Une pièce nouvelle les met par hasard en scène dans un moment de jalousie. La scène y gagnera si l’acteur est médiocre, elle y perdra s’il est un habile homme. […] De ces choses-là, les Français en rencontrent, à chaque scène des comédies de Shakespeare, les Anglais en rencontrent, à chaque scène des comédies de Molière. […] — La bonne et amusante scène des Guêpes a été prise par Racine dans Les Plaideurs. […] Bonnefoi le notaire est bien près d’être un fripon, ainsi que la scène l’indique.
Laissez faire cela à des plumes qui vous sont mille fois inférieures en scènes de champ de bataille et de palais, mais supérieures en scènes de cabaret et de barrière ! […] C’est une de ces scènes faites de rien, mais décrites avec la minutie savante de Meissonnier, et vues avec l’œil d’une mère, scènes à l’aide desquelles Hugo grave pour l’éternité dans l’œil et dans la mémoire de son lecteur une rencontre dont il veut qu’on se souvienne. […] Ainsi est en prose la scène de devant l’auberge. […] Cela donne lieu à des scènes peu vraisemblables, tirées par les cheveux, mais dramatiques et dignes d’un grand maître de larmes, par le pathétique des situations et par la naïveté des amours qui en sont la suite. […] Mais il faut lire cette scène, écrite comme elle est pensée, dans le roman, ici trois fois vertueux, de Victor Hugo.
Les Renés des deux sexes qui tremblaient depuis deux ans ne pouvaient s’intéresser qu’à des romans surchargés d’événements imprévus, de scènes atroces et de passions au vitriol. […] L’amour incestueux de sa sœur fournit à René sa grande scène. […] Molière même reparaissait sur la scène française travesti par l’Italien Goldoni. […] D’après elle, c’est « Rousseau, Werther, des scènes de tragédies allemandes, quelques poètes anglais, des morceaux d’Ossian qui avaient transporté la profonde sensibilité dans l’amour ». […] Un Anglais sur notre scène est toujours un milord, ou un capitaine, héros de sentiment et de générosité. » Chateaubriand, Essai sur la littérature anglaise.
L’âme des peuples, comme l’âme des grands individus qui les représentent dans le drame historique, disparaît de la scène pour faire place à cette force des choses que les uns nomment fatalité, les autres providence. […] Ce qu’ils voient et reproduisent surtout, c’est le jeu des acteurs en scène, sans s’inquiéter ni même se douter du travail qui s’opère par la force des choses ou la force des idées. […] Au lieu de volontés individuelles, ce sont des volontés générales qui occupent la scène ; l’historien n’a pas plus qu’Hérodote l’idée de remonter jusqu’aux causes plus profondes, naturelles ou économiques, qui expliquent les causes politiques elles-mêmes des faits racontés. […] Voilà ce qui explique pourquoi les grands hommes font tout autre figure sur la scène, selon le point de vue antique et selon le point de vue moderne. […] Qui voit-on se mouvoir sur cette scène si agitée ?
À la vérité, les deux scènes ne se peuvent comparer, ni pour la composition, ni pour la force du dessin, ni pour la beauté de la poésie ; mais le triomphe du christianisme n’en sera que plus grand, puisque lui seul, par le charme de ses souvenirs, peut lutter contre tout le génie d’Homère. Voltaire lui-même ne se défend pas d’avoir cherché son succès dans la puissance de ce charme, puisqu’il écrit, en parlant de Zaïre : « Je tâcherai de jeter dans cet ouvrage tout ce que la religion chrétienne semble avoir de plus pathétique et de plus intéressant 17. » Un antique Croisé, chargé de malheur et de gloire, le vieux Lusignan, resté fidèle à sa religion au fond des cachots, supplie une jeune fille amoureuse d’écouter la voix du Dieu de ses pères : scène merveilleuse, dont le ressort gît tout entier dans la morale évangélique et dans les sentiments chrétiens : Mon Dieu !
Rends-moi bien cet instant ; laisse là tous ces monstres symboliques ; surtout donne de la profondeur à ta scène ; que tes figures ne soient pas à mes yeux des cartons découpés, et tu seras simple, clair, grand et beau. […] Il faut être bien maladroit pour ne savoir pas étendre la scène avec une estrade, une figure, des rangs de bancs concentriques et des élèves dispersés sur ces bancs ; il n’y a point ici de sortilège, ce n’est qu’une affaire linéaire et de perspective.