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208. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Lorsqu’il y fut établi, le roi le vint voir, l’entretint pendant deux heures. […] Dans le cas présent, ces paroles du grand roi sont d’autant plus belles qu'elles lui sortaient du cœur et n’étaient pas faites pour être redites. […] Il demanda au roi la permission de les citer et de s’en décorer. Le roi rêva un moment et lui répondit : « On ne croira jamais que, sans m’en avoir demandé permission, vous parliez de ce qui s’est passé entre vous et moi. […] [NdA] Premier maître d’hôtel du roi.

209. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Catinat écrivait au roi au mois d’octobre 1694, en insistant sur la nécessité d’assurer ses communications : « Il ne faut plus regarder les Barbets comme les simples Vaudois retirés dans les montagnes : c’est un grand nombre de sujets de Sa Majesté, des vagabonds de toute nation, des déserteurs de ses troupes, qui n’ont ni feu ni lieu, ni établissement, bien armés, bien vêtus, qui pendant douze lieues peuvent entreprendre sur vos convois, sur vos entrepôts. » Il écrivait encore au roi le 25 mars 1695 : « On peut détruire les habitations des Barbets, on ne réduira jamais les Barbets ». […] Le roi connaîtra dans la suite de quel poids lui seront les conquêtes qu’il a faites… » Cette guerre de guérillas, on l’a trop su à toutes les époques, dans un pays qui la favorise et avec le ferment de la religion et du patriotisme, est indestructible et quasi-immortelle. […] S’il m’arrivait de boire souvent comme j’ai fait ce jour-là, je recevrais bientôt une correction sur mon dérèglement. » Le roi le retira de Casal en ce temps-là pour lui donner le gouvernement de la ville et province de Luxembourg. […] Les premières instructions qui lui furent données étaient restreintes et conditionnelles : détruire les Barbets d’abord, traverser le Piémont, porter la contribution dans le Milanais en assurant par l’occupation des postes nécessaires ses communications avec Pignerol ; puis, par de secondes instructions plus circonstanciées, on lui recommandait d’avoir raison à Turin des tergiversations du duc que l’ambassadeur du roi, M. de Rébenac, ne serrait point d’assez près ; de forcer ce prince à donner satisfaction au roi sur les points en litige, tels que l’envoi des régiments Piémontais en France, et la remise immédiate de deux places fortes, Verrue et surtout la citadelle de Turin, le menaçant de toute la sévérité du roi s’il n’obtempérait. […] Je n’ai eu d’autre application en l’écrivant que de rendre promptement compte au roi sans aucune attention de donner de l’ornement et de l’agrément à cette narration. » Il y a de lui une autre relation écrite deux jours après, et de tout point meilleure

210. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Cependant le roi sage (et réputé plus sage encore qu’il ne l’a été), Louis XVIII, se met en marche avec lenteur. […] Il y rend justice aux qualités réelles et apparentes de ce monarque, mais il indique avec raison un trait de caractère en lui, essentiel, invétéré et bien nuisible, contraire à la dignité des hommes comme au sérieux des choses, le besoin d’un favori, c’est-à-dire ce qui devait compromettre, même aux meilleurs moments, la politique de ce roi. […] L’abbé de Montesquiou le dit un jour très vivement au roi, à propos de M. de Blacas : « Votre Majesté ne doit pas oublier que, si les Français ont passé à leurs souverains toutes leurs maîtresses, ils n’ont jamais pu supporter un favori. » La politique de Louis XVIII, à son meilleur temps, fut viciée au cœur par le favoritisme. […] Dans la formation de la Maison civile du roi et de la Maison militaire, l’Ancien Régime ressuscité s’étale et se pavane dans tout son beau ; vingt-cinq ans de notre histoire sont supprimés et comme non avenus. […] Dans le préambule de cette ordonnance, le roi disait « qu’elle avait pour but de faire jouir la noblesse des avantages que lui avait accordés l’édit de son aïeul. » Ainsi, après vingt-cinq ans de guerres très démocratiques, au moins par le résultat et par l’avancement, on allait redemander avant tout de la naissance pour faire des officiers.

211. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

L’Europe n’a que des cours : soyez roi ou empereur. […] » demanda le nouveau roi à ses confidents avant de prendre un parti sur les affaires étrangères. […] quelle politique adopta le roi ? […] quel legs fut accepté par le roi dans ce testament ? Nul ne le sait, nul ne le saura tant que les papiers de ce roi, qui écrivait tant, ne seront pas révélés à l’histoire.

212. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Hume ne permet pas d’en douter : « C’est sous Jacques — dit-il — que les points si longtemps en question entre le roi et le peuple furent finalement (finally) déterminés. » La prérogative fut circonscrite, et plus définie que sous les autres périodes du gouvernement anglais, ce qui veut dire, pour qui sait comprendre, que cette prérogative existait, soufferte, c’est-à-dire consentie, et, dans ce cas-là, circonscrire, n’était-ce pas innover ? […] La conscience du peuple n’eut pas raison de la conscience du Roi, mais le Roi tomba et devait tomber. Nous ajoutons qu’un historien impartial aurait dit que c’était sa gloire, et que, dans cette position suprême, le Roi, aurait-il même eu du génie, — si le génie n’avait pas ébloui la conscience, ce qui lui arrive quelquefois, ou si une ambition vulgaire ne l’avait pas éteinte, — le Roi, repoussé par celle de tout un peuple, n’avait d’autre ressource que de tomber dans la pureté immaculée de la sienne. […] Frappé dans sa dignité de roi par la croyance religieuse de son peuple, ennemie de la sienne, il aurait peut-être vaincu le préjugé populaire s’il avait été possible à un homme de vaincre une telle force. Supposez-le protestant, vous avez un roi plus populaire que Guillaume qui ne le fut jamais, — un roi brave, un homme de mer qui avait la poésie des batailles gagnées, — un véritable Anglais, enfin, dans toute la grandeur, la noblesse et la force qu’on prête à ce mot.

213. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Henri III, lui-même, n’avait pas profité de la première impression de terreur qui suivit la nouvelle des événements de Blois pour monter à cheval et se montrer par tout le royaume en disant : Je suis roi, et en le prouvant par ses actes. […] Mais, même en ne réussissant dès le premier jour qu’à demi, il montra déjà qu’il avait pour lui : la fortune de la France et qu’il était le roi de l’à-propos. […] Pour peu que Henri y eût cédé, on revenait à la féodalité par morcellement ; il n’y avait plus de royaume ni de France. « Il n’y aurait rien eu en France moins roi que le roi même. » M.  […] Oh voit ici bien naturellement cette première forme du roi capitaine et guerrier dans Henri IV, tout prêt néanmoins à entendre toutes choses et à devenir un grand roi politique et civil dès qu’il en aura le besoin et l’instant. […] Ces caresses se faisaient souvent à de petits mestres de camp de guerres civiles, qui n’eussent jamais en leur vie osé parler au roi s’ils n’eussent été ses ennemis, et en cette qualité-là ils en recevaient un bon visage.

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