J’imagine qu’ils rendirent la vie dure à La Bruyère, et qu’en même temps ils lui firent trouver impossible de vivre ailleurs. […] Plus la matière de l’observation est, pour ainsi dire, à fleur de sol, plus elle s’éloigne de l’idéale abstraction et s’approche de la réalité concrète et sensible, et mieux La Bruyère sait voir et rendre. […] Mais en somme l’artiste épris de la vie, le naturaliste impartial prennent le dessus : on trouve chez La Bruyère de ces traits qui ne s’expliquent que par le respect de la nature, par le besoin de rendre ce qui est456. […] Il le reprit, et l’étendit pour le rendre plus digne de l’Académie. […] Aussi, tout naturellement, les princes que Fénelon voulut rendre odieux au duc de Bourgogne, pour le détourner de les imiter, eurent-ils tous quelques traits du grand roi : les ennemis intérieurs et extérieurs de Louis XIV eurent raison d’en être frappés.
Au second acte, le duc de Septmonts exige que sa femme rende à mistress Clarkson la visite qu’elle en a reçue. […] C’est à qui lui ménagera des rendez-vous, à qui favorisera son amour. […] Si elle refuse, tout est perdu, même l’honneur : alors un suicide à deux le leur rendra, par l’expiation. […] Et comment n’a-t-elle pas craint les pièges que peut receler ce rendez-vous donné par un nabab féroce, comme un thug, lorsque le désir lui monte au cerveau. […] Il y vient, sachant que le mari s’y trouve, comme s’il rendait une visite !
Ses solides qualités armées de sévérité et de rudesse l’avaient rendu odieux aux grands, et le peuple même ou la bourgeoisie n’appréciait pas en lui un défenseur des intérêts publics. […] Les Mémoires de Sully existaient, d’un volume considérable, mais d’une lecture lente et pénible : l’abbé de L’Écluse, en 1745, se chargea de les alléger, de les rendre faciles et agréables ; il en dénatura la forme, le langage, et parfois le fond ; il donna à son auteur un certain air plus dégagé, et qui fait contresens. […] Mais avant d’user des Mémoires de Sully, il importe de bien établir ce qu’ils sont et de se rendre un compte exact de cette composition d’une forme assez étrange. […] Celui-ci refusa ; mais, se revêtant de sa robe d’écolier et prenant un livre d’heures sous le bras, il se rendit à travers les périls au collège de Bourgogne dont le principal le recueillit et le tînt trois jours caché. […] En une nuit, il y ordonna un tel travail qu’il le rendit imprenable aux troupes de la Ligue ; et Henri III, qui alors était uni avec le parti de Navarre, l’étant venu visiter le matin, en fut émerveillé et lui dit : « Hé quoi, monsieur de Rosny !
En abordant ce sujet délicat, il y a porté de sa rigueur d’historien, et, en retour, ce sujet lui a rendu de sa douceur et de son élégance. […] Lavallée, en étudiant Mme de Maintenon, ce qui arrivera à tous les bons esprits encore prévenus (et j’en rencontre quelquefois de tels) qui approcheront de cette personne distinguée et qui prendront le soin de la connaître dans l’habitude de la vie : je ne dirai pas qu’il s’est converti à elle, ce serait mal rendre l’impression simplement équitable que reçoit un esprit droit ; mais il a fait justice de cette foule d’imputations fantastiques et odieusement vagues qui ont été longtemps en circulation sur le prétendu rôle historique de cette femme célèbre. […] En ce qui est des femmes, elle n’avait aussi sur elles que des idées très arrêtées et médiocrement flatteuses : « Les femmes, disait-elle, ne savent jamais qu’à demi, et le peu qu’elles savent les rend communément fières, dédaigneuses, causeuses, et dégoûtées des choses solides. » L’éducation de Saint-Cyr, après la réforme, et dans le plein et véritable esprit de Mme de Maintenon s’il avait été constamment suivi, n’eût donc point péché par trop de timidité, de faiblesse et de grâce tendre ; l’austérité seulement en était voilée. […] Elle demande partout aux Dames qu’elle a formées le talent de la récréation autant que celui de la classe : « Rendez vos récréations gaies et libres ; on y viendra. » Louis XIV, à Saint-Cyr, apparaît plein de charme, de noblesse toujours, et parfois d’une certaine bonhomie qu’il n’eut que là. […] Plusieurs des Dames de Saint-Cyr étant mortes en ces années, il est dit de l’une d’elles (Mme d’Assy) dans les Mémoires de Saint-Cyr, en des termes légers et charmants : C’était un esprit doux et bien fait, un bon naturel qui n’avait que de bonnes inclinations ; l’innocence et la candeur étaient peintes sur son visage, qui, jointes à sa beauté naturelle, la rendaient tout aimable.
L’ouvrage eut du succès, et ouvrit la nouvelle carrière où l’auteur devait rendre tant de services qu’il y aurait de l’ingratitude à méconnaître. […] Du caractère dont elle est, Mme Dacier entend mieux la force, l’abondance, la veine pleine et continue d’un auteur ancien que la grâce et la légèreté ; elle rend mieux l’effet du texte avec Plaute, avec Térence qu’avec Anacréon ; et surtout elle nous rendra mieux Homère. […] Nous le serions il y a plus de quatre mois si nous n’eussions ménagé les choses pour rendre notre conversion plus agréable à Dieu et au roi, et plus utile à notre pays… » Le Mercure galant publia cette lettre de M. […] Par moments même, et quand, oubliant l’original, on s’abandonne à la lecture, cette idée de momie qui, somme toute, est désagréable et qu’une autre qu’elle n’eût pas risquée, disparaît et n’est plus exacte ; on sent (pour parler encore comme elle) qu’on a affaire à une traduction généreuse et noble qui, s’attachant surtout aux beautés de l’original, s’efforce de les rendre dans l’esprit où elles ont été conçues. […] Il nous restait une fille très aimable, qui était toute notre consolation, qui avait parfaitement répondu à nos soins et rempli nos vœux, qui était ornée de toutes les vertus, et qui, par la vivacité, l’étendue et la solidité de son esprit, et par les talents les plus agréables, rendait délicieux tous les moments de notre vie ; la mort vient de nous la ravir.
Faire après Louis XIV quelque chose de ce que Henri IV aurait aimé à voir s’accomplir s’il avait vécu, affranchir la noblesse des servitudes de cour et des usurpations de la roture, la rendre plus sédentaire et attachée à son ménage des champs, rendre le peuple content de son sort et assuré de son bien-être, supprimer les sangsues publiques et l’appareil intermédiaire de finances entre le roi et son peuple, asseoir l’impôt moyennant des assemblées provinciales, de grands Conseils généraux répartiteurs des charges, c’est ce que Mirabeau aurait voulu et ce qui aurait renouvelé en effet l’ancienne monarchie ainsi reprise en sous-œuvre. […] Tous les écrits de Mirabeau père, à les considérer par cet aspect, n’allaient à rien moins qu’à rendre son fils inutile. […] Ce sont mes inclinations qui m’ont rendu philosophe ou qui m’en ont acquis le titre : si ce titre les gênait, il leur deviendrait odieux ; je ne m’en suis jamais caché, toute ma philosophie a sa source dans mon cœur… Mirabeau insiste et le secoue : il prétend lui montrer qu’avec ses talents, il serait impardonnable de se laisser aller à l’accablement, à la nonchalance. […] Il lui rend, comme on dit, la monnaie de sa pièce, et le réfute gaiement par une série et comme un feu roulant de questions ad hominem : Je reçois, mon cher Vauvenargues, votre lettre du 22 du mois passé (septembre 1739) ; permettez à mon amitié de vous dire ce que je vous crois nécessaire : Que faites-vous à Verdun ? […] Je suis maintenant à la suite de ma dame, que je vais accompagner, avec le duc de Durfort, jusqu’à la frontière ; de là nous irons faire une tournée, quaerens quem devoret, et nous nous rendrons à Paris….