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242. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Une fois dans ce riant paysage du Berry, sous les érables si frais de la Vallée noire, à deux pas de l’Indre qui n’est là qu’un joli ruisseau, après le premier regard de connaissance jeté à la famille Lhéry et aux jeunes habitants de la ferme Grangeneuve, j’oubliai tout le reste, je me laissai vivre et aller au cours des choses ; je me sentais introduit dès l’abord dans un monde facile et nouveau. […] Bénédict est bien fait de sa personne ; son visage, d’une pâleur bilieuse, exprime la fierté et la distinction ; il a les lèvres minces et mobiles et un certain regard singulier qui marque une force étrange de caractère et qui fascine. 

243. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Ces fantômes légers et capricieux, qui voltigent en pleine liberté au sein de l’intelligence, pâlissent et se dissipent devant le regard de l’attention. […] Il n’y a que vingt vers ; mais ils sont parfaits de naturel et de mélodie : on dirait le doux et mélancolique regard par lequel l’homme qui a souffert répond aux caresses d’un enfant.

244. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Un écrivain sérieux aurait d’abord examiné ce qu’il y a de semblable et de différent entre Paris, ce caravansérail du monde et de la province, ce home de la France, — comme diraient les Anglais, — entre Paris, le vaste déversoir de toutes les vagues sociales qui viennent s’y engloutir avec leurs impuretés et leurs écumes, et la province, cette multitude de baies où le flot se circonscrit et séjourne ; — Paris, patrie anonyme de tous les hommes qui ont brisé le lien de la famille et qui ont quitté la province pour en éviter le regard qui tombait de trop près sur eux, et la province, cette vraie patrie de la famille française qui en garde plus austèrement l’honneur et les traditions ; — entre Paris enfin, spirituel, mobile, éloquent, au cœur un peu trop tendre aux révolutions, qui s’habille, babille, se déshabille et brille… de cet éclat de strass qui exagère les feux du diamant, et la province, perle sans rayon, mais d’un bon sens si tranquille et pourtant d’une action si puissante quand il s’agit de dire des mots décisifs, la province, qui a toujours répondu par des empires — parfaitement français — aux républiques parisiennes. Et, quand il aurait fait le compte des ressemblances et des contrastes, il aurait, au moins, sous le regard et sous la main tous les éléments de cette société révolutionnaire dont MM. de Goncourt n’ont pas même vu la moitié.

245. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Le rideau, jusque-là baissé, en se relevant doit nous permettre de plonger dans le coin le plus sombre, le plus noir et le plus tragique d’un siècle (le XVIIe) qui a tout couvert de sa pourpre, et aussi dans cet autre coin de l’âme humaine qui résiste à toute lumière, et au fond duquel le moraliste, moins heureux que l’historien, enfonce ses regards et sa torche, sans pouvoir jamais l’éclairer ! […] L’un est plus robuste que l’autre, plus râblé, plus atroce de regard ou de griffe, mais c’est toujours la même physionomie générale, avec des nuances plus ou moins foncées dans la fougue ou dans la fierté.

246. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Thucydide est un historien qui a jeté sur les événements de son temps le regard clair d’un fils de Minerve aux yeux pers. […] Jamais personne, en son temps, ne fut plus digne de porter la cigale d’or dans ses cheveux — Mais parce qu’il est cela, — incontestablement, — est-ce une raison pour que la Critique n’ose pas mesurer son niveau et porter sur lui le regard qu’elle y porterait si cette œuvre paraissait aujourd’hui et fût toute neuve dans la gloire ?

247. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Mais à la distance où nous en sommes, nous, les fils du xviiie  siècle et de la Révolution française, nous ne pouvons embrasser d’un regard pur de tout préjugé une politique qui avait son unité comme elle avait son principe, et parce qu’elle choque la personnalité de notre siècle, inconséquente et raccourcie d’intelligence, nous la condamnons sans réserve, en vertu de nos idées d’hier. […] Obligé, par le sujet même de son livre, de parler d’hommes qui n’eurent jamais nulle part, à l’exception de quatre ou cinq d’entre eux peut-être, ce haut pavé historique qui agit tant et tout d’abord sur l’imagination du lecteur, il n’a pas, selon nous, assez contenu son récit entre ces quelques hommes vraiment dignes du regard de l’histoire, et il est tombé dans les infiniment petits d’une longue suite de biographies.

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