Les premiers poèmes et les premiers romans ont conté les aventures des dieux ou des rois ; dans ce temps-là, le héros marquant de tout drame devait nécessairement avoir la tête de plus que les autres hommes […] VII. — Un fait littéraire et social dont Guyau signale l’importance, c’est le développement du roman moderne, qui est « un genre essentiellement psychologique et sociologique. » M. Zola, avec Balzac, voit avec raison dans le roman une épopée sociale : « Les œuvres écrites sont des expressions sociales, pas davantage ; la Grèce héroïque écrit des épopées ; la France du dix-neuvième siècle écrit des romans. » Le roman, dit Guyau, raconte et analyse des actions dans leurs rapports avec le caractère qui les a produites et avec le milieu social ou naturel où elles se manifestent. Le roman psychologique lui-même n’est complet que s’il aboutit, dans une certaine mesure, à des généralisations sociales et humaines. […] Par cela même, c’est une exposition simplifiée et frappante des lois sociologiques. » Guyau consacre une étude spéciale au roman naturaliste, qui a précisément aujourd’hui, plus que] tous les autres, la prétention d’être un roman social.
Ce qui est certain, c’est que bientôt une liaison s’engage, et l’on a un roman tout de sentiment et d’analyse, comme on disait en ce temps-là. […] Voici quelques-unes de ses pensées ; le roman est en partie par lettres : « Soyez confiante. […] Ce roman est un bien plus mauvais livre que beaucoup d’autres. […] Le roman ne finit pas. […] L’héroïne d’un roman à la mode : mettez-y le nom que vous voudrez.
A un certain endroit de son Don Quichotte que nous avons relevé en passant, il semblait dire : « Je raille ici les mauvais romans de chevalerie, mais attendez, patience ! […] Or, c’est un peu ce que prétendait faire Cervantes dans le genre du roman, tant il y avait de hasard et de bien trouvé dans son génie, lors même qu’il rencontrait le mieux ! […] La préface de ce dernier roman, que sa veuve publia après lui, contient la preuve de sa fermeté d’âme en prévision de sa fin toute prochaine. […] C’était le premier roman qu’on y lisait, à la fois vraisemblable et divertissant. […] Marmontel, écrivant un Essai sur les Romans, lui fait tout au plus la grâce de le mentionner, et d’une manière vague et légère.
Un chapitre particulier y traite du Roman de Renart, une des plus curieuses et des plus spirituelles productions du génie satirique du Moyen Âge. […] Ce 22e volume offre, je l’ai dit, un article sur le Roman de Renart ; il est de feu M. […] Au premier abord, le Roman de Renart ne semble guère autre chose qu’une fable de La Fontaine en plusieurs volumes ; mais il y a plus et mieux, il y a pis. […] Lorsque Goethe s’est amusé à versifier à la moderne le roman allemand de Renart, il n’a fait à bien des égards que varier une des formes de son Méphistophélès. […] Aujourd’hui, nous pouvons retrouver ce même esprit en plein, et comme à sa source, dans un large réservoir où toutes les inventions satiriques sont rassemblées, c’est ce qu’on nomme le Roman de Renart.
Dans les parties sérieuses, lorsqu’il fait parler le chanoine, par exemple, on le voit tenté presque d’entreprendre contre les folles et extravagantes comédies du temps une levée de boucliers du même genre que celle qu’il est en train de mettre à exécution contre les mauvais romans. Il propose de remédier aux excès du théâtre à l’aide d’un censeur d’office ; il souhaiterait ce censeur pour les romans aussi, pour les livres de chevalerie : il est si sérieux en parlant de la sorte, qu’il trace d’après un canevas-modèle le plan d’un roman de chevalerie exemplaire qui aurait les mérites du genre sans les défauts, qui permettrait de personnifier dignement toutes les qualités morales, toutes les vertus, d’introduire dans une trame variée toutes les vicissitudes d’événements, toutes les aventures tragiques ou joyeuses, de décrire toutes les merveilles, y compris celles de la magie, de prendre tous les tons. […] La première partie du roman, qui parut en 1605, semble d’abord avoir dû être définitive ; l’auteur pouvait s’y tenir sans la continuer. […] Bouterwek avait commencé, et il attribuait à Cervantes une idée plus haute que celle d’avoir voulu décréditer les mauvais romans de chevalerie, bien qu’il lui reconnût aussi cette dernière intention, mais seulement comme occasionnelle et secondaire ; il la réduisait au point de la subordonner tout à fait à je ne sais quelle vue supérieure : « On ne saurait supposer, disait-il, que Cervantes ait eu l’absurde pensée de vouloir prouver l’influence fâcheuse des romans sur le public, par la folie d’un individu qui aurait pu tout aussi bien perdre la tête en lisant Platon ou Aristote. […] Ce qu’il attaquait de front, c’est-à-dire les mauvais romans de chevalerie, il n’avait besoin d’aucun masque pour le combattre ; il n’y avait pour lui nul danger à le faire.
Janin se prit à partie sur son roman et d’une façon directe, analytique, piquante, qui ne ressemblait pas à un faux-fuyant, je vous jure. […] Analyser le roman, c’est en ôter précisément ce que l’auteur a voulu y mettre, c’est isoler le fil et le présenter sans la broderie. […] La charrette va justement de ce côté : il y monte avec Louison qui ne dit non à rien, et le roman continue. […] À cent pas de là s’élevait la croix de bois… Isolée ainsi, cette page du roman de M. […] Je prendrai une image que je crois fidèle pour rendre la manière dont le xviiie siècle apparaît à travers le dernier roman de M.