut bien qu’il y en ait toujours, nous ne voyons que symptômes de décadence, et il semble que, dans tous les genres, au moment climatérique de son développement, la littérature du Moyen Âge, en France du moins, se soit comme nouée.
« Longtemps la gloire fugitive Semble tromper leur noble orgueil ; La gloire enfin pour eux arrive, Et toujours sa palme tardive Croît plus belle au pied d’un cercueil. […] Les grands événements dont il est le moteur, le centre et l’objet, semblent si peu conformes aux combinaisons vulgaires, qu’on ne devrait point s’étonner que des imaginations fortement religieuses crussent de semblables desseins dirigés par des conseils supérieurs à ceux des hommes. […] Un penchant mélancolique l’entraînait au fond des bois ; il y passait seul des journées entières, et semblait sauvage parmi des Sauvages. […] Nul ne sortait de ces lieux sans un visage plus serein, et les sourdes clameurs qu’on entendait au dehors semblaient être les flots des passions et les orages du monde, qui venaient expirer au pied du temple du Seigneur. […] L’astre, enflammant les vapeurs de la cité, semblait osciller lentement dans un fluide d’or, comme le pendule de l’horloge des siècles.
Or, on sait à quelles profondeurs tombent les choses dans ces mœurs anglaises qui semblent les garder toujours. […] Mais il leur resta l’intelligence ; une intelligence sans passion, il est vrai, mais qui semblait se conserver dans sa propre glace quand tout se putréfiait en eux. […] la Critique n’a jamais — il me semble — assez insisté sur ces qualités et sur leur importance. […] Il a couché sur ces reins fauves et musculeux où semblent avoir grandi trois hommes d’un mérite inégal et d’un génie différent, mais trois maîtres : Téniers, Callot, Rubens ! […] Auteur, en quelque sorte, même par la mémoire qu’il a laissée, il semble faire les livres que nous faisons sur lui, puisqu’il les inspire.
Il me semble exactement en effet un magnétiseur, un alchimiste de la pensée, d’une science occulte, équivoque encore malgré ses preuves, d’un talent souvent prestigieux et séducteur, non moins souvent contestable ou illusoire. […] Pour résumer notre idée sur la première période presque clandestine d’une existence littéraire désormais si en évidence, voici ce qui nous semble : M. de Balzac, jeune, au sortir des bancs, bachelier ès-lettres, mena, comme il en convient dans Lambert, une vie passionnée et aventureuse. […] Il est vrai que M. de Balzac ne procède pas à coup sûr, et que dans ses productions nombreuses, dont quelques-unes nous semblent presque admirables, touchantes du moins et délicieuses, ou piquantes et d’un fin comique d’observation, il y a un pêle-mêle effrayant. […] M. de Balzac semble croire qu’il n’y a qu’un pas entre le goût de l’alchimie et les leçons de Lavoisier, tandis qu’il y a un abîme ; c’est comme si l’on devenait astrologue après avoir été disciple de Laplace. […] (Cet article qui, maintenant que je le relis, me semble encore modéré et même respectueux, excita, au moment où il parut, la colère de M. de Balzac, qui, depuis ce jour, me poursuivit plus d’une fois à outrance, soit dans sa critique, soit même dans certains de ses romans.
Sa première spécialité semblait être le roman maritime, mais il ne s’y est pas renfermé. […] Sue semblait en voie de rétracter ses précédentes assertions pessimistes trop absolues, il lui arrivait, peut-être à son insu, de ne pouvoir s’en débarrasser du premier coup et de s’en tirer par un détour. […] C’est déjà, ce nous semble, atténuer le tort de M. […] Bien que le paysage des montagnes semble par endroits assez largement tracé, je regrette qu’il ne soit pas constamment plus précis, plus sobre, plus conforme à cette sévère nature de notre Midi. […] En vain l’auteur semble le croire corrigé vers la fin, dans sa vie heureuse avec Marie ; le temps seul lui a manqué pour rompre encore ; un an ou deux de plus, et je réponds qu’Arthur aurait traité cette Marie comme il avait traité Catherine, Marguerite et Hélène.
Cela ne nous a jamais semblé plus vrai que lorsqu’on y entre, non avec une curiosité vague ou un labeur trop empressé, mais guidé par une intention particulière d’honorer quelque nom choisi, et par un acte de piété studieuse à accomplir envers une mémoire. […] Les Mémoires d’un Homme de qualité nous semblent sans contredit, et Manon à part, Manon qui n’en est du reste qu’un charmant épisode par post-scriptum, — nous semblent le plus naturel, le plus franc, le mieux conservé des romans de l’abbé Prévost, celui où, ne s’étant pas encore blasé sur le romanesque et l’imaginaire, il se tient davantage à ce qu’il a senti en lui ou observé alentour. […] son recours en désespoir de cause au père du marquis, au noble duc, qui reçoit l’affaire comme si elle lui semblait par trop impossible, et l’effleure avec une légèreté de grand ton qui serait à nos yeux le suprême de l’impertinence ; ces traits-là, que l’âge a rendus piquants, ne coûtaient rien à l’abbé Prévost, et n’empruntaient aucune intention de malice sous sa plume indulgente. […] L’impuissance de la philosophie solitaire en face des maux réels y est vivement mise à nu, et la tentative de suicide par où finit Cléveland exprime pour nous et conclut visiblement cette moralité plus profonde, j’ose l’assurer, qu’elle n’a dû alors le sembler à son auteur. […] On remarque, il est vrai, dans ce nombre une circonstance qui semblerait indiquer une autre plume que la sienne.