Cette étoile lui reste au front et décide souvent de ses mœurs, ou tout au moins de son ton, de son genre. […] Quand Mme de Boufflers chantait plus tard ce couplet, elle s’arrêtait au dernier vers et disait : J’ai oublié le reste. […] Si les Mémoires de M. de Talleyrand ne sont pas un leurre et une vaine promesse, il lui reste à parler d’elle, lui le dernier de tous, et, avec le prince de Ligne, le meilleur juge. […] C’est une faute de français ou plutôt contre la grammaire ; mais dans ces styles parlés on n’y regarde pas de si près, et l’on n’en reste que mieux dans le génie de la langue. […] Voici l’anecdote telle qu’un reste de tradition me la rappelle : L’abbé était à un bout de table.
Chaque érudit ou curieux, selon son besoin ou son caprice, se bornait donc à aller y butiner à son tour ; avec un peu d’étude et d’initiation, on savait bientôt les sentiers, assez pour y trouver ce qu’on désirait, et l’on négligeait le reste. […] Il paraît que la guerre de Pyrrhus et des Romains l’arracha à sa patrie, qu’il passa le reste de sa vie errant, et mourut dans l’exil. […] Léonidas le nie spirituellement et s’inscrit en faux dans ce petit dialogue : « Un jour l’Eurotas dit à Cypris : « Ou prends des armes, ou sors de Sparte : la ville a la fureur des armes. » Et elle, souriant mollement : « Et je serai toujours sans armes, dit-elle, et j’habiterai Lacédémone. » Et Cypris est restée sans armes, et après cela il y a encore d’effrontés témoins qui viendront nous conter que chez eux la déesse est armée. » Comme variété de ton, je noterai une piquante épigramme dans un sens ironique et de parodie : il s’agit d’un philosophe rébarbatif, d’un laid cynique, Posocharès, qui s’est laissé prendre aux filets d’un jeune objet charmant ; et celui-ci, comme on fait d’un trophée après une victoire, se complaît à suspendre dans le temple de Vénus toute la défroque du cynique, son bâton, ses sandales, « et cette burette crasseuse, et ce reste d’une besace aux mille trous, toute pleine de l’antique sagesse. » Ceux qui savent leur Moyen-Age peuvent rapprocher cette épigramme du fabliau connu sous le titre du Lai d’Aristote. […] Il semble qu’on peut, sans trop s’aventurer aux conjectures, faire en le lisant cette remarque, que Léonidas, même en dehors des épitaphes ou dédicaces commandées, avait sympathie et compassion pour les malheureux, pour les naufragés et les noyés que la vague rejetait sur le rivage, pour les inconnus enterrés trop près du grand chemin, et dont la roue en passant offensait les restes : « Malheureux, s’écrie-t-il, pour qui personne n’a une larme ! […] André Chénier a légèrement arrangé cet endroit, comme le reste.
L’art romain, l’architecture qui s’impose avec la domination romaine aux municipes et aux provinces de l’Empire, reste généralement uniforme et stationnaire pendant les premiers siècles : ce n’est qu’en repassant en Grèce, en retournant à son berceau et en devenant byzantine, que cette architecture subit une transformation, une évolution nouvelle. Les Grecs, en tant qu’ils servent d’ouvriers aux Romains pendant la domination absolue de ces derniers, à l’extrême déclin de la République et depuis Auguste jusqu’à Constantin, subissent la volonté du maître, exécutent ses programmes et se bornent à les orner et à les varier dans le détail, à moins qu’on ne leur permette de rester plus fidèles à l’art grec dans quelques petits temples et monuments : ils sont subordonnés dans tout le reste. […] nous le savons de reste, les choses humaines, dès qu’elles ont atteint une certaine hauteur, retombent assez vite, s’embrouillent et se gâtent assez tôt : et sans sortir du domaine de l’architecture, cette Notre-Dame de Paris dont la façade s’était élevée en moins de quinze ans avec une célérité prodigieuse, œuvre d’un maître dont on a oublié de nous transmettre le nom, ne fut pas même terminée d’après le plan primitif : il manqua toujours les deux flèches au front des deux tours, d’où elles se seraient élancées, également aériennes et légères, mais variées sans doute dans leur dentelure et dissemblables entre elles sur leur double base. […] Il distingue, au reste, entre le Louis XIV du début et celui de la fin. […] Il a une qualité, un mérite qu’on ne peut lui contester : vite on prétend l’enfermer et l’emprisonner dans ce mérite ; on se sert de cette qualité comme d’une arme pour l’écarter et le repousser de tout le reste.
Admirateur et adorateur pieux des vieux maîtres, dans un beau désespoir de les égaler et de les atteindre, on se serait dit volontiers avec ce docte allemand (Creutzer) : « Il ne nous reste, à nous autres modernes, qu’à les aimer. » On pouvait se dire encore avec Goethe : « Négliger ces vieux modèles, Eschyle, Homère, c’est mourir. » J’ai surtout en vue nos Français attiques du bon temps, non ceux que le xviiie siècle nous a livrés sur la fin, un peu gâtés ou fort affaiblis, mais ceux-ci mêmes, dont était Fontanes, et quand ils se maintenaient dans cette noble mesure de goût, avaient leur manière d’être et de sentir heureuse et rare. […] Aux Anciens l’invention, soit : ç’a été leur lot et leur gloire ; aux Modernes l’imitation, puisqu’il ne leur reste que cela, mais du moins une imitation fine et rare. […] En tout, Du Bellay, malgré son ardeur et son enthousiasme, reste dans une assez juste mesure. […] D’autres fois, ce sont des adjectifs, employés au sens d’adverbes, qu’il voudrait insinuer : « Il vole léger, pour légèrement. » Au reste, il ne prescrit rien d’absolu, il engage à essayer : excellent maître de diction poétique à une époque où rien n’était fixé encore. […] Il reste à voir comment et avec quel succès Du Bellay a relevé en poète le gant qu’il avait si fièrement jeté comme critique et comme héraut d’armes.
L’érudition a ses coteries encore ; l’Académie des inscriptions conserve un reste de parti royaliste. […] On en saisit mieux certaines masses et certains points isolés, et l’on croit d’autant mieux les tenir que le reste se dérobe davantage. […] Cette quantité de détails sur le clergé, les couvents, les parlements, les charges de cour, qui formaient la trame sociale, et qui étaient un reste de la vie du moyen âge, on ne les connaît plus. […] Le beau moment académique pour reconstruire une civilisation, c’est lorsqu’il n’en reste plus qu’une écriture indéchiffrable ou des pots cassés. […] Que ce débris vienne du temps ou de l’homme même, c’est bientôt de loin la seule marque qui reste de lui.
Si enfin l’action tragique dans Corneille ne reste pas intérieure jusqu’au dénouement qui extériorise en un acte ou un état définitifs de crime ou de malheur, c’est encore qu’il peint des volontés, et que la volonté tend nécessairement aux effets ; elle aspire à réaliser ses déterminations, elle est active ; de là vient que l’action, chez Corneille, ricoche constamment de l’intérieur à l’extérieur, de la nensée à l’acte et de l’acte à la Densée. […] Elle reste « la volonté », admirable par le degré d’intensité, abstraction faite de la qualité, de la forme des actes. […] Que reste-t-il ? […] Les dernières pièces de Corneille se caractérisent par l’élimination de plus en plus complète de la passion, même de l’exaltation : il ne reste guère que des volontés plus ou moins fortes, désintéressées et droites. […] Il reste le rythme, le rythme pur, séparé du son, dont la qualité est ordinaire ; et le rythme, c’est le mouvement : le lyrisme de Corneille, ce sont des pensées en mouvement, qui se pressent, s’élancent, enlèvent la stance ou la strophe ; et c’est la sensation expressive de ce mouvement abstrait que le rythme nous communique.