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1147. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Elle se trouvait, en bien des points, dans une situation, analogue à celle qui avait marqué le commencement du siècle. […] Or, maintenant, si M. de Balzac, comme vous le dites, possédait si bien le sentiment de cette réalité, de cette vérité, comment se fait-il que, dès qu’il se trouvait en présence d’un public rassemblé, il n’y eût plus moyen de s’entendre ? […] ces vers se trouvent aux premières pages d’Autrefois : cela promet pour Aujourd’hui . […] Les infortunes de Calas et de Sirven se trouvèrent là tout à point pour accréditer Voltaire à Genève, signer ses passe-ports, et le classer dans l’emploi des bienfaiteurs et des apôtres, si essentiel à un homme décidé in petto à profiter de l’accueil, de la tolérance et du protestantisme de ses hôtes pour y faire de nouveaux prosélytes. […] — « De jeunes femmes se trouvaient-elles au comptoir, on avait soin de choisir les écrits les plus propres à corrompre leur imagination : bien plus, ajoute M. 

1148. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

MADAME DE LA FAYETTE Du temps de Mme de Sévigné, à côté d’elle et dans son Intimité la plus chère, il y eut une femme dont l’histoire se trouve presque confondue avec celle de son aimable amie. […] La première lui plaisoit par sa bonté et par une certaine ingénuité à conter tout ce qu’elle avoit dans le cœur, qui ressentoit la simplicité des premiers siècles ; l’autre lui avoit été agréable par son bonheur ; car, bien qu’on lui trouvât du mérite, c’étoit une sorte de mérite si sérieux en apparence, qu’il ne sembloit pas qu’il dût plaire à une princesse aussi jeune que Madame. » A l’âge d’environ trente ans, Mme de La Fayette se trouvait donc au centre de cette politesse et de cette galanterie des plus florissantes années de Louis XIV ; elle était de toutes les parties de Madame à Fontainebleau ou à Saint-Cloud ; spectatrice plutôt qu’agissante ; n’ayant aucune part, comme elle nous dit, à sa confidence sur de certaines affaires, mais, quand elles étaient passées et un peu ébruitées, les entendant de sa bouche, les écrivant pour lui complaire : « Vous écrivez bien, lui disait Madame ; écrivez, je vous fournirai de bons mémoires. » — « C’était un ouvrage assez difficile, avoue Mme de La Fayette, que de tourner la vérité en de certains endroits d’une manière qui la fit connaître et qui ne fût pas néanmoins offensante ni désagréable à la princesse. » Un de ces endroits, entre autres, qui aiguisaient toute la délicatesse de Mme de La Fayette et qui excitaient le badinage de Madame pour la peine que l’aimable écrivain s’y donnait, devait être, j’imagine, celui-ci : « Elle (Madame) se lia avec la comtesse de Soissons… et ne pensa plus qu’à plaire au roi comme belle-sœur ; je crois qu’elle lui plut d’une autre manière, je crois aussi qu’elle pensa qu’il ne lui plaisoit que comme un beau-frère, quoiqu’il lui plût peut-être davantage ; mais enfin, comme ils étoient tous deux infiniment aimables, et tous deux nés avec des dispositions galantes, qu’ils se voyoient tous les jours au milieu des plaisirs et des divertissements, il parut aux yeux de tout le monde qu’ils avoient l’un pour l’autre cet agrément qui précède d’ordinaire les grandes passions. » Madame mourut dans les bras de Mme de La Fayette, qui ne la quitta pas à ses derniers moments. […] Feuillet de Conches) ; il s’agit d’un souper chez la comtesse de Grammont, où se trouvaient Mme de Caylus, Cavoye, Valincour, Despréaux et Racine lui-même : « Votre amie Mme de La Fayette, écrit ce dernier, nous a été d’un bien triste entretien.

1149. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Ampère l’éprouva : en moins de deux ou trois années, il se trouva lancé bien loin de l’ordre d’idées où il croyait s’être réfugié pour toujours. […] Ampère, et lui fit ajouter à ce sujet une foule de raisons et d’analogies curieuses, qui se trouvent consignées au tome second des Annales des Sciences naturelles 123. […] Parti pour sa tournée d’inspecteur général, il se trouva malade dès Roanne ; sa poitrine, sept ans auparavant, apaisée par l’air du Midi, s’irritait cette fois davantage : il voulut continuer.

1150. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Songez à la grandeur d’un pareil attrait : gouvernements, commandements, évêchés, bénéfices, charges de cour, survivances, pensions, crédits, faveurs de toute espèce et tout degré pour soi et pour les siens, tout ce qu’un État de vingt et vingt-cinq millions d’hommes peut offrir de désirable à l’ambition, à la vanité et à l’intérêt se trouve rassemblé là comme en un réservoir. […] En ce cas si fréquent, toute l’exigence et toute la rapacité de l’entrepreneur, décidé à gagner ou tout au moins à ne pas perdre, s’abattent sur les paysans : « C’est un loup ravissant, dit Renauldon, que l’on lâche sur la terre, qui en tire jusqu’aux derniers sous, accable les sujets, les réduit à la mendicité, fait déserter les cultivateurs, rend odieux le maître qui se trouve forcé de tolérer ses exactions, pour le faire jouir. » Imaginez, si vous pouvez, le mal que peut faire un usurier de campagne armé contre eux de droits si pesants ; c’est la seigneurie féodale aux mains d’Harpagon ou plutôt du père Grandet. […] Reste un point, la chasse, où sa juridiction est encore active et sévère, et c’est justement le point où elle se trouve le plus blessante.

1151. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

En étudiant les paralysies partielles, les physiologistes ont trouvé d’abord deux groupes de sensations primitives, l’un qui comprend les sensations des muscles et l’autre qui comprend les sensations de la peau, les premières ayant pour point de départ l’excitation des extrémités nerveuses qui se trouvent dans les muscles, les secondes ayant pour point de départ l’excitation des papilles nerveuses qui se trouvent dans le derme. […] Par cette correspondance, les événements du dedans cadrent avec ceux du dehors, et les sensations, qui sont les éléments de nos idées, se trouvent naturellement et d’avance ajustées aux choses, ce qui permettra plus tard à nos idées d’être conformes aux choses et partant vraies. — D’autre part, on a vu que les images sont des substituts de sensations passées, futures, possibles, que les noms individuels sont des substituts d’images et de sensations momentanément absentes, que les noms généraux les plus simples sont des substituts d’images et de sensations impossibles, que les noms généraux plus composés sont des substituts d’autres noms, et ainsi de suite. — Il semble donc que la nature se soit donné à tâche d’instituer en nous des représentants de ses événements, et qu’elle y soit parvenue par les voies les plus économiques.

1152. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Quoique située dans l’enceinte de la ville, elle est cependant assez éloignée du centre pour qu’il soit permis de l’appeler campagne, et même solitude ; car il s’en faut de beaucoup que toute cette enceinte soit occupée par les bâtiments, et, quoique les vides qui se trouvent dans la partie habitée se remplissent à vue d’œil, il n’est pas possible de prévoir encore si les habitations doivent un jour s’avancer jusqu’aux limites tracées par le doigt hardi de Pierre Ier. […] Au moyen de cette institution terrible, la vie d’un époux se trouve sous la garde incorruptible de ses femmes et de tout ce qui s’intéresse à elles. […] VIII « De cette prérogative redoutable dont je vous parlais tout à l’heure résulte l’existence nécessaire d’un homme destiné à infliger aux crimes les châtiments décernés par la justice humaine ; et cet homme, en effet, se trouve partout, sans qu’il y ait aucun moyen d’expliquer comment ; car la raison ne découvre dans la nature de l’homme aucun motif capable de déterminer le choix de cette profession.

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