Il y avait, au XVIIe siècle, un terrible et savant docteur de la maison de Navarre, Launoi : bon chrétien, mais singulier, mordant, original, paradoxal, il était un ennemi déclaré de la légende, et il faisait la guerre à quantité de saints qu’il estimait suspects. […] Un savant historien, Sismondi, très-épris dans sa jeunesse des doctrines du XVIIIe siècle, se portait d’abord, par de fréquentes sorties, à l’attaque de l’établissement chrétien ou catholique, et des diverses croyances qui s’y rattachent. […] Sur ces entrefaites, de singulières bizarreries sous couvert de spiritualisme, des superstitions même d’un genre nouveau étaient venues prendre les savants au dépourvu et remettre en honneur, auprès des faibles, certains faits comme il s’en rencontre toujours aux limites du possible, des faits insoumis, mal éclaircis, et où le mystère trouve son compte.
J’ai obtenu enfin du savant et aimable directeur des Archives de l’Empire, M. le comte de Laborde, l’autorisation de faire dépouiller la correspondance administrative du préfet du Mont-Tonnerre (c’était le titre de la préfecture de Jean-Bon). […] Homme obscur, ignoré dans la république des lettres ; jeté, par cette force invisible qui maîtrise nos destinées, dans les agitations d’une vie errante et toujours malheureuse ; appelé, par un concours de circonstances extraordinaires, à des emplois redoutables, où le moment de la réflexion était sans cesse absorbé par la nécessité d’agir ; remplissant encore aujourd’hui des fonctions administratives, bien plus par l’amour de la justice et l’instinct du devoir que par la connaissance approfondie des principes sur lesquels nos grands maîtres ont établi l’art si difficile de l’administration publique ; demeuré, par une captivité longue et douloureuse, presque entièrement étranger aux nouveaux progrès que des savants recommandables ont fait faire à la science, mon premier devoir, Citoyens, est de faire ici l’aveu public de mon insuffisance, et de vous déclarer que tout ce que je puis offrir à cette Société respectable est l’hommage sincère, mais sans doute impuissant, de ma bonne volonté… » Et se voyant amené, par l’ordre des idées qu’il développait dans ce discours, à parler de la Révolution française, explosion et couronnement du xviiie siècle, de « cette Révolution à jamais étonnante qui, déplaçant tout, renversant tout, après des essais pénibles, souvent infructueux, quelquefois opposés, avait fini par tout remettre à sa véritable place », il s’écriait, cette fois avec le plein sentiment de son sujet et avec une véritable éloquence : « La Révolution ! […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.
C’est l’œuvre, aujourd’hui, d’une civilisation savante et créatrice de renouveler et de rajeunir, s’il se peut, les fonctions de chaque pays, de chaque peuple, de les répartir et de les approprier de nouveau. […] Dans un savant livre que vient de publier M. […] Un de nos savants les plus exacts et les plus scrupuleux, un disciple de Borghesi, M.
Une voix pure, mélodieuse et savante, un front noble et triste, le génie rayonnant de jeunesse, et, parfois, l’œil voilé de pleurs ; la volupté dans toute sa fraîcheur et sa décence ; la nature dans ses fontaines et ses ombrages ; une flûte de buis, un archet d’or, une lyre d’ivoire ; le beau pur, en un mot, voilà André Chénier. […] Né d’un savant ingénieux et d’une Grecque brillante, André quitta très-jeune Byzance, sa patrie ; mais il y rêva souvent dans les délicieuses vallées du Languedoc, où il fut élevé ; et lorsque plus tard, entré au collège de Navarre, il apprit la plus belle des langues, il semblait, comme a dit M. […] Ce qu’il admire le plus au ciel, c’est tout ce qu’une physique savante lui en a dévoilé ; ce sont les mondes roulant dans les fleuves d’éther, les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances : Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses ; Comme eux, astre, soudain je m’entoure de feux.
Autant l’œuvre du savant est impersonnelle, autant celle du littérateur emprunte de valeur à sa personnalité. Le savant s’efface devant l’expérience, laissant agir les seules forces naturelles, il ne réapparaît que pour en constater les résultats. […] Zola répondit simplement qu’il n’était pas un savant, mais un romancier, un artiste82.
Pendant toute la durée de ce ministère Périer, Carrel développa son opposition dans des articles d’une chaude véhémence et d’une logique aguerrie, qui constituent tout un art savant de bataille et où il ne fut pas toujours vaincu. […] que Carrel n’a-t-il fait un plus grand nombre de ces articles comme celui qui lui échappa un jour à propos d’un Album de Charlet (5 février 1831), une jolie, piquante et savante analyse, résumée en quelques lignes ! […] Pour exprimer l’idée qu’il se faisait de son rôle dans la presse, et la ligne originale de conduite qu’il aurait voulu se tracer à ce moment, je citerai encore un fragment d’une de ses lettres adressées à l’un de ses collaborateurs d’alors, qui avait parlé de lui dans la Revue des deux mondes (15 février 1833) : Je vous sais, disait-il, un gré infini d’avoir deviné et si bien exprimé ma double prétention d’être un homme politique en dehors de la hiérarchie, malgré la hiérarchie, et un journaliste de quelque influence sans être homme de lettres, ni savant, ni historien breveté, ni quoi que ce soit qui tienne à quelque chose.