Ce que son étymologie indique 282 : le baptisme lui-même, c’est-à-dire la religion des baptêmes multipliés, la souche de la secte encore existante qu’on appelle « chrétiens de Saint-Jean » ou Mendaïtes, et que les Arabes appellent el-Mogtasila, « les baptistes 283. » Il est fort difficile de démêler ces vagues analogies. […] La pratique fondamentale qui donnait à la secte de Jean son caractère, et qui lui a valu son nom, a toujours eu son centre dans la basse Chaldée et y constitue une religion qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. […] Les ablutions étaient déjà familières aux Juifs, comme à toutes les religions de l’Orient 286. […] Le baptême était devenu une cérémonie ordinaire de l’introduction des prosélytes dans le sein de la religion juive, une sorte d’initiation 288. […] Il ne semble pas qu’il possédât même en germe la grande idée qui a fait le triomphe de Jésus, l’idée d’une religion pure ; mais il servait puissamment cette idée en substituant un rite privé aux cérémonies légales, pour lesquelles il fallait des prêtres, à peu près comme les Flagellants du moyen âge ont été des précurseurs de la Réforme, en enlevant le monopole des sacrements et de l’absolution au clergé officiel.
Il s’égara dans la religion, voyons du moins ce qu’il fut comme prince ; en détestant son crime, discutons ses vertus : l’aveu que nous en ferons ne peut nous rendre complices de ses erreurs. […] Son changement de religion est un des grands problèmes de l’histoire. […] On sait que dans l’Europe et l’Asie ensemble, jamais il n’y eut autant de mouvement dans les esprits qu’il y en avait alors ; les progrès du christianisme, et le choc de ceux qui combattaient pour la religion de l’empire, avaient donné cette secousse. […] Passionné pour les Grecs, nourri jour et nuit de la lecture de leurs écrivains, enthousiaste d’Homère, fanatique de Platon, avide et insatiable de connaissances ; né avec ce genre d’imagination qui s’enflamme pour tout ce qui est extraordinaire ; ayant de plus une âme ardente, et cette force qui sait plus se précipiter en avant que s’arrêter ; d’ailleurs, accoutumé dès son enfance à voir dans un empereur chrétien le meurtrier de sa famille, et, dans le fond de son cœur, rendant peut-être la religion complice des crimes qu’elle condamne ; placé entre l’ambition et la crainte, inquiet sur le présent, incertain sur l’avenir ; ses goûts, son imagination, son âme, les malheurs de sa famille, les siens, tout semblait le préparer d’avance à ce changement qui éclata dans la suite. […] qu’il fut beaucoup plus philosophe dans son gouvernement, et sa conduite que dans ses idées ; que son imagination fut extrême, et que cette imagination égara souvent ses lumières ; qu’ayant renoncé à croire une révélation générale et unique, il cherchait à chaque instant une foule de petites révélations de détail ; que, fixé sur la morale par ses principes, il avait, sur tout le reste, l’inquiétude d’un homme qui manque d’un point d’appui ; qu’il porta, sans y penser, dans le paganisme même, une teinte de l’austérité chrétienne où il avait été élevé ; qu’il fut chrétien par les mœurs, platonicien par les idées, superstitieux par l’imagination, païen par le culte, grand sur le trône et à la tête des armées, faible et petit dans ses temples et dans ses mystères ; qu’il eut, en un mot, le courage d’agir, de penser, de gouverner et de combattre, mais qu’il lui manqua le courage d’ignorer ; que, malgré ses défauts, car il en eut plusieurs, les païens durent l’admirer, les chrétiens durent le plaindre ; et que, dans tout pays où la religion, cette grande base de la société et de la paix publique, sera affermie ; ses talents et ses vertus se trouvant séparés de ses erreurs, les peuples et les gens de guerre feront des vœux pour avoir à leur tête un prince qui lui ressemble.
Il les fait plier toutes ; il élargit sa religion et rétrécit sa philosophie, en sorte que sa philosophie puisse tenir dans l’enceinte de sa religion. […] Il veut rendre la philosophie religieuse, et la religion philosophique. […] Qu’est-ce qu’une religion ? […] Cette conciliation prétendue est une guerre déclarée à la religion. […] Le peuple juif a produit la religion, et le peuple grec la science.
Pareillement, le philosophe, il conçut une Religion, par qui le Peuple était instruit ; et il la conçut divulguée dans le Peuple… Il conçut l’Œuvre artistique, porte-voix de la Religion, divulguée, comme un Évangile, dans une nouvelle Bible, universellement lue, un livre. […] » Tout le paragraphe relatif à la religion et à l’art, est également clair, précis et exact en deux pages. […] Pour l’interprétation de ce texte, on se reportera à l’ouvrage de Bertrand Marchal : La religion de Mallarmé, José Corti, 1986, p. 173-191. […] Selon Marchal, c’est donc « moins un musicien qu’un fondateur de religion, poète par surcroît, qui est offert par Mendès à la curiosité de Mallarmé (…) » (p. 171). […] On voit bien ici comment Wagner apparaît comme un créateur de religion et de quelle idolâtrie sont capables certains wagnériens de l’époque.
Jésus ne voulait que la religion du cœur ; celle des pharisiens consistait presque uniquement en observances. Jésus recherchait les humbles et les rebutés de toute sorte ; les pharisiens voyaient en cela une insulte à leur religion d’hommes comme il faut. […] Jésus était plus que le réformateur d’une religion vieillie ; c’était le créateur de la religion éternelle de l’humanité.
Malgré l’indifférence dont on s’est beaucoup vanté pour une religion finie, que plusieurs considéraient, disaient-ils, comme ils auraient considéré les antiquités d’Herculanum, il s’est pourtant rencontré que le xixe siècle, qui jouait la comédie de la plus haute impartialité à l’endroit de tous les symboles et qui avait la prétention de les ramener à une explication scientifique, s’est élevé de plus belle contre cette religion qui a fait rugir tous les impies, depuis Celse jusqu’à Condorcet, et l’a passionnément attaquée non plus dans sa morale et les conclusions politiques qui en découlent, mais dans le plus fondamental de ses dogmes, — la personnalité divine de Notre-Seigneur Jésus-Christ. […] La philosophie, qui s’embusque partout où elle peut tirer de là sur la religion, ne s’est pas contentée de nier la divinité de Jésus-Christ dans les livres d’une exégèse difficile, de bouleverser le sens des prophéties, de discuter et de dénaturer les miracles. […] Nous encourageons toujours de nos vœux les publications de ce genre, tous les ouvrages qui, comme cette Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, remettent en lumière et en solidité les assises mêmes de notre religion et de notre foi.