Un de ses amis, dans une préface ou avis au lecteur, le loue emphatiquement de ce travail d’ordonnance et de prétendue élégance, et estime qu’il n’a pas moins de mérite que le premier compositeur, par la raison « que ce n’est moindre louange de bien polir un diamant ou autre pierre fine, que de la trouver toute brute ». […] Que si l’on n’est pas du tout attendri, le mieux est de passer outre sans nous en dire les raisons et sans prétendre qu’on le remarque91. […] On dirait que les objets sont nés dans le monde le jour ou il les a vus… J’ai déjà remarqué ailleurs93 qu’à l’autre extrémité de la chaîne historique on a tout le contraire de cette impression, quand on lit nos graves professeurs d’histoire d’aujourd’hui, nos auteurs de considérations politiques d’après Montesquieu, mais plus tristes que lui, tous ceux qui cherchent et prétendent donner la raison de tous les faits, l’explication profonde de tout ce qui se passe, qui n’admettent sur cette scène mobile ni l’imprévu, ni le jeu des petites causes souvent aussi efficaces que les grandes ; esprits de mérite, mais ternes et laborieux, ployant sous le faix de la maturité autant que Joinville errait et voltigeait par trop de candeur et d’enfance94. […] Natalis de Wailly, conformément à l’opinion de Tillemont et par les mêmes raisons que lui, mais en appuyant davantage, se prononce sans hésiter pour le 25 avril 1214. […] Ils savent la raison de tout ; ils ne sont étonnés de rien.
Je sais bien que Socrate, en son temps, se détournait des sophistes, des prétendus sages qui raisonnaient à perte de vue sur le principe des choses, sur les vents, les eaux, les saisons ; Socrate avait raison de se passer de la mauvaise physique de son temps, de ses hypothèses ambitieuses et prématurées, pour ne s’occuper que de l’homme intérieur et lui prêcher le fameux « Connais-toi toi-même ». « C’est une grande simplesse, a dit Montaigne tout socratique en ce point, d’apprendre à nos enfants “Quid moveant Pisces…”, la science des astres et le mouvement de la huitième sphère, avant les leurs propres. » À cela je répondrai encore que Montaigne n’avait pas tort de préférer de beaucoup l’étude morale à celle d’une astronomie compliquée et en partie fausse. […] Arago soutenait une thèse, celle des sciences contre les langues anciennes savantes : tant qu’il parlait science il avait raison, et il ne devenait choquant que lorsqu’il attaquait à outrance ce qu’il eût suffi de circonscrire et de limiter. […] Saint-Marc Girardin défendait les études classiques avec l’autorité qu’il a et la grâce qu’il y savait mettre : notre cœur à nous qui sommes plutôt du vieux monde, était pour lui ; et pourtant notre raison, notre bon sens reconnaissait qu’il y avait du vrai dans les assertions positives du savant qui voulait faire brèche, et qui représentait toute une race vigoureuse d’esprits. […] Certes le physicien de Philadelphie, même en n’ayant pas raison sur tous les points, aurait eu beau jeu à triompher en public de celui que toutes ses nobles études n’empêchèrent pas d’assister aux convulsions et de croire aux miracles du cimetière de Saint-Médard. […] Il disait encore « que lorsque l’usage de porter de larges manches ou parements avec des boutons avait commencé, il y avait à cela une raison : les parements pouvaient être rabattus sur les mains, et les préserver ainsi de l’humidité et du froid.
Quelque jugement qu’on porte sur l’ensemble de ce travail, il le conçut à bonne fin et le commença avec un zèle extrême : L’entreprise est délicate, écrivait-il à un de ses amis de Paris, M. de Chénevières ; il s’agit d’avoir raison sur trente-deux pièces ; aussi je consulte l’Académie toutes les postes, et je soumets toujours mon opinion à la sienne. […] Comptez toujours sur l’estime, sur l’amitié d’un vieux philosophe qui a la manie, à la vérité, de se croire un très bon cultivateur, mais qui n’a pas celle de croire qu’on ait tous les talents. » Quand Voltaire a raison, il n’y a que lui pour avoir la raison si facile et si légère. […] Voltaire vient d’écrire à la duchesse de Saxe-Gotha au sujet de l’exécution du chevalier de La Barre ; il en est révolté, et avec raison ; il trouve horrible que, pour un indigne méfait, et qui certes méritait (ce n’est plus lui qui parle) une correction sévère, le chevalier ait été torturé, décapité, livré aux flammes, comme on l’eût fait au xiie siècle ; et tout à côté (tome ii, page 558), dans la lettre suivante, adressée à M. […] Voltaire est contre les majorités et les méprise ; en fait de raison, les masses lui paraissent naturellement bêtes ; il ne croit au bon sens que chez un petit nombre, et c’est assez pour lui si l’on parvient à grossir peu à peu le petit troupeau : Il paraît par la dernière émeute, écrivait-il à M.
Mirabeau, par exemple, voit plus clair sur Versailles que Vauvenargues, et quand il lui écrit de là qu’il faut agir, mais que ce ne peut être du côté de la fortune, ce qui veut dire, dans sa bouche, du côté de la grande ambition ; que les avenues en sont fermées, et qu’il faut alors, de guerre lasse, se retourner et se rejeter, quand on a de la vertu (c’est-à-dire de la force et de la générosité), dans une voie qui soit noble encore et à la portée de celui qui la tente, il a raison : Un homme de qualité ne doit pas s’enterrer ; il se doit à l’État. […] Mais je puis bien vous dire encore, en général, qu’il n’y a ni proportion, ni convenance, entre mes forces et mes désirs, entre ma raison et mon cœur, entre mon cœur et mon état, sans qu’il y ait plus de ma faute que de celle d’un malade qui ne peut rien savourer de tout ce qu’on lui présente, et qui n’a pas en lui la force de changer la disposition de ses organes et de ses sens, ou de trouver des objets qui leur puissent convenir. […] Ce passage où il les caractérise tous les trois est d’une belle touche et d’une peinture morale excellente : L’exemple de M. de Saint-Georges, dit-il, n’est fait ni pour vous, ni pour moi ; c’est un homme trop accompli ; il est gai, modéré, facile, sans orgueil et sans humeur ; il a une santé robuste ; il aime les sciences et la paix ; il est formé pour la vertu ; sa famille et ses affaires lui font un intérêt et une occupation ; son esprit déborde son cœur, le fixe et le rassasie ; il a le goût de la raison et de la simplicité, tout cela se trouve en lui, sans qu’il lui en coûte ; ce sont des dons de la nature ; il est formé pour les biens qu’elle a mis autour de sa vie ; les autres le toucheraient moins ; il a le bonheur, si rare, de jouir de tout ce qu’il aime, parce qu’il n’aime rien que ce dont il jouit. […] Mirabeau, qui écrit à l’emporte-pièce, lui trouve en quelques endroits le style lâche ; le mot n’est pas poli ; nous le traduirons mieux en disant : c’est une suite, un enchaînement de raisons déduites avec largeur et un peu de complaisance, dans une langue riche, un peu traînante en effet, mais d’une belle plénitude morale, d’une élévation continue, et qui rencontre quelquefois des mouvements d’éloquence. […] [NdA] Je crois, indépendamment des autres raisons exposées dans le premier article, que cette période stoïcienne si prolongée, ne laisse point de place chez Vauvenargues à une période chrétienne qu’on aurait pu naturellement lui supposer avant la publication de ces correspondances.
Il a eu raison, selon moi, en se récusant de la sorte, et il a donné un exemple tardif par où tous les autres historiens dignes de ce nom auraient dû commencer. […] On a souvent cité le joli mot de Boissonade qui, publiant son édition d’Homère (1823) et ne consentant point à a admettre les raisons de Wolf, mais ne se sentant point non plus de force à les combattre, se retranchait derrière Aristophane et disait avec je ne sais quel personnage de la comédie : « Non, tu ne me persuaderas pas, même quand tu m’aurais persuadé. » Il tirait ainsi son épingle du jeu. Cette espièglerie toutefois cachait une secrète raison. […] Grote ne voie pas de raison pour la faire nécessairement postérieure en date et d’une couleur morale plus tardive, serait d’un autre Homéride, également créateur et homme de génie. […] A plus forte raison en pleine zone héroïque et légendaire, en pleine veine homérique.
Et pourtant, dirai-je, — et pourtant, — lorsqu’on a donné raison à M. […] Il lui refuse la vue politique étendue, l’intelligence des choses de guerre, l’intelligence des matières de finance : il a parfaitement raison. […] On peut avoir un grand goût pour son esprit, pour sa raison, sans aller au-delà. […] Ces bruits avaient-ils tort ou raison ? […] Je ne puis (et par de bonnes raisons, ayant plaidé aussi la même cause), je ne puis que donner les mains et consentir à tout ce que dit à ce sujet M.