Quoique bon ami, bon citoyen, il eut beaucoup d’ennemis, parce qu’il fit toute sa vie la guerre aux sots ; modéré d’ailleurs, & incapable de donner dans aucun fanatisme de religion, d’ambition & de fortune. […] Comment exprimer en latin les changemens arrivés par rapport à la religion, à la morale, aux coutumes, aux habillemens, aux commodités & aux besoins de la vie, aux sciences & aux arts ?
Les dieux consacrés dans les religions, les puissances motrices de la nature, elles-mêmes divinisées, l’animent et la soutiennent. […] La Politique se revêtant des voiles et des habits de la Religion, et si saintement masquée, se flattant d’égarer les crédules, agit conformément à son caractère insidieux. […] Notre religion sévère nous parle d’un être infini qu’on ne peut peindre, et les deux personnes divinement incarnées, qui en émanent, n’offrent pas aux poètes la variété du polythéisme. […] Une religion qui remonte à un créateur et suprême moteur des choses, par qui tous les phénomènes et toutes les actions se produisent, et qui ordonne et gouverne tout. […] En quoi le goût sage des modernes serait-il offensé de voir un héros descendre dans les enfers de sa religion, et en sortir ainsi que les héros fabuleux ?
Mais cette religion n’est pas davantage à notre portée. […] Car il lui manque le levain de la religion. […] Il lui en veut de ne pas être la religion. […] L’humanité aveugle allait guidée par la Religion. Mais la Religion est morte.
Rien ne nous permet mieux de mesurer l’énergie déployée par Diderot dans cette affaire, que ce miracle opéré en lui par le désir de réussir : il a tâché d’être décent, de ne rien lâcher sur le gouvernement ou la religion qui fît par trop scandale. […] La religion, qui punit le sacrilège plus que l’adultère, est immorale ; elle laisse, pour des pratiques, subsister toute la corruption du monde. […] Tous les maux, tous les vices de l’homme, viennent de la société, qui a inventé la religion, les puissances, les distinctions, la hiérarchie, la richesse, c’est-à-dire l’oppression des uns, la tyrannie des autres, de la corruption et de la misère pour tous, — qui a inventé surtout la morale.
Après quelques velléités de résistance, l’individu ne peut manquer de se soumettre, « Pour amener l’individu à se soumettre de son plein gré, il n’est nécessaire de recourir à aucun artifice ; il suffit de lui faire prendre conscience de son état de dépendance et d’infériorité naturelles — qu’il s’en fasse par la religion une représentation sensible et symbolique ou qu’il arrive à s’en former par la science une notion adéquate et définie116. » La science sociologique assumera donc la même fonction qu’ont assumée jusqu’ici les religions ; elle courbera l’individu devant la société. […] Durkheim obtenue par la vertu des contraintes sociales, des religions et de la morale sociologique.
Essai sur Adolphe Si Benjamin Constant n’avait pas marqué sa place au premier rang parmi les orateurs et les publicistes de la France, si ses travaux ingénieux sur le développement des religions ne le classaient pas glorieusement parmi les écrivains les plus diserts et les plus purs de notre langue ; s’il n’avait pas su donner à l’érudition allemande une forme élégante et populaire, s’il n’avait pas mis au service de la philosophie son élocution limpide et colorée, son nom serait encore sûr de ne pas périr : car il a écrit Adolphe. […] La religion de la foi jurée n’est pas moins grande et moins sainte que la religion de la prière.