/ 2906
772. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

L’enfant y resta jusqu’en 1809 ; il en rapporta mille sensations fraîches et graves, des formes merveilleuses de défilés, de gorges, de montagnes, des perspectives gigantesques et féeriques de paysages, tels qu’ils se grossissent et qu’ils flottent dans la fantaisie ébranlée de l’enfance. […] Au printemps de 1811, il partit avec sa mère et ses frères pour l’Espagne, où il rejoignit son père, général dès 1809, puis premier majordome du palais et gouverneur de deux provinces ; il logea quelque temps au palais Macerano, à Madrid, et de là fut mis au séminaire des nobles, où il resta un an ; on le destinait à entrer dans les pages du roi Joseph, qui l’aimait  beaucoup. […] Comme il les destinait à l’École polytechnique, il les plaça dans la pension Cordier et Decote, rue Sainte-Marguerite ; ils y restèrent jusqu’en 1818 et suivirent de là les cours de philosophie, de physique et de mathématiques au collége Louis-le-Grand.  […] La chute de M. de Chateaubriand mit la désunion dans les rangs royalistes, et une bouffée perdue de cet orage emporta en mille pièces le pavillon couleur de rose, guitares, cassolettes, soupirs et mandores : il ne resta debout que deux ou trois poëtes.

773. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Pressentant que l’air du lieu n’était pas favorable, que le rebut et le dédain pourraient bien accueillir sa tentative, il resta longtemps sans user de la permission : car il faut peu compter comme début Valérie (1822), qui fut surtout un succès d’actrice, et qu’on arrangea exprès pour Mlle Mars. […] Scribe à sa seconde manière, à celle du Gymnase ; on pouvait croire, après l’échec du Mariage d’argent aux Français, qu’elle resterait chez lui définitive. […] Scribe a toujours faits de l’histoire à la scène, lui donnent un trait d’exception de plus entre les autres auteurs plus ou moins dramatiques du jour, dont la prétention et la marotte sont d’observer la couleur dite locale, et de rester fidèles à l’époque. […] Les petites causes seules n’enfantent pas sans doute les grands événements, elles n’en amassent pas la matière ; mais elles servent souvent à y mettre le feu, comme la lumière au canon : faute de quoi le gros canon pourrait rester éternellement chargé, sans partir.

774. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Les érudits restent entre eux, se dénigrant, se combattant, se louant et se citant. […] C’est une flatterie à l’homme de croire que du moins tous les résultats positifs restent, et que dans la science on n’oublie pas. […] Il lui resterait à parler des Grecs et à y rechercher, comme il l’a fait pour les Romains, le vestige de l’organe. […] Quand on a vécu très au centre et au foyer de la littérature de son temps, on comprend combien, en ce genre d’histoire aussi (quoiqu’il semble que là du moins les œuvres restent), la mesure qui ne se prend que du dehors est inexacte et, jusqu’à un certain point, mensongère et convenue ; combien on surfait d’un côté en supprimant de l’autre, et comme de loin l’on a vite dérangé les vraies proportions dans l’estime.

775. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Joubert durant la Révolution consista à être juge de paix à Monugnac où ses compatriotes l’avaient rappelé ; il y resta deux ans, de 90 à 92 ; puis il revint à Paris et se maria. […] Je ne puis ni rester oisif, ni suffire à mes mouvements. […] Je renvoie au livre ; ceux qui en seront avides et dignes sauront bien se le procurer ; ils forceront d’ailleurs par leur clameur à ce qu’on le leur donne : il est impossible que de tels élixirs d’âme restent scellés. […] Notre intelligence est blessée ; il nous pardonnera, si nous lui donnons tout entier ce qui peut nous rester de sain. » Il comprenait la piété, le plus beau et le plus délié de tous les sentiments, comme on a vu qu’il entendait la poésie ; il y voyait des harmonies touchantes avec le dernier âge de la vie : « Il n’y a d’heureux par la vieillesse que le vieux prêtre et ceux qui lui ressemblent. » Il s’élevait et cheminait dans ce bonheur en avançant ; la vieillesse lui apparaissait comme purifiée du corps et voisine des Dieux.

776. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

C’était la confidence scellée, qui resterait ignorée à jamais jusque-là entre le maître et le disciple. […] Il représenta au roi que la première dignité à ses yeux était la tendresse qui l’attachait à son petit-fils, et qu’il ne changerait volontairement contre aucune autre. « Non, lui répondit avec bonté Louis XIV, j’entends que vous restiez en même temps précepteur de mon petit-fils. […] L’amitié du moins lui restait ; il en perdit la meilleure part avec l’abbé de Langeron, le disciple, le confident, le soutien de son cœur dans toutes les fortunes. […] Son nom est resté populaire et plus immortel encore que ses œuvres, parce qu’il répandit plus d’âme encore que de génie dans ses ouvrages et dans son siècle.

777. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Elle a des morceaux exquis, qui restent engagés dans une sorte de blocage rapidement appareillé. […] Il n’avait pas converti ses mœurs : il resta jusqu’au bout homme de cour, homme de plaisir, un épicurien de la Renaissance. […] C’est que Ronsard, en tombant, le découvrit : avant Malherbe, il ne resta que Marot pour représenter le xvie  siècle, et servir de modèle. […] Ce qui restait de rhétoriqueurs guindés ou de cyniques bourgeois dans les provinces se fondit peu à peu dans son école : quand il mourut, tout le reconnaissait pour maître.

/ 2906