Chapitre VI Les localisations cérébrales Certains savants, persuadés que le cerveau est l’organe de la pensée, mais frappés des démentis bizarres que l’expérience semble donner à cette théorie, ont été par là conduits à supposer que la plupart des erreurs commises venaient de ce que l’on voulait toujours considérer le cerveau en bloc, au lieu d’y voir un assemblage d’organes différents, associés pour un but commun. Tel est le principe de l’organologie de Gall, soutenu encore à l’heure qu’il est par de savants médecins.
En effet, s’ils trouvaient aujourd’hui dans un livre, sans nom d’auteur, que les lettres ne guérissent de rien, qu’elles ne nous apprennent point à vivre, mais à disputer ; que la raison est un mauvais présent fait à l’homme ; que depuis que les savants ont paru, on ne voit plus de gens de bien ; ils ne manqueraient pas d’attribuer cette satire de l’esprit et des talents à quelque déclamateur moderne, ami des paradoxes et des sophismes ; l’antiquité, diront-ils, était trop sage pour penser de la sorte, et encore moins pour l’écrire. […] Vous voyez, me disait il n’y a pas longtemps un savant célèbre, cette bibliothèque immense que j’habite.
Ces aménités étoilent alors d’usage entre savants, et, en rapprochant même les Factums de Furetière des libelles publiés par Saumaise et par Scaliger contre leurs antagonistes, ou ne peut s’empêcher de trouver sa modération égale à la verve de son esprit. […] Tels sont, en dernière analyse, les véritables termes de la question ; et c’est ainsi que nous aurions voulu la voir présenter dans le discours préliminaire du secrétaire perpétuel de l’Académie française Et maintenant, comment l’auteur d’un travail aussi important, comment cet homme assez érudit, et en même temps assez intelligent, pour concevoir et conduire à fin, seul, une entreprise de cette taille, le premier répertoire complet du langage français ; ce savant qui à la qualité d’érudit intelligent et laborieux réunissait à un haut degré la verve originale du romancier, le goût dans la critique, la vivacité d’esprit du pamphlétaire ; comment cet homme a-t-il pu descendre dans un aussi complet oubli ?
On y voit figurer des hommes ou des faits célèbres, lesquels sont ordinairement placés par les savants dans d’autres temps, dans d’autres lieux, ou qui même n’ont point existé. […] Si nous en croyons ceux qui, aux applaudissements des savants, ont entrepris de nous faire connaître la succession des écoles de la philosophie barbare, Zoroastre fut le maître de Bérose et des Chaldéens, Bérose celui d’Hermès et des Égyptiens, Hermès celui d’Atlas et des Éthiopiens, Atlas celui d’Orphée, qui, de la Thrace, vint établir son école en Grèce.
Mais là, comme pour le reste, nous sommes réduits aux conjectures des savants sur de rares et faibles indices. […] Mais, avant ce changement du monde, lorsque le paganisme régnait dans la paix de l’empire romain, lorsqu’il n’y avait plus ni liberté, ni gloire patriotique, ni grande éloquence, et que la culture de l’esprit n’était plus qu’un amusement de la servitude, un savant critique, Denys d’Halicarnasse, celui qui a tant raisonné sur Thucydide et sur Démosthène, sans comprendre leurs âmes, sauvait au moins pour l’avenir, dans un traité de rhétorique, une ode entière de Sapho à sa déesse favorite.
Je ne suis pas libre de parler de ce livre dans le Constitutionnel, comme je le voudrais : c’est un livre qui ne vaut que par les documents qu’y ont envoyés les savants.