Toutes ces inventions de ragoût pour rendre plus piquant un récit de voyage, pour augmenter l’établissement du lecteur, cette large fleur bête de la flatterie étonnée que les voyageurs aiment à cueillir à leur retour, toutes ces misères de l’esprit ou de l’amour-propre, qu’elles soient des duperies ou qu’elles soient des combinaisons, ne se rencontrent point dans cette relation colorée et nuancée comme la vie, mais pas davantage ! […] On sent que l’homme qui raconte ainsi est un homme de bon sens, et d’un bon sens rendu plus solide encore par cet admirable et assainissant catholicisme qui guérirait le cerveau d’un fou, s’il y entrait ! […] La vieillesse même de Gœthe n’eût pas fait mieux, si, lui, l’auteur du Divan, « que le temps — disait-il — avait rendu spectateur », avait pu, comme Huc, prendre « la ceinture rouge et le bonnet jaune » pour traverser et voir mieux ce grand Orient dont il rêvait ! […] La pureté, la grandeur de leur intention, l’absence complète d’orgueil et de pédantisme (car le pédantisme est de l’orgueil, sous sa plus laide forme, il est vrai), le désintéressement de tout ce qui n’est pas la gloire de Dieu et son triomphe, voilà ce qui rompt et assouplit le prêtre catholique, et fait de lui cette merveilleuse organisation domptée qui se ploie aisément à toutes les coutumes et le rend propre à toutes les fonctions.
C’est le concours des philosophes et des poètes qui perfectionne les langues ; c’est aux philosophes qu’elles doivent cette universalité de signes qui rend une langue le tableau de l’univers ; cette justesse qui marque avec précision tous les rapports et toutes les différences des objets ; cette finesse qui distingue tous les progrès d’actions, de passions et de mouvements ; cette analogie qui dans la création des signes les fait naître les uns des autres, et les enchaîne comme les idées analogues se tiennent dans la pensée, ou les êtres voisins dans la nature ; cet arrangement qui, de la combinaison des mots, fait sortir avec clarté l’ordre et la combinaison des idées ; enfin cette régularité qui, comme dans un plan de législation, embrasse tout et suit partout le même principe et la même loi. […] Enfin la mort de César rendit à l’âme de Cicéron toute sa vigueur ; il n’était pas né pour avoir un maître et encore moins pour obéir à des tyrans subalternes. […] s’écrie l’orateur : c’était la dette de la nature ; vous avez su la rendre utile à la patrie. […] Je vous félicite donc, ô vous braves guerriers pendant la vie, ombres sacrées après la mort, je vous félicite de ce que votre valeur ne pourra être mise en oubli, ni par votre siècle, ni par la postérité, puisque le sénat et le peuple vous dressent, pour ainsi dire, de leurs propres mains, un monument immortel ; jamais un tel honneur n’a été rendu à aucune armée, et plût aux dieux que nous pussions faire davantage !
Les mêmes objets leur communiquent les mêmes idées, et souvent la même manière de les rendre. […] Les philosophes voyageaient pour venir l’entendre ; les princes étaient curieux de le voir ; et les oracles, dans les temples, lui rendaient les mêmes hommages qu’aux rois. […] Ton œil perçant sait découvrir et rendre inutiles les profondeurs de cet art funeste et caché… Non, désormais je ne craindrai pas les ennemis domestiques plus que les barbares même. […] Tu nous as remis une partie des tributs, et pour dédommagement nous te rendons un tribut de reconnaissance et de tendresse ; c’est le plus digne du prince.
(L’Église, qui alors pénétrait tout, rend les destinées et les âmes plus pittoresques.) […] Et c’est un poète et un artiste, cet adolescent vaniteux et sensuel que la toute-puissance rendra monstrueux. […] Comment s’y est-il pris pour nous rendre à la fois poignants et vrais et ce retardement et cette longue séparation ? […] Il faut opter… Titus se rend au Sénat. […] Mais il n’est Turc qu’à moitié, et c’est ce qui le perd, — et c’est aussi ce qui rend son caractère très attachant.
En interdisant au poète une préoccupation puérile ou souvent maladive de lui-même, ne l’a-t-il pas rendu sans doute attentif à des intérêts d’un ordre à la fois plus général et plus élevé ? […] Grâces leur soient rendues de leurs attaques ! […] Il est permis de croire que, si rien n’a contribué davantage à le faire accuser de scepticisme, rien n’a dû plus contribuer à nous le rendre indifférent et comme étranger. […] Ce qui paraissait impossible, surtout, c’était de rendre sensibles à tous des vérités qui commencent par révolter tous les témoignages des sens. […] ou aux jansénistes, comme les jésuites le leur reprochaient, pour avoir rendu Dieu « souverainement haïssable » ?
L’insurmontable incuriosité du Dauphin, nature apathique et têtue, rendit inutiles les efforts, le dévouement, la sévérité du gouverneur et du précepteur. […] La qualité dominante, et l’on pourrait dire unique, de ce style, c’est la propriété ; il ne vaut que parce qu’il rend la pensée de l’homme. […] Cette force d’érudition et de critique a rendu son ouvrage inébranlable ; et il a ainsi contribué à donner aux protestants la nette conscience de l’essence du protestantisme, qui est dans la liberté de la croyance individuelle et dans l’évolution du dogme. […] Mais son tempérament de juriste a besoin de justice : le dogme de la Providence corrige l’immoralité de la réalité, et rend à chacun selon son mérite. […] Cette méticuleuse composition peut rendre la lecture plus aride et plus fatigante : elle rend l’audition plus claire et plus efficace.