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385. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Voyons Fléchier tel qu’il était, apprenons à le goûter dans les qualités qui lui sont propres et qui lui assurent un rang durable comme écrivain et comme narrateur ; ne craignons pas de nous le représenter dans sa première fleur d’imagination et d’âme, dans sa première forme de jeune homme, d’abbé honnête homme et encore mondain ; et bientôt sans trop de complaisance, sans presque avoir à retrancher, nous arriverons insensiblement à celui qui n’avait eu en effet qu’à se continuer lui-même, et à se laisser mûrir pour devenir l’orateur accompli si digne de célébrer Montausier et Turenne, et l’évêque régulier, pacifique, exemplaire, édifiant. […] Mais ceux de Clermont paraissent avoir été les plus autorisés (pour parler avec Fléchier) qui se soient jamais tenus, même en aucun temps précédent, et du moins ils sont les derniers qui nous représentent avec éclat toute la solennité et l’étendue de pouvoir inhérentes à cette institution. […] M. de Caumartin, maître des requêtes, était nommé pour tenir les sceaux et représenter plus directement le pouvoir royal. […] M. de Caumartin nous représente, dans ces Grands Jourss de Clermont, l’homme éclairé, un magistrat de cour, probe, poli, non pédant, sans passion ni prévention, humain et toujours prêt à graduer la justice, à l’adoucir sans l’énerver. […] [NdA] Il semble même qu’il ait jusqu’à un certain point tenu compte de son observation au sujet de la Renommée dont il a fait l’interprète de l’avenir ; car dans la pièce, telle qu’elle est imprimée, il a pris soin de ne nous représenter la déesse que comme se faisant l’écho des premiers bruits répandus et des premières rumeurs du destin ; les oracles transpirent déjà, elle répète ce qu’elle a entendu :                                      Toto tum pectore prona Volvit centum oculos, et centum subrigit aures, Impatiens strepere, et magnos inquirit inortus, Exploratque aditus fati, primaevaque captat Auspicia, et velox collecti nuncia veri, Quae didicit, pandit patriis oracula regnis.

386. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Cette pièce, non représentée, n’eut pas même la publicité de l’impression à sa naissance79. […] Représentons-nous bien l’état littéraire de la France aux abords de l’année 1820. […] Le Cid d’Andalousie, représenté pour la première fois le 1er mars 1825, avait été retardé longtemps par les tracasseries de la censure ; c’est à M. de Chateaubriand, ministre, que la pièce avait dû de sortir de dessous la griffe, non pas sans trace de mutilation. […] Cet état douteux a cessé depuis la publication de la pièce dans les Œuvres ; chacun peut lire, mais ce n’est qu’à une remise en scène qu’on en pourrait complétement juger. — Mlle Mars, qui représentait le principal personnage, avait bien tout le charme qui était nécessaire pour représenter doña Estrelle, mais il lui manquait la force et le pathétique.

387. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Pour ajouter à la vraisemblance par plus de spectacle, il fallait une scène entièrement libre, d’où l’on vît venir les acteurs de loin ; assez vaste pour rendre les aparté vraisemblables : il fallait qu’on pût voir dans le fond de la scène des rochers, des précipices ; à l’horizon, des tentes, et « Julie dans l’enfoncement, couchée entre des rochers44. » Ce point gagné, il fallait plus de richesse dans les costumes, des décorations souvent renouvelées, des bûchers, des flammes d’alcool, du tonnerre, des éclairs, des comparses pour représenter les foules. […] Il n’en resta pas à ses premières insinuations contre le théâtre de ses devanciers ; il s’émancipa peu à peu du principe salutaire qu’il faut écrire pour être représenté et lu, et il fit passer le parterre avant le lecteur. […] Entre les beautés du fond et celles de la représentation, son penchant, pour ne pas dire sa faiblesse, le portait vers les secondes, vers la tragédie représentée, quoique tout d’abord ses excellents jugements sur ses prédécesseurs, ses exclamations sur Racine, lussent tout en l’honneur de la tragédie lue. […] Nul ne s’est représenté Mahomet sous les traits d’un charlatan qui se moque de lui-même et qui crie sa supercherie sur les toits. […] Le succès de Roméo et Juliette, représenté en 1772, fut un des derniers chagrins littéraires de Voltaire.

388. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Ennemi né des Érynnies, il représente vis-à-vis d’elles l’antagonisme de la lumière contre les ténèbres, de l’harmonie contre la discorde, du pardon contre la rancune. […] L’année même où les Euménides furent représentées, l’auguste tribunal était menacé. […] Lui seul représentait la série passée des ancêtres et celle des descendants à venir. […] … Respectez la majesté de ce tribunal vénérable et incorruptible ; rempart de ce pays, salut de cette ville, gardien vigilant, même quand la cité dort, tel que n’en possède aucun autre peuple. » — À l’esprit d’équité qu’elle dépose en lui, la sage Déesse mêle un peu de la terreur que les Érynnies représentent. […] L’intelligence souveraine représentée par Pallas fait débattre et juger la cause qu’allait trancher le glaive rouillé du talion.

389. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Conséquemment, lorsque les Indiens commencent à se trouver un peu trop près de leurs frères les blancs, le président des États-Unis leur envoie un messager, lequel leur représente que, dans leur intérêt bien entendu, il serait bon de reculer un tant soit peu vers l’Ouest. […] avec quel bonheur je me représentais sa joie en me serrant de nouveau dans ses bras ! […] Vous représentez, monsieur, un autre temps que le nôtre, des sentiments plus hauts, des idées, une société plus grandes. […] Villemain, qui a tout son talent en écrivant et tout son esprit en causant, a l’habitude de comparer ces tableaux de Tocqueville où il est tant question des mœurs et jamais des personnes, jamais des individus, où tout portrait est absent, à ces tableaux que les musulmans se permettent, dit-on, par un certain compromis avec la défense de leur loi : on y voit des choses représentées, des mousquets qui partent, des canons qui tirent, tout l’appareil d’un combat, et pas une figure.

390. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Ils ont tous (et ceux que je viens de nommer, et les autres qu’ils représentent, moins en vue et plus effacés aujourd’hui), ils ont tous ce point commun d’être gens du monde, de qualité, avant d’être écrivains. […] Il représente bien ce que pouvait être, à cette date, un jeune homme de qualité des plus instruits, un de ceux qui avaient vingt-quatre ans quand le Cid parut. […] Les exilés, gens d’esprit, écrivains, qui sortent de leur pays pour n’y plus rentrer et qui vivent encore longtemps, représentent parfaitement l’état du goût et la façon, le ton de société ou de littérature qui régnaient au moment de leur sortie. […] Saint-Évremond nous représente toute une race de voluptueux distingués et disparus, qui n’ont laissé qu’un nom : M. de Cramail, Mitton, M. de Tréville… ; mais il est plus complet que pas un, et c’est pourquoi il est resté.

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